Chapitre 40

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J'étais vidée. Je me sentais épuisée, et il n'était pas encore midi. Pourtant j'étais soulagée d'avoir évacué ma magie, au moins un peu. Elle était toujours là, avec ses éternelles ondulations, mais elle avait accepté de s'enfouir là où elle ne me gênait pas. J'avais besoin d'un minimum de concentration pour lire le journal du roi. Les mots que j'avais vus défiler en le feuilletant ne voulaient rien dire pour moi. Et je ne savais pas à quoi m'attendre quand tout se mettrait en place devant mes yeux.

J'aurais pu retourner à la maison du cap, je n'en étais même pas loin. Mais j'avais besoin d'être seule. Besoin d'affronter ça sans me soucier de mes réactions et des regards qu'on pourrait m'adresser.

En voulant m'asseoir près du bord de la falaise, je remarquai un minuscule sentier escarpé, descendant jusqu'à une plateforme rocheuse de petite taille. Le chemin était à peine visible et difficilement praticable compte tenu de son étroitesse. La surface semblait bien peu confortable mais elle était plus proche de la mer – même si ce n'était pas encore cette fois que je plongerais les pieds dans l'eau pour barboter. Alors, avec prudence et lenteur, je descendis jusqu'à la plateforme, une main glissant le long de la paroi de la falaise.

Je m'installai le dos contre celle-ci, les genoux repliés et entamai ma lecture.


**


Même si je pleurais, je ne pouvais pas détacher mes yeux de l'écriture soignée du roi. Je devais lire chaque phrase, chaque mot. Même si ce n'était pas ce que j'espérais. Même si ça mettait en lumière ce que je savais déjà et que les années m'avaient appris.

À un moment, je ne sus dire depuis combien de temps j'étais là, j'entendis des voix m'appeler. Elles venaient de plus haut et je devinai sans peine que les garçons avaient trouvé l'endroit où j'avais laissé s'évacuer ma magie. Cependant, je ne répondis pas. Je n'avançais pas très vite et j'avais encore pas mal de pages à lire. Ils n'avaient pas à s'inquiéter ; je ne leur ferai pas faux bond.

Heureusement, ils ne s'approchèrent pas assez du bord de la falaise pour trouver le petit chemin que j'avais emprunté et les voix finirent par s'évanouirent.

Je me perdis longtemps dans la contemplation de la mer et de l'horizon. Je ne pourrais même pas dire à quoi je pensais. C'était comme si je voulais mettre tout mon être en stase, me fondre dans la falaise et oublier tout ce que j'étais.

J'avais refermé le carnet sans avoir lu les dernières feuilles volantes rajoutées par le roi, comme si elles avaient été écrites bien plus tard. Je pensais naïvement être capable de tout encaisser et d'aller jusqu'au bout. Mais non. J'en avais appris assez. Peut-être que j'aurais préféré que ce carnet reste dans la bibliothèque cachée du roi. Peut-être qu'ignorer mon passé aurait été préférable. Alban aurait-il risqué sa vie pour venir me chercher s'il avait su tout ça ? Serait-il mort pour une aberration ?

— T'es bien là, finalement.

Je sursautai. Gladiolus. Pourquoi les Six voulaient-ils que ce soit lui qui me trouve ? Pourquoi pas Ignis ou Prompto ? Ils étaient moins enclins à me grogner dessus.

— On dirait.

Je regardai le chemin menant jusqu'à la plateforme, m'attendant à voir arriver les autres. Il n'en fut rien.

— Tout le monde est à la maison. Iris s'inquiète. Prompto aussi.

C'était petit d'essayer de me prendre par les sentiments.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant