Chapitre 76

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[Ely]

Un instant plus tôt


Une lumière crue inonda la pièce. Des pas sur ma droite me firent me retourner, sur la défensive, et je me figeai. L'air quitta ma poitrine et je reculai d'un pas, chancelante.

Plus que ces yeux sombres, cette mâchoire carrée ou cet air mauvais qu'il avait fini par révéler, j'aurais reconnu entre mille ces cheveux blonds méchés de diverses teintes de bleu. Je les aurais reconnus même dans une éternité, même à travers les enfers.

Il était là, aussi improbable que ce fût. L'air arrogant et me toisant de haut, une main serrée sur la même poignée en cuir qu'un peu plus de trois ans plus tôt. Mon sang se glaça et le vide se fit dans mon esprit.

Mon bourreau.

La surprise d'Ardyn.

— Non, m'entendis-je dire, la voix chevrotante. Non !

— Oh que si, me rétorqua-t-il, une drôle de lueur dans les yeux.

Je reculai à mesure qu'il avançait et je me retrouvai trop vite bloquée par le mur.

— Non, répétai-je.

Il leva la main et d'un mouvement vif du poignet, fit claquer le fouet. Ce bruit sec me ramena des années en arrière et je lâchai mes dagues sans vraiment m'en rendre compte. Je me trouvai à nouveau dans la dépendance, nue et à genoux. Le fouet mordait à nouveau mon dos ravagé et je hurlai dans ma tête pour ne pas lui octroyer le plaisir d'entendre ma voix se briser au même rythme qu'il brisait mon corps.

— Eronos, m'étranglai-je.

— En six mois, tu ne m'as jamais supplié d'arrêter. Tu n'as crié et pleuré qu'une fois. Tu encaissais, comme une bête sage et bien élevée. Mais cette fois ce sera différent. Cette fois, tu me supplieras en rampant, cracha-t-il en faisant de nouveau claquer son fouet.

Les vieilles douleurs de mon dos se réveillaient. Mes cicatrices hurlaient. Mon cœur avait presque oublié comment battre. Et moi je tombais dans un abîme sans fond, là où personne ne me trouverait jamais, là où il n'y aurait rien d'autre qu'Eronos et son maudit fouet.

Comme dans un cauchemar dont je n'étais que spectatrice, je vis mon ancien précepteur lever le bras. Je sus ce qu'il allait faire avant qu'il n'amorce son mouvement et, pourtant, je ne bougeai pas. Mon inconscient brimait ma magie, comme ç'avait été le cas durant chaque longue séance avec Eronos.

Je glapis lorsque le bout du fouet me cingla la joue, y laissant une marque sanguinolente. J'y portai les doigts et regardai bêtement le sang qui les recouvrait.

Suis-je vraiment comme ça ? me demandai-je. Une bête sage et bien élevée qui attend qu'on la caresse ou qu'on la batte sans broncher ?

Je pensai à Clarus, à sa bienveillance, aux livres et aux gâteaux qu'il m'apportait, aux couteaux qu'il me donnait. À Iris, sa gentillesse sans borne alors qu'elle ne me connaissait même pas, à sa façon de me défendre auprès des garçons. À Monica, Dustin et Talcott qui ne m'avaient jamais regardé étrangement même après m'avoir vu utiliser ma magie. À Noctis qui avait fini par se délier malgré des débuts méfiants. À Ignis, qui avait toujours été calme et réfléchi et qui m'avait laissé une chance. À Prompto, qui ne s'était posé aucune question et m'avait partagé sa bonne humeur d'entrée de jeu. À Gladiolus, qui s'était montré hostile et peut-être un peu difficile avant que sa carapace ne se fende un peu. D'eux tous, aucun ne m'avait vu comme un animal.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant