🔹Chapitre 30 : Mémoire oubliée ✔️

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Étrange

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Étrange. Ce mot tourne en boucle dans ma tête malgré moi, résumant le mieux cette matinée. Et je ne peux l'en blâmer. En seulement quelques heures, tout a dérapé. Le chaos, Ezra, les loups... Klein. Rien ne s'est passé comme on l'avait prévu. Chaque petit effort que nous faisions pour m'éloigner du danger, n'a fait que me rapprocher inévitablement de ma mort.



Je n'ai pu y échapper.


Étendue sur un lit, je tourne la tête à ma droite.


Klein est allongé sur celui qui est parallèle au mien. Son torse se soulève légèrement sous chaque respiration. Une aiguille implantée dans la veine de son bras est reliée à une poche médicale lui injectant l'antidote.


Ses yeux sont fermés. Il ne s'est pas réveillé depuis... qu'il s'est évanoui.


Nous avons été alités à cette chambre il y a un peu plus d'une heure, et il n'a toujours pas exhibé son sarcasme légendaire. C'est assez inquiétant. À vrai dire, il n'a pas prononcé un seul mot. Il est calme. Trop calme. Je dois avouer qu'être passé d'extrêmes paroles incessantes à un silence de mort est relativement impressionnant. Pour tout vous dire, j'ignorais qu'il en était capable. J'avais bien émis l'hypothèse où il parle en dormant. Malheureusement, elle se voit dorénavant révoquée. Dommage.


Plongé aussi longtemps dans l'inconscient, je dois admettre que le poison a dû énormément l'affecté.


Mes poèmes aussi...


Mon carnet en cuir noir jonche le rebord de la table de chevet entre nos deux lits. Un instrument inoffensif et à la fois une arme redoutable dans certaines mains.


Je le saisis caressant sa douce couverture ébène. Un sourire mélancolique trace mes lèvres. Tous mes souvenirs y sont retranscrits sous forme de poèmes, tant les bons que les mauvais, afin de tirer profit de mes erreurs passées. Les leçons tirées me sont toujours bénéfiques pour l'avenir.


En résumé de ces derniers jours, mon esprit ne peut manquer d'exprimer ces mots, directement en harmonie avec mon cœur :


Je marche pour m'apaiser,

Je cours pour oublier,

Je vole pour me libérer.


Ce poème aux rimes pauvres est d'une trop faible intensité pour affecter un ailé. Une fois récité sous un murmure, je me lève pour me diriger à l'autre bout de la pièce.


La panthère des neiges est lovée au pied du lit de son maître. Elle a retrouvé une taille bien plus adéquate à son espèce, ronronnant comme un gros félin. Mon passage devant celle-ci ne la dérange aucunement.


Arrivée à la fenêtre, je laisse mes yeux vagabonder brièvement sur le paysage forestier qui s'étend sur le vaste horizon. Mais mon attention décline vers le sol. Ou, plus précisément... la poubelle. D'un air contrit, je jette mon carnet dans celle-ci.


En seulement six jours, j'ai vu le monde changer de visage en un aspect sombre et parsemé de danger. Que deviendrait-il si l'on découvrait l'espèce Céleste ou plus précisément leur point faible ?


Je ne les connais pas depuis bien longtemps, mais j'ai l'intime conviction que c'est le bon choix.


Après ces jours plongés dans un gouffre opprimant - pour lequel j'avais commencé à douter d'en sortir vivante - le cours de ma vie va pouvoir reprendre là où il s'est interrompu.


Néanmoins il y a toujours cette petite voix, qui ne cesse de tourmenter mon esprit, suffisant à réveiller mes craintes, murmurant : « Ce n'est pas fini ».


Me retournant, je détaille le torse de Klein se soulever dans une plus grande inspiration. Il émet un petit gémissement alors qu'il émerge du pays des rêves.


Je m'empresse de le rejoindre.


— Klein.


Il papillonne des paupières, agressé par la lumière environnante. Il découvre les lieux en parcourant d'un air désorienté les alentours, pour parvenir à se situer. Au bout d'un instant sa respiration ralentie et ses muscles se détendent. Il repose sobrement la tête sur l'oreiller après avoir reconnu sa maison.


— Blake ? Comment je suis arrivé là ?


— On t'a ramené chez toi, pour que Travis puisse t'injecter l'antidote.


— Je vois (il se redresse tant bien que mal sur ses coudes, étouffant une plainte douloureuse). J'espère que mon physique de top-modèle ne va pas être affecté.


Je lève machinalement les yeux au ciel, exaspérée. Même après être passé si près de la mort il trouve toujours le moyen de sortir une ânerie.


— Si seulement cela pouvait te rendre moins prétentieux.


À ma grande surprise, son regard n'est pas meurtrier. Non. Il jauge mon expression. En l'espace de quelques secondes son masque sinistre tombe, me laissant entrevoir une marque de soulagement.


— Tu es sauvé.


Ce réconfort se retranscrit incontestablement sur mon visage.


— Grâce à toi.


Le regard dépaysé, il parcourt de nouveau la pièce se massant la tempe.


— Depuis combien de temps je dors ?


— Ça fait environ une heure.


Son souffle devient plus lourd et le silence entre nous plus pesant. J'ai la désagréable sensation que cela n'a rien à voir avec son état actuel.


— Blake ?


Il fixe l'horizon perdu dans ses pensées.


— Tu sais ce qui s'est passé... tout à l'heure. Le... poison. Je n'avais pas les idées claires...


Il laisse planer un moment de silence avant d'avouer :


— Il faut que tu saches que... le poison a affecté mon jugement. Je n'étais pas conscient de ce que je faisais.

🦋C É L E S T E 🦋Où les histoires vivent. Découvrez maintenant