Chapitre 36

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J'avais dégagé ses pieds de sous les gravats. Puis je m'étais assise près de lui et, avec des gestes lents et tremblants, je l'avais retourné pour poser sa tête sur mes cuisses, ne prêtant aucune attention au sang séché.

Je m'étais mise à pleurer quand j'avais vu son tatouage au cou, un serpent qui s'enroulait tout autour, la gueule ouverte. C'était Alban, mon précepteur chargé de m'apprendre l'histoire du Lucis. Il m'avait aussi appris ce qu'étaient les tatouages et m'avait fait découvrir les différents animaux qui existaient.

Je lui caressai les cheveux, me sentant brièvement stupide de faire ça alors que ce geste ne pouvait plus lui apporter aucun réconfort.

Lorsque la nuit s'installa, j'accrochais à mon haut la petite lampe que j'avais fourrée dans mon sac que je n'avais pas lâché depuis que j'avais quitté la voiture de Cor. Sa lumière était vive et rendait anguleux les traits de mon précepteur, mais je préférais ça à ne rien voir.

Alban avait toujours été gentil avec moi. Il me donnait des leçons par obligation, à la demande du roi, mais au contraire de ses confrères il ne le faisait pas avec mauvaise grâce. Même si j'avais du mal à assimiler les choses, il restait patient, répétait, expliquait à nouveau. Il ne riait pas de moi quand une notion simple m'échappait ou quand je ne comprenais pas de quoi il parlait. À l'instar de Clarus, il m'avait apporté un peu de joie et de douceur.

Maintenant, il était là. Mort.

Ce qui signifiait qu'il avait dû venir jusqu'ici pendant l'attaque du palais. Pour vérifier que j'allais bien ou me mettre en sécurité.

Mon cœur se serra à cette idée. Il était mort à cause de moi et, quand il était venu, je n'étais déjà plus là. Il était mort pour rien.


**


Quand Clarus ouvrit vivement la porte que j'avais laissée entrebâillée, je n'avais pas bougé. J'étais toujours assise par terre, la tête d'Alban sur mes cuisses et je faisais glisser avec délicatesse mes doigts dans ses cheveux de jais. Au moins avais-je cessé de pleurer.

Clarus avait revêtu son uniforme de garde royal et portait son épée à sa ceinture.

— Je suis désolé, dit-il à voix basse en s'accroupissant à côté de moi.

Le silence nous engloba alors que je fixai le serpent sur le cou d'Alban.

— On ne peut pas rester, il faut qu'on y aller.

— Je sais, soufflai-je d'une voix à peine audible.

Avec toute la douceur dont je pouvais faire preuve, je passai un bras sous la nuque d'Alban et repliai mes jambes sous moi. Je le reposai délicatement, veillant à dégager ses cheveux de son visage.

— Je veillerai à ce qu'il soit inhumé comme il se doit, me réconforta Clarus alors que je me relevai.

En effet, même si je ne connaissais mon précepteur qu'à travers ce rôle qu'il avait, je ne pouvais pas imaginer qu'il reste ainsi, caché de tous. Peut-être que quelqu'un espérait encore son retour.

— Il s'appelait Alban, dis-je en chassant une larme. Alban Decker.

J'éteignis ma lampe et suivis Clarus dans la nuit silencieuse.

Il nous fit à nouveau traverser des jardins et des allées désertes, avant de rentrer par une petite porte dans le palais. Il ne semblait pas y avoir âme qui vive. Le palais était certainement désert depuis l'attaque. Seuls les gardes devaient patrouiller en son sein.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant