— Tu as raison. Je ne comprends pas que quelqu'un qui ait censé bénéficier d'une intelligence supérieure, soit aussi stupide d'avoir imaginé que je serais naïve d'accepter tes excuses.
Il hausse un sourcil en me dévisageant, puis ballait mes paroles en secouant la tête sans y prêter plus attention.
— Je vais essayer de me mettre à ton niveau de compréhension en te dressant le tableau (ses yeux déjà absorbés dans l'obscurité se fondent d'autant plus lorsqu'il les plisse). Leonora m'a passé un savon avant de partir pour que je ne t'embête pas afin de passer un bon séjour et surtout d'éviter qu'il ne se termine dans une bataille de pouvoirs contre poèmes. Or, si elle apprend que j'ai malencontreusement irrité ta sensibilité, je serais condamné à la sentence capitale de l'atelier couture pour recoudre les chaussettes de Gavan, et autant te dire qu'elles ne sentent pas la rose. Alors si tu as une part d'humanité et ne serait-ce que la moitié d'un coeur, tu accepterais mes excuses.
À cet instant précis je suis partagée entre éclater de rire ou exploser de colère.
Il essaie de me convaincre de ne pas révéler à Leonora le comportement qu'il a eu, par crainte de faire face à une montagne de chaussettes puantes. Dommage que l'asphyxie ne puisse pas lui remettre les idées en place.
— Il fallait penser avant de faire cette scène tout à l'heure.
— J'hallucine ! J'ai seulement fait ça pour que l'on soit le plus crédible possible. On a déjà failli faire douter ta tante sur notre présence ici, il ne fallait en aucune façon qu'elle ait d'autres soupçons.
— Il ne t'ait pas venu l'idée de me consulter avant ?
— Ça aurait été moins marrant.
Crétin.
Autant essayer de parler à une chèvre, qui j'en suis sûre serait plus compréhensible que ce pigeon sans cervelle.
Toutefois sa tentative d'apaiser ma colère me donne la preuve formelle qu'il redoute ce qui l'attend si je ne l'excuse pas.
— Depuis quand tu as peur de Leonora ? demandé-je amusée.
— Ce n'est absolument pas drôle, tient-il à me faire remarquer. Ce n'est pas de Leonora que j'ai peur, mais des chaussettes de Gavan. C'est une véritable infection.
Un rire s'échappe de ma gorge, ce qui semble autant le surprendre que moi.
— Le grand guerrier qui a peur des chaussettes de son frère. Au moins je saurais avec quoi t'attaquer.
— Redoutable et sadique à la fois (un fin sourire apparaît sur ses lèvres aussi vite qu'il ne s'évanouit). Tu commences à devenir l'une des nôtres.
Cette phrase a un effet étrange sur moi. Durant l'espace d'une seconde, la barrière qui sépare nos deux espèces disparaît. J'ai une impression agréable de lui ressembler, plus que ce que je ne voudrais l'admettre. Toutefois la réalité reprend le dessus, me rappelant fermement que je ne suis pas comme eux. Il ne pourra jamais s'installer une véritable amitié entre nous. Je suis mortelle. J'ose à peine imaginer comment sera ma vie lorsque nous aurons repris chacun le cours de nos vies. Car l'impensable est arrivé : Je me suis attachée à eux. À lui...
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🦋C É L E S T E 🦋
FantastiqueSun Valley. Une ville attisant l'étrangeté et la curiosité. Blake s'en rend compte le jour où elle devient la proie d'un dangereux ailé. Une espèce vivant dans l'ombre des humains, aux pouvoirs extraordinaires. Trois jeunes de sa classe se révèlen...
