Chapitre 103

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Demain, cela ferait dix ans que Noctis a disparu dans le Cristal.

Finalement, je n'étais plus très sûre de le voir revenir. J'avais un peu surestimé mes capacités à rester en vie assez longtemps.

Ma magie filait entre mes doigts même si je prenais soin de ne pas l'utiliser. Je pensais voir la fin de l'année approcher, mais peut-être pas la nouvelle commencer. Je l'avais dit à Gladiolus, aussi doucement que possible, même si ça m'avait fendu le cœur. Il m'avait serré contre lui si fort que ça ne m'aurait pas étonnée d'entendre mes os craquer. Il m'avait demandé de m'accrocher, que Noctis allait finir par revenir et que ça arrangerait sûrement tout. Si le Cristal réapparaissait, alors le lien reviendrait peut-être de lui-même. Ou alors Bahamut aurait l'obligeance de le recréer. Personnellement, je n'étais pas très sûre que « Bahamut » et « obligeance » puisse coexister dans la même phrase.

Je n'avais plus revu Hector qui avait proprement été mis à la porte d'Hammerhead, d'après ce que m'avaient raconté Prompto et Harvey. Gladiolus n'y était pas étranger, d'ailleurs. Ainsi que Logan, à ma grande surprise. Je ne réussis pas à savoir grand-chose, car c'était comme si le nom du chasseur blond avait été effacé. Tout ce qu'on consentit à me dire, c'était que, alors que je naviguais entre sommeils profonds et demi-conscience, Gladiolus avait attrapé la veste d'Hector – au sens propre du terme – et l'avait quasiment traîné jusqu'aux grilles alors qu'il se débattait comme un daemon. Logan était arrivé à ce moment et Hector avait été laissé à un groupe de chasseurs qui devaient se rendre du côté de la forêt de Malmalam, au nord de Duscae. Il lui aurait été dit qu'il n'avait pas intérêt à se remontrer dans le coin. Sauf s'il ne voulait pas s'en sortir indemne cette fois-là.

Hector était parti en hurlant moult choses qui auraient mérité de lui faire avaler un peu de savon – on m'avait appris que ça ne se faisait pas non plus, comme jeter des objets sur les gens. Prompto avait été étonné qu'il ait accepté de déguerpir aussi facilement.

Moi, j'étais étonnée qu'il ne soit pas passé sous le tranchant de Masamune pour finir en charcuterie pour la bandersnatch.

Gladiolus ne chassait presque plus, et ne partait jamais plus d'une journée. Il s'arrangeait avec Prompto pour que l'un d'eux soit toujours là. Ainsi, je ne passais aucune de mes journées seule. Lorsqu'il était à Hammerhead, il n'était jamais loin de moi. Je sentais sa présence rassurante où que je sois. Il m'aidait quand c'était nécessaire. Il ne poussait cependant pas le vice à m'aider à l'infirmerie, sauf demande directe, parce que j'avais tendance à râler dès qu'il faisait quelque chose... c'était ce qu'il disait. Ma version des faits, c'était qu'il avait tendance à mélanger tous les produits et à reposer les choses là où n'était pas leur place. J'aimais jusqu'à nos chamailleries, alors ça ne me dérangeait pas. Tous les soirs, je m'endormais blottie contre lui, nimbée de sa force, de sa chaleur et de son odeur.

Les chasseurs me lançaient des regards un peu contrits. Même Cid s'y mettait et ça ne lui allait pas du tout. Cindy gardait sa jovialité et je l'en remerciais. Ignis ne me lâchait presque pas lorsqu'il était là. L'avantage, pour lui, c'était que je n'avais jamais été aussi à jour concernant l'inventaire de l'infirmerie. Prompto, après avoir passé quelques jours d'une humeur brumeuse après avoir appris ce qui m'arriverait sans magie, avait retrouvé sa bonne humeur éclatante. Je voyais bien qu'il faisait de son mieux pour refouler certaines choses, mais j'aimais les moments avec lui, à rire et à chanter des chansons sur les chocobos.

Lunafreya était revenue deux fois, et Iris quatre fois. La cadette des Amicitia restait quelques jours à chaque fois. J'aimais toujours autant la revoir. Elle avait vingt-cinq ans maintenant, et j'avais l'impression de ne pas l'avoir vu grandir. Mais, comme elle le disait si bien, elle me voyait bien vieillir maintenant que j'avais atteint vingt-neuf ans. Je pressentais une flopée de blagues arriver si je passais la barre des trente ans.

Talcott était un vent de fraîcheur à lui tout seul. Ou une bourrasque, plutôt. Il était énergique et ne perdait jamais une occasion de donner un coup de main. Il partait souvent chasser avec Prompto ou Gladiolus, me donnait parfois un coup de main à l'infirmerie pour ranger le matériel et nettoyer ce qui devait l'être. Quelques fois, il faisait des trajets jusqu'à Lestallum pour aller y chercher ou y ramener du matériel spécifique. Lui aussi me regardait un peu tristement, mais il ne disait rien, faisant comme si tout allait presque bien. Ce n'était pas plus mal.

Même Clarus était passé. Les nouvelles de ma santé étaient allées un peu trop vite. Sur le coup, je n'en avais pas été enchantée. Mais, après tout, il fallait admettre que j'étais contente de pouvoir revoir Clarus. Une fois, il avait même traîné Cor avec lui. Le général immortel, plus grognon que jamais, avait refroidi tout Hammerhead et la plupart des chasseurs avaient trouvé quelque chose à faire lorsqu'il était entré dans le restaurant.

Tous ces comportements me donnaient l'impression d'être une mourante que l'on veillait – c'était le cas. Mais j'appréciais trop la présence de mes amis pour trouver quelque chose à y redire.

Ils étaient ce que j'avais de plus cher. Profiter d'être auprès d'eux était tout ce à quoi j'aspirais.

Encore un jour. Ou deux.

Encore une semaine.

Juste encore un peu.



À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant