Chapitre 78

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— Ainsi donc, le Lucis n'a qu'une fille à envoyer pour tenter de me renverser.

Je me retournai vers la voix, les mains déjà sur les Volessences.

Il me fallut un moment pour le reconnaître.

Je n'avais vu qu'une ou deux photos de lui, alors qu'il était plus jeune. Il apparaissait maintenant comme un homme malade. Son visage était creusé, ses yeux enfoncés dans leurs orbites, sa barbe clairsemée. Ses cheveux filasses étaient intégralement blancs, de la même teinte que le long manteau qui recouvrait son corps fin. C'était pourtant bien lui.

Iedolas Aldercapt. L'Empereur du Niflheim.

Il passa à côté de moi, les mains jointes dans le dos et rejoignit le trône sur lequel il prit place, ses doigts décharnés cliquetant sur la pierre des accoudoirs. L'épais tour de cou doré qu'il portait brillait sous la lumière froide des néons.

— Une fille, répéta-t-il. Une seule et pauvre fille.

Je serrai les dents. C'était insultant et je me doutais qu'il faisait cela pour me titiller.

— Le Lucis n'a donc rien de mieux à me proposer ?

Toutefois, plus l'Empereur parlait et plus il était évident qu'il n'était pas au courant de tout. Voire peut-être de rien. Je n'étais pas seule, bien au contraire, puisque les garçons étaient en train de rejoindre le Cristal. Sauf qu'il ne le savait pas. Je le fixai en penchant la tête, ne sachant si c'était censé être une situation drôle ou non.

Ardyn se servait de lui. Le Grand Chancelier de l'Empire manipulait l'Empereur lui-même. C'était lui le véritable gouverneur de ces terres et de l'infanterie magitech, pas Iedolas Aldercapt. Et si Ardyn l'avait mis en travers de ma route... enfin, de mon épreuve, c'était pour une raison bien précise.

Pour que l'un de nous n'en réchappe pas.

Je devais tuer l'Empereur pour poursuivre l'épreuve et espérer débloquer le verrou qui ouvrirait la voie aux garçons. Ou bien je mourrai en essayant. On avait fait un peu plus réjouissant comme perspective d'avenir.

Mes doigts glissaient sur les pommeaux des Volessences et j'hésitai. Je me demandai si je ne pouvais pas m'en tirer avec une courbette comme avec Eronos. Peut-être que si je faisais perdre connaissance à l'Empereur ce serait bon. Peut-être...

Je ne voulais pas tuer. Je ne voulais pas être comme ça, quelqu'un qui pouvait ôter la vie facilement sans se poser de questions si ma propre vie n'était pas en danger. Les soldats magitech, c'était une chose. Un être de chair et de sang, même s'il s'agissait de l'Empereur du Niflheim qui avait mis une partie d'Éos à genoux, c'en était une autre. Et...

— Voyons qui nous avons là, lança une seconde voix derrière moi.

Il était donc temps pour moi d'arrêter de me poser des questions existentielles.

Je voulais continuer à avoir un œil sur l'Empereur, aussi reculai-je en pivotant un peu afin de pouvoir avoir les deux hommes dans mon champ de vision.

Le nouveau venu était bien plus jeune. Ses cheveux clairs tiraient sur le gris, son manteau, long et blanc aussi, était rehaussé de broderies grises et de boucles d'argent. Il posa la pointe de son épée devant lui et je pus observer à loisir son bras gauche étincelant. Un membre mécanique, magitech, ça ne faisait aucun doute.

Je plissai les yeux, incertaine de ma supposition. Je ne l'avais jamais vu, j'avais juste entendu parler de lui. Mais ce bras... ça ne pouvait tromper personne.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant