[POV externe]
An 764, sept ans et sept mois après Zegnautus
Hammerhead
Même s'il ne se l'avouait pas en ces termes, Gladiolus fuyait Hammerhead et Elyvana. Pas seulement la jeune femme d'ailleurs, mais surtout ce qu'elle lui faisait ressentir.
Il n'aimait pas ce qu'il avait entendu ce soir-là, des mois plus tôt – qui aurait aimé ? Néanmoins, il ne pouvait pas lui en vouloir. Elyvana était libre de faire ce qu'elle voulait comme elle le voulait. Il ne la forcerait pas à rester dans une cage pour la contrôler comme ç'avait été le cas durant la majeure partie de sa vie. Elle était libre de ses choix et de ses actes. Libre de choisir ses fréquentations. Libre d'aimer qui elle voulait. Même si ça n'était pas lui.
Ce que cette pensée réveillait au plus profond de son être n'avait rien de bon. Il sentit une vague de colère le submerger. Une colère toute dirigée contre lui-même. Il comprenait trop tardivement qu'il n'était pas ce dont Elyvana avait besoin. La Gardienne avait besoin de quelqu'un près d'elle. Qui l'épaule et la soutient. Qui la fait se sentir bien. Qui l'aime et qui la fait se sentir sereine.
Elle n'avait pas besoin de s'inquiéter à longueur de journée pour quelqu'un partant chasser à travers le Lucis, la laissant seule trop souvent. Elle n'avait pas besoin de quelqu'un qui soit parfois difficile ou trop rude, qui avait du mal à trouver les bons mots et à parler, qui la faisait se battre et la secouait un peu maladroitement.
À quel moment Hector avait-il réussi à s'insinuer près d'elle alors qu'elle semblait se méfier de lui ? Aurait-elle pu mentir à son propos, notamment lorsqu'il avait surpris le chasseur dans leur mobil-home ? Non.
Non.
Il balaya cette pensée d'un mouvement de tête. Gladiolus connaissait bien Elyvana maintenant, après sept années près d'elle. Elle n'était pas comme ça. Il le savait. Il en était persuadé.
Il n'avait rien fait pour empêcher cela d'arriver. Pour tenir Hector à distance d'elle.
— Peut-être que c'est mieux comme ça, marmonna-t-il en approchant d'Hammerhead. Mieux pour elle.
Sa colère se mua en quelque chose d'autre lorsqu'il franchit les grilles de la localité. Quelque chose de plus dense et de plus étouffant. Qui l'oppressait et le dérangeait. Il se sentait mal. Une sorte de mélancolie triste l'étreignait.
Ce serait mal et égoïste de la forcer à rester près de lui si ce n'était pas ce qu'elle désirait.
Aimer, c'était aussi savoir rendre sa liberté à l'autre. Même si ça faisait mal.
Sauf qu'il n'arrivait pas à s'y résoudre. C'était trop dur. Il aurait préféré s'arracher un organe ou reposer pour de bon son épée. Il lui aurait promis le monde et les étoiles, les prochaines lueurs du jour et la mer entière si elle le lui avait demandé. Il lui aurait tout donné. Il lui avait tout donné. Tout ce qu'il pouvait.
Mais ça n'était pas ce dont elle avait besoin. Pas de lui.
S'il pouvait seulement rester près d'elle encore un peu... Après tout, Elyvana ne lui avait pas demandé de partir malgré son inconstance qui persistait depuis de longs mois. À un moment il se noyait en elle. Et à un autre il mettait autant de distance que possible. Il essayait de se détacher d'elle, en réalité. Il s'y contraignait. Mais sans réussir.
Personne ne l'avait préparé à ça. Il faisait partie de la garde royale depuis ses dix-huit ans, avait suivi un entraînement rigoureux depuis son plus jeune âge, il savait se battre contre à peu près tout ce qui existait, il avait une image de roc inébranlable, de dur à cuire. Mais un petit bout de femme avait réussi à l'ébranler, justement, jusqu'au plus profond de son être. Jusqu'à ce que son âme se fendille rien qu'à l'idée qu'elle continue son chemin sans lui.
