À l'aube de ce monde

Chapitre 58

Ignis n'était pas vraiment d'avis que j'utilise trop ma magie sur lui. Toutefois, j'avais tellement insisté qu'il avait fini par céder, me faisant promettre de ne pas dépasser mes limites.

Nous devions partir le lendemain matin. Prompto m'avait montré comment utiliser mon téléphone en réveil et celui-ci avait été réglé sur six heures du matin. Bien que le jour ne commence à se lever qu'à huit heures trente dorénavant, je voulais avoir le temps de soigner une nouvelle fois Ignis avant de partir. Si j'étais fatiguée, j'aurais tout le temps de dormir en voiture.

Je fus la première levée. Pas pour très longtemps, car Iris était déjà en train de préparer du thé et du café lorsque je sortis de la salle de bain. Il n'était pas difficile de deviner qu'elle n'avait que peu dormi. Elle s'inquiétait, c'était évident.

Petit à petit, la pièce de vie se remplit. Bientôt, toute la maisonnée fut assise autour de la table, une tasse de café ou de thé à la main, grignotant quelque chose pour ceux qui en avaient envie. Noctis, Prompto, Gladiolus, Ignis, Iris, Lunafreya, Talcott, Monica, Dustin et moi. Personne ne parlait. J'eus soudainement conscience de l'ampleur de ce que nous nous apprêtions à faire. C'était compliqué, un peu saugrenu, complètement dingue.

Un poids s'abattit sur mes épaules. Et si les choses tournaient mal ? Si l'Empire nous arrêtait ? Si... l'un d'entre nous ne revenait pas ?

Je balayai cette pensée aussi loin que possible. Nous avions une mission à accomplir. Il fallait retirer le Cristal des mains de l'Empire, lui porter un coup fatal et faire en sorte que les Ténèbres ne dévorent pas le monde. Rien que ça. Nous devions y arriver. Délaissant mon thé auquel je n'avais pas touché, je demandai à Ignis s'il voulait bien me suivre dehors. Je le guidai jusqu'au perron et il s'assit de façon à ce que je puisse être face à lui.

Comme les fois précédentes, je posai mes mains sur son visage, les doigts au niveau des tempes. Le rituel était toujours similaire : il fermait les yeux, moi aussi, et nos fronts se posaient l'un contre l'autre. Ensuite, ma magie passait de moi à lui et s'étirait vers ses yeux, ses cellules et ses nerfs lésés.

La veille, Noctis avait demandé à Lunafreya si elle pouvait faire quelque chose. L'Oracle était réputé pour guérir toute sorte de maux et Lunafreya avait parcouru le Lucis ou le Niflheim plus d'une fois pour apporter son aide à la population. Malheureusement, la mine contrite, elle expliqua qu'elle pouvait guérir ce qui était abîmé, améliorer quelque chose d'existant. Mais elle ne pouvait pas soigner ce qui avait été détruit. Apparemment, il n'y avait que moi qui étais capable de chasser la mort.

Je luttai, ce matin-là, donnant toutes mes forces à ma magie. Je ne sais comment, mais Ignis dut le ressentir.

— Tu vas t'épuiser, fit-il en esquissant un geste en arrière.

Mais je maintins un peu plus fermement son visage entre mes mains. Nous n'avions plus le temps. Idéalement, il devait retrouver une vue correcte d'ici à ce que nous embarquions dans le train de marchandises. Le lendemain matin, en somme.

— Je sais ce que je fais, lui répondis-je dans un murmure.

Ce n'était pas totalement vrai, mais pas totalement faux non plus.

J'intensifiai le flux de ma magie. Elle gronda près de mon cœur et pulsa vers Ignis. Je savais toutefois qu'elle ne lui ferait aucun mal. Il ne broncha pas lorsqu'elle se déversa en lui et je la sentis accélérer son travail. Elle puisa un peu plus en moi et je lui offris tout ce que je pouvais. Mes oreilles bourdonnèrent et mes mains commencèrent à trembler. Il n'était pas question que j'arrête maintenant.