— Quoi qu'il en soit je vais tacher de vous en réciter un sans vous asperger de mes microbes.
Il cherche dans ses pensées reculées un poème, puis affiche une mine satisfaite lorsqu'il semble en avoir trouvé un. En constatant l'expression décomposée de Roxane cela n'augure rien de bon.
Elle a dû avoir un premier aperçu de celui qu'il va prononcer en lisant dans ses pensées.
Il est sur le point d'énoncer les premiers vers, quand je me lève brusquement comme un pique la jarre à la main, criant :
— GRENADINE !
Je sens toute l'attention posée sur moi alors que je ne daigne quitter de mes yeux ronds un point fixe sur l'horizon. Un long silence gênant suit mon annonce avant que ma mère ne décide à rompre ce mutisme.
— Blake ? Est-ce que ça va ?
Je parcours du regard tous mes « amis » ailés qui affichent un air désespéré conscient que mon talent de menteuse est loin, très loin, d'être ma plus grande qualité. Comme la précédemment mentionné Klein et dont le regard ne manque pas de me rafraichir la mémoire : Je suis une meneuse pittoresque.
— Il... n'y a plus... grenadine.
Je distingue discrètement Klein passer sa main sur son front sans sueur. La confiance règne, c'est touchant.
Je m'enfuis à la cuisine, pose précipitamment la jarre sur le comptoir et me concentrer sur un poème de secours. Il va falloir affronter l'inévitable. La perception d'être la seule à pouvoir les protéger, insinue un brouillard de peur dans mon esprit.
Les mains posées sur le meuble je ferme les yeux, puis dans un murmure à peine audible, je récite :
Rime restant dans son nid
N'attisant pas votre ouïe
Contre votre désunion de perception.
Ma voix est si basse que seuls les ailés peuvent la détecter.
Je penche mon oreille vers le salon pour voir si cela a fonctionné.
— Et bien dans ce cas vous serez les seuls à écouter mon poème, poursuit mon père bien décidé à le prononcer.
Je frémis.
« Roxane si tu penses que ça n'a pas fonctionné fait quelque chose, je suis à court d'idées » pensé-je espérant qu'elle intercepte mon message.
Mais rien ne se passe et mon père commence son poème :
La mort arbore son éloge funèbre
Apaisante et attrayante comme un berceau d'ombre
Le seul réconfort : est la mort
Des frissons me parcourent le long du dos réveillant une sueur froide à m'en glacer le sang. Le souffle coupé, je détaille tour à tour les quatre ailés portant la même expression sur leur visage.
— Ça faisant une décennie que je ne l'avais pas prononcé, j'ai bien cru que je les avais tous oubliés, lance mon père. Qu'en dites-vous ?
À première vue il sont toujours en vie, enfin si avec leur mine de déterré ont peut appeler ça « vivant ». Mon poème a fonctionné.
Tous les quatre semblent déstabilisés car aucun ne répond immédiatement. J'ignore si leur trouble est causé par le fait que mon poème a réussit à en contrer un autre, ou si c'est dû à l'origine du poème de mon père. La vision de les savoir passés aussi près de la mort par de simples paroles, m'effraie tout autant qu'eux, si ce n'est plus.
— C-c'était magnifique, s'exclame Klein un noeud dans la gorge. Nous vous avons assez embêté, je crois que nous ferions mieux d'y aller.
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🦋C É L E S T E 🦋
ParanormalSun Valley. Une ville attisant l'étrangeté et la curiosité. Blake s'en rend compte le jour où elle devient la proie d'un dangereux ailé. Une espèce vivant dans l'ombre des humains, aux pouvoirs extraordinaires. Trois jeunes de sa classe se révèlen...