— Tu vas vraiment arrêter de chasser si elle te le demande ? lança une voix proche.
La question n'était pas adressée au guerrier, pourtant il jeta un regard dans la direction d'où elle provenait.
Adossés contre une voiture, Renan et Hector. Comme par hasard.
Les Six devaient vouloir se foutre un peu de lui.
— Elle n'aura même pas besoin de me le demander, assura Hector.
Gladiolus eut soudain une profonde envie de lui arracher son sourire suffisant.
— J'arrêterai la chasse de moi-même. Je ne veux pas qu'elle s'inquiète si je ne suis pas là, et je n'ai pas envie de la laisser seule. Je l'aiderai à l'infirmerie plutôt. Ça la soulagera et elle en a bien besoin. Elle a trop à faire, toute seule, là-bas.
Le garde royal passa devant les deux chasseurs sans qu'ils le remarquent, trop absorbés par leur conversation.
— Franchement, je vois pas ce que t'attends, déclara Renan.
— Qu'elle me dise qu'elle est sûre d'elle. Mais je sais qu'elle ne veut faire de peine à personne, alors j'attends. Et quand...
Les voix s'estompèrent en même temps que l'esprit de Gladiolus s'embrumait.
Il n'y avait pas besoin d'être devin pour comprendre que le « elle » en question n'était autre qu'Elyvana. Ainsi...
Son sac sur l'épaule, il s'arrêta devant le mobil-home dont la lumière était allumée. Il en aperçut une autre dans le coin de la fenêtre de la cuisine. Il hésita.
Et prit la direction du restaurant.
**
Il ne rentra que lorsqu'elle fut couchée et endormie, le chocobo offert par Prompto serré dans ses bras. Elle portait encore l'un de ses tee-shirts. À vrai dire, elle ne portait que ça pour dormir depuis qu'il lui en avait laissé à Cap Caem. Depuis, au fil des ans, il lui en avait glissé quelques-uns supplémentaires.
Simplement éclairée par les néons d'Hammerhead qui filtraient à travers les rideaux, la tête sur son oreiller à lui, le chocobo dans les bras, la respiration lente, ses lèvres pleines à peine entrouvertes, ses longs cils projetant leur ombre sur ses joues, la couette rejetée et juste vêtue de l'un de ses tee-shirts... Elle était aussi parfaite qu'il était possible.
Avec des mouvements lents, Gladiolus s'assit à côté d'elle et resta un moment à la regarder. Elle remua un peu, sans se réveiller, enfouissant un peu plus son visage dans l'oreiller. Il se pencha alors doucement sur elle, ses doigts effleurant sa hanche et ses lèvres l'embrassant sur la tempe. Un soupir s'échappa d'Elyvana et le grand guerrier resta un peu ainsi, à s'imprégner de son odeur qui lui rappelait les bleuets et l'hiver.
— Désolé de ne pas être celui dont tu as besoin, murmura-t-il.
**
Il partit tôt le matin, avant que la jeune femme ne soit réveillée. Il lui avait simplement laissé un message disant qu'il était rentré tard et qu'il avait dû repartir peu de temps après. Sans mentionner quand il reviendrait.
Gladiolus était reparti avec le cœur lourd, ayant du mal à détacher son regard de la Gardienne qui avait pris une place si importante dans sa vie.
Lorsqu'il avait refermé la porte du mobil-home, il avait aussi eu l'impression d'essayer de refermer une part de lui.
Comme pour se donner un peu de courage.
Celui de la laisser s'envoler loin de lui.
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À l'aube de ce monde
Hayran Kurgu[Fanfic Final fantasy 15 avec OC] « Là-bas je n'avais pas à me demander qui j'étais. Je me contentais d'être. » Élevée seule et isolée du reste du monde, on la dit dotée d'une magie incroyable. Quand la capitale royale tombe aux mains de l'Empire et...