À l'aube de ce monde

Chapitre 47

— Vous dormez vraiment comme des bébés, souligna Gladiolus alors qu'Ignis venait de nous réveiller, Prompto et moi.

Pour toute réponse, il bâilla et moi je tendis la main vers Noctis qui avait encore la tête enfouie dans son oreiller.

Après un tour rapide à la salle de bain, je fus prête. À mon grand désarroi, je ne pouvais pas être armée pour ne pas attirer l'attention ou faire paniquer les gens que je croiserais. Comme je ne pouvais pas invoquer d'armes, c'était Ignis qui invoquerait les dagues pour me les donner si besoin. Il garderait aussi mes fourreaux avec lui et me les donnerait au moment de l'évacuation.

Pas de couteaux, pas de dagues, la préparation allait vite. Le plus long fut de tresser mes cheveux.

Le discours de l'Oracle devait avoir lieu à dix heures précises. Nous avions encore une heure devant nous au moment où nous quittions l'hôtel.

Les rues d'Altissia étaient agitées, les habitants commençaient eux aussi à se rendre sur la place qui se remplissait à vue d'œil.

— Un truc à dire à propos de Léviathan ? demanda Noctis à voix basse.

Ses yeux bleus à moitié cachés par ses cheveux me fixaient. J'avais l'impression de devenir la seconde encyclopédie du groupe, après Ignis.

— Pas grand-chose, répondis-je sur le même ton. Tout ce que je sais c'est qu'elle est immense, imbue d'elle-même et qu'elle a mauvais caractère. Elle ne daigne pas s'adresser aux humains et rechigne également à communiquer à l'Oracle ou aux Messagers.

— Je sens qu'on va passer un bon moment, maugréa-t-il. Ignis ?

— Rien de plus que ce que tu sais déjà.

Après quelques dernières paroles, Noctis quitta le groupe et traversa la place. Nous le vîmes se mettre à mi-chemin entre le pupitre où se tiendrait Lunafreya et la rue barricadée qui donnait sur l'autel où elle effectuerait le rite pour réveiller l'Hydréenne.

Gladiolus s'éloigna avec Prompto vers l'est de la place, après avoir marmonné ce qui ressemblait à un « Faites attention ». Ignis et moi partîmes à l'opposé, nous plaçant non loin d'un groupe de trois soldats d'Accordo. Ignis alla leur dire quelques mots, je les vis hocher la tête puis il revint vers moi.

L'attente fut longue. Sûrement parce qu'on savait ce qui allait se passer. Tout autour de nous les habitants d'Altissia étaient venus remplir la place qui était maintenant noire de monde. Derrière nous, sur différents canaux, je voyais des gondoles s'aligner les unes derrière les autres. J'étais un peu nerveuse.

Le soleil brillait dans le ciel sans nuages et la foule se tut instantanément quand l'Oracle apparut en haut des marches, devant le pupitre sur lequel elle posa une main. De l'autre, elle tenait un trident étincelant. Même de loin, elle était belle et élégante. Normalement, c'était son mariage avec Noctis qui aurait dû être célébré ces jours-ci, et pas un rite antique pour réveiller une déesse qui risquait d'être ronchonne.

— Habitants d'Altissia, habitants d'Éos, commença-t-elle d'une voix claire, et je me souvins que son discours devait être retransmis sur toutes les radios.

Je pensais qu'elle serait accompagnée par des impériaux. Or je n'en voyais aucun. Je tiquais un peu. La Première ministre se serait-elle trompée ?

— Si je me tiens devant vous aujourd'hui, c'est parce qu'Éos va mal. Notre terre souffre. Le Lucis a perdu son roi et on empêche son successeur de monter sur le trône. Les Ténèbres s'étendent toujours plus, les nuits deviennent plus longues, les daemons plus nombreux. Et comment lutter contre la noirceur sans l'aide du roi élu ?