🔹22 : Le seul réconfort : est la mort

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— Et donc vous habitez où exactement ?


Je suis blanche comme un linge essuyant inlassablement la sueur factice de mon front, à chaque question que débite ma mère.


Cela fait plus de vingt minutes qu'elle les passe au détecteur de mensonges, détecteur auquel je manque de défaillir sous chacune de ses questions intuitives. Néanmoins à ma grande surprise les quatre oiseaux se dépatouillent incroyablement bien dans l'art et la manière de la manipulation. Si j'étais à la place de ma mère je n'y verrai que du feu.


— Nous habitons à la frontière de la ville, près de la forêt. Nos parents ont toujours voulu être proche de la nature et en venant s'installer à Sun Valley ils n'ont pas pu résister au charme des bois, répond Gavan complètement à l'aise.


1) Soit il n'a pas dû saisir que ma mère deviendrait potentiellement dangereuse si ses radars de danger - plus élevés que la normale - détectaient un signalement infime soit-il,


2) Soit il est relativement doué pour dissimuler ses émotions.


— Hmm, ils ont très bon goût, répond ma mère.


Je déglutis.


Autour de cette table, je suis la seule à afficher une mine cadavéreuse. Quatre ailés sont dans ma maison sans que mes parents ne se doutent de rien, et la simple idée qu'ils le découvre me donne envie de prendre mes jambes à mon cou.


— Et comment vous avez rencontré Blake ? Elle ne parle pas souvent de ses amis et, je ne crois pas qu'elle ait déjà mentionné vos noms.


L'espace d'une seconde un silence de mort remplit la pièce. Je saisis mon verre de grenadine et bois coup sec tâchant de chasser ma nervosité.


Peine perdue, ça ne fait que l'amplifier.


On est tous grillés.


La main de Klein se pose sur ma jambe. Je la scrute surprise l'espace d'une seconde, sans oser croiser son regard assailli par les radars infaillibles de ma mère. Son intention de calmer mon appréhension est quelque peu ironique. Je réalise que j'ai plus peur pour eux, qu'eux n'ont peur pour eux-mêmes.


Dans un mouvement extrêmement délicat, je glisse ma main qui frôle la sienne, dans l'idée que son contact puisse m'apaiser. Il ne bouge pas. Sa main douce au départ est désormais devenue rigide.


— Ça ne m'étonne pas d'elle, poursuit Roxane chaleureuse et pleine de vie, vous savez elle est très discrète c'est à peine si elle a voulu me montrer ces poèmes au groupe littéraire du lycée l'an dernière - le jour de notre rencontre. Cela dit, elle a une plume en or, Madame Fleming, votre fille est un prodige de la poésie.


Ma bouche entreprend un desserrage complet de la mâchoire, sidérée par la métamorphose de la « Reine des glaces » en une fille sociable dont les paroles sont aussi douces que le miel.


— Elle doit probablement tenir ça de William, lui aussi est très doué. N'est-ce pas chéri ?


Mon père à l'autre bout de la table ajuste ses lunettes sur son nez en fixant Ambre - ma mère.


— Oh je me suis rouillé un peu avec le temps, déclare-t-il d'un léger sourire timide.


— Ne fais pas ton modeste. Il est très doué il a même remporté plusieurs prix à l'époque.


— Wow c'est très impressionnant, s'exclame Roxane.


Si je ne la connaissais pas je jurerais qu'elle est réellement sincère. Mais nous savons tous quelle approche ils ont avec les poèmes.


— C'est gentil, mais mes talents ne sont plus ce qu'ils étaient. Toutefois je pense m'en souvenir d'un, souhaitez-vous l'écouter ?


Mes oreilles me mettent à siffler, et voilà que l'alarme de mon cerveau se déclenche : ALERTE PROBLÈME.


Je savais qu'à moment donné tout déraillerait !


Même si aucun d'eux ne laisse transparaitre un quelconque trouble, je ressens une certaine tension peser dans l'atmosphère.


— Nous ne voulons pas vous importuner davantage, répond Nathan.


— Oh mais ça ne me dérange absolument pas, j'ai rarement un publique aussi nombreux, et puis...


Mon père se met brusquement à éternuer de plus bel.


Par tous les poètes.


Mais quelle malchance !


— Je suis vraiment désolé (il attrape un mouchoir dans sa poche et s'y mouche) je ne comprends pas ce qu'il m'arrive. Habituellement mon allergie se déclenche quand il y a des oiseaux dans les parages.


Je me mord la lèvre inférieur.


Mon coeur bat tellement vite que ma respiration n'arrive plus à suivre.


Klein me donne un coup discret dans les côtes pour me signifier que je lui broie la main. Je la relâche aussitôt sans mettre rendue compte que je la lui tenait.

🦋C É L E S T E 🦋Où les histoires vivent. Découvrez maintenant