À l'aube de ce monde

Journal de Regis - An 753

An 753

Regis Lucis Caelum CXIII

Les années passent, mais elle ne maîtrise toujours pas suffisamment sa magie. Ça reste assez hasardeux. Et elle la réprime toujours.

Je sens une puissance incroyable en elle. Quelque chose qui tourbillonne comme une tempête, qui n'attend que de s'exprimer. Mais elle l'en empêche, peut-être par peur, inconsciemment, de réitérer l'accident d'Orvelam.

Je comprends ses peurs. Je comprends qu'elle ne sache pas quoi faire. Je comprends qu'elle ne sache pas vraiment ce qu'elle fait ici. Quel est son but.

Mais la guerre contre le Niflheim fait rage. Je ne pourrais pas éternellement maintenir l'Empire à distance. Nous aurons besoin d'elle. D'elle, et de sa puissance. Si elle ne la maîtrise pas, si elle ne l'exprime pas... Alors à quoi bon tout ça ?

[...]

J'allais voir Elyvana moins souvent car elle ne faisait pas de progrès. Sur aucun point. Soit elle ne maîtrisait pas du tout sa magie, soit elle n'en contrôlait qu'une infime partie. Elle se révélait être une mauvaise combattante. Elle ne maîtrisait pas les armes et juste les bases du corps-à-corps.

[...]

Mes mots étaient forts. Trop. Cette gamine vivait recluse, de mon fait, et je la jugeais sur ses moindres capacités alors qu'elle se montrait pourtant docile. Elle ne s'en sortait pas avec ses pouvoirs, mais elle faisait ce qu'on lui demandait et ce qu'on attendait d'elle sans rien dire.

Je ne me préoccupais qu'à peine des rapports de chacun de ses précepteurs.

Eronos s'occupait de l'enseignement de la magie. Je lui faisais confiance. Je n'avais aucune raison de douter de lui. Et pourtant... Si j'avais été moins amer, si j'avais considéré Elyvana plus comme une personne que comme une épée qu'on affute, alors je me serais rendu compte de ce qu'il faisait. J'aurais pu faire cesser cela beaucoup plus tôt.

Mais non, j'ai été égoïste. Je ne voyais que mon objectif.

C'est lorsque les rapports d'Eronos ont commencé à tous se ressembler et à sonner creux que je me suis alarmé et qu'un jour j'ai décidé de me rendre sur place pour voir de mes propres yeux ce qui se passait.

Par les Six, quelle horreur.

J'ai laissé cette pauvre fille à peine plus âgée ou plus jeune que mon Noctis se faire maltraiter. Elle a été battue comme un animal sauvage qu'on n'arrive pas à dresser. Pendant des mois, m'avoua-t-elle. Je voulais la cacher, la protéger des autres et d'elle-même, la protéger de l'Empire qui pourrait vouloir mettre la main sur elle s'il découvrait son existence et ce dont elle était capable. Mais je n'ai fait que la parquer et j'ai permis à un loup d'attaquer un agneau.

Elle était là, à genoux, dans sa salle de cours. Nue, le dos lacéré et couvert de sang. Et Eronos, une chaîne ensanglantée à ses pieds et un fouet en main, derrière elle. Elle ne dit rien quand elle me vit. Elle ne cria pas. J'eus juste le temps de voir qu'elle ne pleurait pas avant qu'elle ne baisse la tête.

Clarus était resté dehors à ma demande. Et je ne voulais pas qu'il voie ça. Qu'il ne constate pas à quel point j'avais été défaillant. Je lui demandais de mettre Eronos à la porte du palais, et de s'assurer qu'il ne reviendrait jamais ni ne dirait quoi que ce soit sur Elyvana.

[...]

Six mois. Son supplice avait duré six mois durant lequel personne ne s'était douté de rien. Elyvana n'avait rien dit, ne s'était jamais plainte ,n'avait jamais laissé transparaître la douleur qui devait pourtant l'habiter presque en permanence. Elle avait accepté son sort, comme si elle le méritait.