Chapitre 94

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An 763, sept ans et deux mois après Zegnautus

Hammerhead



Gladiolus était absent depuis quatre jours, parti chasser seul dans la région de Duscae, non loin du disque de Cauthess. Il partait de plus en plus loin et de plus en plus longtemps, comme s'il essayait de fuir quelque chose. Je lui avais posé la question, mais il s'était contenté de hausser un sourcil. J'allais finir par croire que c'était moi qu'il fuyait.

Non, réflexion faite, c'était déjà ce que je croyais.

En sept ans, je n'avais jamais vu Gladiolus être d'humeur aussi changeante. Enfin... oui et non. Disons qu'au début il était surtout changeant lorsque nous nous retrouvions seuls. Il arrivait à trouver ses mots plus facilement, il s'ouvrait plus, aussi, qu'en présence du reste du groupe. Mais malgré ses remarques parfois un peu acides ou taquines, ses sourcils froncés et ses lèvres pincées, il y avait des gestes et des regards qui ne trompaient pas. Même si, à ce moment-là, je ne les avais pas forcément compris.

Maintenant, en revanche... Je le trouvais plus froid, plus distant. J'avais l'impression que, parfois, il m'évitait. Qu'il ne rentrait pas toujours à Hammerhead avec envie. Ça lui arrivait de me serrer fort contre lui lorsqu'il se couchait à côté de moi, cachant son nez dans mes cheveux, caressant mon dos, mes hanches, mes fesses. Mais, d'autres fois, il ne s'approchait pas, me tournant le dos.

Les nuits où j'étais seule, il m'arrivait de pleurer, roulée en boule sous la couette et serrant mon oreiller contre moi. Ne comprenant pas son comportement ni ce que j'avais pu faire.

Je n'avais pas voulu aborder ce sujet avec Ignis et Prompto. Non seulement parce que je ne voulais pas les déranger avec mes états d'âme alors qu'ils étaient tous deux bien occupés, mais aussi parce que j'appréhendais un peu ce qu'ils pourraient dire. Après tout, est-ce que ce n'était pas juste moi qui en attendais et demandais trop ? Je n'avais pas vraiment d'expérience en la matière, je n'avais eu ce genre de relation qu'avec Gladiolus. Il était mon premier tout.

Ou peut-être que mon manque d'expérience le lassait.


**


Fait rare, je soignais Renan, lors d'une après-midi où le vent soufflait fort.

Il ne m'expliqua pas ce qui lui avait valu ses blessures – ses jambes avaient été lacérées – et je n'insistai pas. Renan arrivait toujours à me mettre mal à l'aise et j'avais pris l'habitude d'éviter de me trouver trop proche de lui. De lui, et d'Hector, bien que ce dernier se soit tenu tranquille depuis cette fameuse après-midi à l'infirmerie.

— T'as perdu beaucoup de choses dans ta vie ? me demanda sèchement Renan alors que j'en avais presque fini avec lui.

— Quoi ?

Sa question me surprit. Je ne m'y attendais pas et je ne voyais pas pourquoi il me demandait quelque chose comme ça.

Il darda un regard sévère sur moi que je ne soutins pas plus d'une seconde.

— Comme n'importe qui d'autre, j'imagine, répondis-je pour rester vague.

Il se redressa vivement pour remettre ses chaussures à l'instant où je terminai mes soins. S'apprêtant à sortir en vitesse, telle une rafale glaçante, il se retourna à demi, la main posée sur la poignée. Son regard était dur et dégageait quelque chose d'étrange. Comme s'il savait ce que j'ignorais encore.

— Tu verras, lança-t-il. Ça fait mal.

Cela sonna comme un avertissement.


**


Je me couchai à nouveau seule, la tête sur l'oreiller de Gladiolus pour y respirer son odeur, serrant le chocobo en peluche offert par Prompto.

Ne me laisse pas...

Je ne pouvais le forcer à rien.

Peut-être se lassait-il et qu'il ne savait pas comment le dire.

Peut-être mourrait-il d'envie de rejoindre Iris à Lestallum.

Peut-être que je devrais le laisser s'éloigner.

Si c'était pour qu'il aille bien et soit heureux, alors j'étais prête à tout. Qu'importe que cela piétine mon cœur ; il y avait bien plus important que moi.

Dans les tréfonds de mon esprit, je ne pouvais pas m'empêcher d'espérer qu'il reste. Qu'il soit toujours là. C'était plus fort que moi. Comme respirer. C'était nécessaire, vital. J'avais besoin de croire qu'il serait là pour ne pas m'effondrer.

Il n'y avait que lui.

Il ne pourrait jamais n'y avoir que lui.


**


Est-ce que tout s'arrangerait quand Noctis reviendrait ? C'était si long, sept ans. Est-ce qu'on en tiendrait sept de plus s'il le fallait ?

Noctis...

Reviens.

Parce que tu reviendras, n'est-ce pas ?




À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant