Chapitre 59

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Je ne me doutais pas que la répartition des chambres serait aussi compliquée. Je ne comprenais même pas pourquoi ça prenait autant de temps. Moi, j'étais allée lancer mon sac sur l'un des lits de la chambre d'en face, celui contre le mur de la salle de bain, et le sujet était clos. Prompto avait décidé de rester dans la chambre de Noctis. Ignis et Gladiolus, par contre, n'arrivaient visiblement pas à se mettre d'accord. Ils discutaient à voix basse dans leur coin.

— Mettez-vous d'accord ou tirez à la courte paille, ronchonna Noctis.

— Ou partagez le même lit, ajoutai-je, alors que je m'étais rassise par terre pour manger du raisin. Ça ne me dérange pas d'avoir la chambre pour moi toute seule.

— Ah ! Je crois qu'on commence un peu à déteindre sur toi, s'amusa Noctis.

Ignis rajouta quelques mots à l'attention de Gladiolus qui grogna. Mais il finit par attraper son sac posé par terre et traverser le couloir pour aller le déposer dans l'autre chambre. Il revint et s'assit sur la chaise qui était toujours là, les bras croisés et l'air renfrogné. Je ne savais pas trop si je devais le prendre pour moi ou pas. Il tirait cette tête parce que nous devions partager la même chambre ? Sympa.

— Ignis, appelai-je en me levant, alors que Noctis et Prompto étaient en grande conversation et que Gladiolus commentait patiemment leur échange. Tu es prêt ?

Il s'assit plus au centre du lit, en tailleur, et tapota la place face à lui. Je pris la même position et mes mains prirent place naturellement autour de son visage. Nos fronts l'un contre l'autre je fermai les yeux, occultant la conversation des garçons pourtant juste à côté.

Ma magie enfla quelques secondes avant que je ne la laisse fuser vers Ignis. Je percevais le changement qui s'était opéré le matin même sur sa vue et me laissai envahir par cette petite victoire.

Les volutes glissèrent sous sa peau, s'enroulèrent à nouveau autour de ses nerfs, gorgèrent ses cellules. Le temps cessa de s'écouler et je ne percevais plus rien d'autre que ma respiration et les battements de mon cœur. Je ne dressai aucune barrière, m'ouvrant totalement à ma magie qui vibrait. Elle prenait avec force l'énergie qu'il lui fallait et, malgré mes yeux fermés, je sentis que la tête me tournait.

J'avais du mal à respirer à fond, comme si mes poumons ne pouvaient plus se gonfler au maximum. Le goût du sang, devenant un peu trop familier, glissa sur ma langue et un tambour résonnait dans mon crâne jusque dans mes dents. Je ne lâchai rien. Je vacillai, appuyant un peu plus fort mon front contre celui d'Ignis, mais ma magie, elle, ne s'affaiblit pas.

Je crus sentir une main sur mon épaule, puis une autre. Mais je n'en étais même pas sûr. Ce pouvait tout aussi bien être dans ma tête.

J'invitais ma magie à arracher encore un peu de mon énergie, je l'enjoignais à guérir Ignis, à lui rendre ses yeux comme s'il ne s'était jamais rien passé à Altissia. Elle obtempéra, mais je la sentis frémir et cogner doucement contre mon cœur. Il semblait qu'elle essayait de me dire qu'il ne fallait pas aller plus loin pour aujourd'hui.

Mes mains tremblantes retombèrent lourdement sur mes cuisses et mon équilibre me fit défaut. Je ne basculai pas uniquement parce qu'une poigne ferme sur mon épaule me retint.

À genoux. Ne bouge pas.

Non, ça n'a rien à voir, pensai-je en chassant la voix d'Eronos.

En ouvrant les yeux et regardant autour de moi je retrouvais le décor un peu miteux de la chambre de motel. Ignis face à moi, les yeux baissés. Noctis, accroupi devant le lit, nous fixant tour à tour Ignis et moi. Prompto assis au bord du matelas, une main posée doucement sur mon épaule et l'air un peu inquiet. Et, assis dans mon dos, Gladiolus et sa main puissante qui me retenait.

À l'aube de ce mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant