Le mensonge

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Dès les premiers instants où Alice avait rencontré la petite Ada, elle n'avait pu s'empêcher de s'attacher à elle. Le départ précipité de Chahine les avait rapprochées et, même si les premiers moments avec Paul avaient été difficiles, Alice ne regrettait en rien la décision qu'elle avait prise : elle était déterminée, elle allait adopter Ada.

Elle ne pensait cependant pas qu'il lui serait aussi difficile de convaincre l'assistante sociale qu'elle serait une bonne mère pour Ada. Pour elle, elle avait tout pour la rendre heureuse : un métier dans lequel elle s'épanouissait et qui lui donnait une situation financière confortable, un petit frère pour jouer avec elle et lui apprendre de nouvelles bêtises et des amis prêts à tout pour elle.

Alors lorsque l'assistante sociale lui avait dit qu'une enfant comme Ada avait besoin d'un cadre stable pour grandir et avait commencé à faire de tout ce qu'Alice pensait être des points forts des points faibles, Alice avait paniqué. Son métier la poussait tous les jours à faire éclater la vérité et pourtant, aujourd'hui, elle venait d'inventer le plus gros mensonge qui soit pour obtenir ce qu'elle voulait. Elle s'entendait encore prononcer cette phrase qui allait tout changer dans la décision de cette satanée assistante sociale et probablement aussi dans sa vie.

Le rendez-vous terminé, Alice était encore plus paniquée. La sonnerie de son portable la tira de ses pensées et elle décrocha sans même regarder qui l'appelait.

- Madame le juge ? Dites moi que votre rendez-vous est terminé ! ça doit faire la millième fois que Paulo me demande quand-est ce que vous rentrez. Bon il faut dire qu'on a une petite surprise pour vous mais quand même, j'ai l'impression qu'il est aussi pénible que sa mère...

- ...

- Alice ?

- J'arrive...

Lorsque Marquand lui ouvrit la porte, le visage et le pull recouvert de farine, la juge ne put retenir ses larmes. Le stress, la panique et maintenant la joie de voir à quel point Marquand était un parrain formidable la firent craquer complètement.

- Hey maman pourquoi tu pleures ? On a juste fait une bataille de farine avec parrain. T'inquiètes pas on va tout ranger tout seuls pendant que la pizza cuit.

- Paulo, t'as pas l'impression d'avoir révélé notre secret là ?

- Mince...

- Bon allez tu vas aller dans la salle de bain te nettoyer comme un grand et mettre ton plus beau pyjama. Ne t'inquiètes pas je m'occupe de ta mère.

Paul, inquiet pour sa maman mais ayant envie qu'elle soit fière de lui, se rendit dans la salle de bain.

Marquand, inquiet lui aussi pour sa juge, s'approcha et la prit dans ses bras. Elle était d'habitude si sûre d'elle, si forte, que de la voir si vulnérable le mit mal à l'aise. Ce n'était quand même pas pour un peu de farine (bon d'accord beaucoup de farine) qu'elle se mettait dans cet état. A moins que ce soit parce qu'il lui avait dit, toute à l'heure, au téléphone, qu'elle était pénible. Non, impossible il lui avait dit bien pire... Il attendit patiemment qu'elle se calme et veuille bien lui expliquer.

- Je crois que j'ai fait une connerie Marquand.

- Quand vous goûterez notre pizza, croyez moi Madame le juge, vous ne regretterez pas de m'avoir laissé seul dans cette cuisine avec Paulo !

Tout en esquissant un sourire Alice continua sous le regard perçant et encourageant de Marquand.

- L'assistante sociale a démonté mon dossier, elle m'a laissé entendre que je ne pourrai jamais adopter Ada avec la vie que je mène actuellement, que mon...

Elle se jeta de nouveau dans les bras de Marquand qui tenta tant bien que mal de l'apaiser.

- Que mon fils n'a aucun repère masculin dans sa vie...

- Alors ça c'est faux ! S'il le faut je peux témoigner ! Paulo a un grand père qui s'occupe très bien de lui...

- Sauf qu'il ne le voit quasiment jamais puisqu'il vit à Dijon, le coupa Alice qui menaçait de recommencer à pleurer.

- Il a tonton Victor aussi... pas très viril je vous l'accorde mais quand même bien présent, non?

- Carrément collant sourit Alice.

- Et puis il a un parrain qui essaye de faire ce qu'il peut pour accomplir son rôle au mieux, dit Marquand timidement.

- C'est bien ça le problème, Marquand. Je n'ai pensé qu'à vous à ce moment là.

Alors que le commandant Marquand se crispait, comme s'il sentait qu'une bombe allait sortir de la bouche de la juge, Alice s'agrippa à son pull, désespérée.

- Je lui ai dit que j'avais un homme dans ma vie et qu'on allait se marier.

- Quoi ? Vous rigolez là ??!!!

- Je suis désolée, j'ai paniqué... Je n'ai compris que trop tard ce que j'avais fait.

Alors qu'Alice fondait de nouveau en larmes, Marquand attrapait déjà son manteau et partit furieux, sans même un regard pour Alice ou un petit mot pour Paul.

Celui-ci, entendant la porte claquer, sortit précipitamment de la salle de bain. Ne comprenant pas ce qu'il venait de se passer il se mit à pleurer. Ses pleurs redoublèrent quand il se rendit compte que la pizza venait de cramer.

Un jeu dangereuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant