🦋C É L E S T E 🦋

III

— Ma véritable famille à l'époque possédait une grande demeure et bénéficiait d'une somme d'argent considérable. Nous vivons dans le confort et le luxe. J'étais une fille heureuse sans problème entouré d'un tas d'amis que j'appréciais (un éclair de tristesse traverse ses yeux). Jusqu'au jour où une épidémie emporta mes deux parents. Mon frère et moi nous nous sommes retrouvés seuls du jour au lendemain. J'espérais compter sur son soutient afin de surmonter cette épreuve ensemble, mais, il s'est révélé ne pas être celui que je pensais. Tout ce qui l'intéressait était de toucher sa part d'héritage. J'étais anéanti par sa véritable nature, et bien vite je me suis rendu compte que mon père l'avait aussi démasqué. Lors de la lecture de son testament nous avons appris qu'il me léguait la plus grande partie de l'héritage. Mon frère était révolté et a commencé à devenir violent... Il ne pouvait pas accepter que notre père l'ait déshérité.

Le miroitement cuivré de ses yeux perd de son éclat tandis que le teint de sa peau devint livide à l'énonciation de ce souvenir.

— Un jour en promenade dans les bois je me suis retrouvé né à né avec lui. Il était silencieux... impassible. Les derniers rayons de soleils commençant à toucher à leur fin je voulus rentrer à la maison, mais il m'en empêcha. Il a sorti un poignard dissimulé sous sa veste et me l'a enfoncé en plein coeur. Je suis morte ce soir-là.

Des frissons soulèvent ma peau vivement. La gorge asséchée, aucun mot ne parvint à franchir ma bouche.

— La nuit avait prit possession des cieux, et le froid m'enveloppait dans son manteau de glace meurtrissant un peu plus mon corps, que je finis par ne plus sentir. J'allais mourir, je le savais. Je me suis mise à repenser à toutes les choses que j'aurais aimé faire, toutes les personnes que j'aimais, et, à celle dont je ne l'aie jamais avoué. C'est à ce moment que je me suis rendu compte que je n'avais pas profité à fond de la vie.

Une part de moi s'éveille étrangement, me reconnaissant à travers ses paroles.

— Puis l'impensable s'est produit. Un homme qui était tapis dans le noir s'est détaché de l'obscurité venant me proposer un marché. Il disait avoir une sorte de remède miracle qu'il m'injecterait, si en échange j'acceptais de faire ce qu'il me dirait. Ayant pour seule option la vie ou la mort, j'ai pris la venue de cet étranger comme une seconde chance qui s'offrait à moi, afin de profiter de la vie. J'ai accepté. Après avoir pris connaissance de tous les effets de l'élixir, j'ai rapidement réalisé que l'homme qui m'avait sauvé était à la tête d'un gang d'ailés. Et j'étais leur nouvelle recrue. Il m'interdisait de retrouver les miens pour qu'ils sachent que j'étais toujours vivante. D'après eux, qu'ils me croient morte était le meilleure moyen de garder le secret de leur espèce. À plusieurs reprises j'ai tenté de m'échapper pour ne plus avoir affaire à des vols consécutifs, mais je n'y suis jamais parvenue. Un jour un groupe d'ailés du gang qui ne m'appréciait pas, m'a agressé. À l'époque j'étais comme toi, une fille inoffensive et sans défense. Je ne pouvais pas me défendre, seulement subir la douleur et attendre que cet excès de colère les lasse.

Cette scène d'horreur qui se dresse dans mon esprit me retourne l'estomac.

— Puis, tout à coup, l'homme qui m'avait sauvé la vie est intervenu et les a terrassé. J'étais terrifié. Tout était si différent du monde des humains et je n'arrivais pas à y trouver ma place. Cet homme me trouvant beaucoup trop faible autant mentalement que physiquement, m'a appris à me battre et à utiliser mon pouvoir jusqu'à ce qu'il n'ait plus aucun secret. Au fur et à mesure du temps que l'on passait ensemble, nous nous sommes rapprochés l'un de l'autre. Un peu trop... Le groupe d'ailés qui m'avait agressé l'a vite remarqué. L'un d'entre eux qui souhaitait prendre la place de « chef » n'a pas raté cette occasion de retourner tous les ailés du gang contre leur dirigeant actuel. Ils ont alors cherchés par tous les moyens de nous tuer, et nous avons été obligé de prendre la fuite. Mais... (Ses iris se voilent de larmes cristallines) malheureusement qu'un seul d'entre nous s'en est sorti. Il s'est sacrifié pour me sauver la vie... J'ai alors fui le plus loin possible. J'ignorais où je devais aller, la seule chose que je savais c'était que je devais fuir. Puis un jour alors que j'étais toujours en cavale, j'ai croisé la route de Travis qui m'a recueilli dans sa famille.

Elle ferme les yeux tâchant de refouler ses larmes, et inspire profondément.

— Voilà tu connais mon histoire.

Cette fille qui au premier abord m'agaçait plus que tout, se révèle être bien plus courageuse et forte que je le présumais. Derrière ce masque impassible placardé sur son visage se cache une fille sensible qui a beaucoup souffert.

Perdre sa famille, ses amis, tous ceux qu'elle aime, pour après être sauvé de la mort in-extrémiste en étant obligé d'en commencer une autre qui n'était pas la sienne. Elle n'a pas choisi ce mode de vie.

Finalement, il se pourrait que nous ayons plus de points en commun que ce que je ne pensais.

Je n'ose même pas songer à l'effet que cela doit faire de perdre la personne que l'on aime plus que tout au monde.

— Je suis désolée, dis-je sincèrement.

— Aujourd'hui je ne regrette plus rien. Même si ce n'est pas la vie que j'imaginais je ne l'échangerais pour rien au monde. Et s'il y a bien une chose que j'ai apprise de mes nombreux malheurs, c'est de ne pas s'arrêter dessus, mais plutôt vivre le présent à fond.

Son regard déborde d'intensité comme si elle essayait de me faire passer un message. Dans mon cas ce n'est pas aussi simple de vivre ma vie à fond ayant une tonne de menace qui pèse sur mes épaules. Ni côtoyer qui je veux d'ailleurs...

— Aucune loi humaine ou Céleste devrait t'empêcher d'être heureuse.

Je plisse les yeux incrédules.

— Je croyais que tu avais peur que les Zéphyrins s'attaquent à vous à cause... de cette loi qui interdit les Célestes de côtoyer les humains.

— C'est vrai. Jusqu'à ce que je me souvienne de ce que j'ai ressenti à la mort de Lorwen. On ne devrait pas s'empêcher de vivre à cause de deux plumés qui ont décidé de dominer tous les autres.

Je lui souris léger la remerciant de ces conseils.