🦋C É L E S T E 🦋

🔹14: Estrella ✔️

— Il y a de cela dix ans, Ezra faisait partie de notre famille Céleste, m'explique-t-il. Il n'était absolument pas la personne que tu connais aujourd'hui. Il avait une fiancée et était sur le point de se marier. Tous deux s'aimaient comme je n'avais jamais vu personne d'autre s'aimer autant.

J'ai du mal à imaginer Ezra différent du tueur sanguinaire.

— Un jour sa fiancée - nommée Estrella - et moi, sommes partis dans une ville éloignée, afin de planifier quelques détails pour le mariage. Sur le vol du retour nous avons été attaqués par des brigands ailés. Il faisait nuit, nous étions épuisés après avoir volé plusieurs heures, mais nous nous sommes défendus du mieux que nous le pouvons. À nous deux nous les avions presque tous vaincus. Tous, sauf un. Ce dernier lui a enfoncé une flèche empoisonnée en plein cœur. Il n'y avait plus rien à faire. Elle était condamnée.

Un frisson d'horreur s'empare de mon corps, m'imaginant la scène dans toute son épouvante. Klein me tourne le dos sans que je ne puisse différencier le ton neutre de sa voix à son expression.

— Elle était en train de mourir, je ne pouvais rien faire pour la sauver. Ni hôpital, ni élixir ne le pouvaient. Nous étions perdus au beau milieu de la forêt, personne ne pouvait prétendre une quelconque aide. Elle était en train d'agoniser (un lourd silence suit cette phrase). Et c'est là... qu'elle m'a demandé la chose la plus dure de toute mon existence. Elle voulait... que j'abrège ses souffrances.

Mon cœur s'emballe comme si je vivais à mon tour son souvenir. C'est à peine si j'ose respirer.

— Elle a attrapé une flèche empoisonnée à côté d'elle et me l'a tendu. J'ai refusé, mais elle me suppliait de le faire (sa voix se brise dévoilant un soupçon d'amertume). Elle souffrait énormément, et je m'en voulais de ne pas avoir été assez fort pour la sauver.

Je sens mon cœur se déchirer dans ma poitrine.

— Je ne pouvais pas lui refuser ses dernières volontés... (il s'interrompt laissant un moment le silence prendre la relève). Alors je l'ai fait. Je l'ai tué.

La noirceur de ce souvenir éclair certains éléments actuels.

— Après ce jour Ezra a complètement changé, en commencent par tuer le bandit. Puis, il s'est tourné vers moi. Il pensait qu'il y aurait eu un moyen de la sauver si je n'avais pas accéléré sa mort en l'empoisonnant une deuxième fois. Ce jour-là, il m'a fait une promesse. Toutes les personnes qui compteraient à mes yeux, il les tuerait. Il veut me faire ressentir la même douleur que ce qu'il a éprouvé, quand elle est morte.

Je crains que ma mâchoire ne tombe au sol. Ai-je bien entendu ? J'ai un moment d'arrêt qu'il semble avoir remarqué.

— Ne va pas croire que je suis amoureux de toi, j'ai simplement de la compassion que tu as été mêlé à cette affaire sans rien demander. Je suis désolé pour ça. En te voyant en ma compagnie au lycée, Ezra a mal interprété la situation et a prétendu qu'on était ensemble, c'est pour ça qu'il t'a pris en chasse. On avait réussi à semer sa trace pendant deux ans, mais il nous a retrouvés. Tout ce qu'il cherchait c'était une cible, n'importe laquelle. Et c'est sur toi que s'est tombé.

Mon lien à cette affaire paraît désormais plus évident. Et dire que mon implication forcée est dû à un malentendu. C'est pour cela qu'ils voulaient que je simule une histoire d'amour avec Nathan. Ils ne voulaient pas seulement retirer leur protection qui m'entourait, mais aussi convaincre Ezra qu'il n'y avait aucun sentiment entre Klein et moi.

— Dans ce cas pourquoi tu ne le laisses pas me tuer ? Après tout, il était à deux doigts chez Nathan quand tu as débarqué comme un fou.

Il pivote pour m'examiner de la tête aux pieds. Puis baissant légèrement le menton, il m'observe à travers ses cils merveilleusement longs.

— Toutes mes excuses de vous avoir dérangé en plein... travail (il appuie sur ce dernier mot).

— Tu ne serais pas jaloux ?

— Jaloux de ce type ? répète-t-il d'un air méprisant. Non mais tu m'as vu, il n'a pas le quart de l'allure que j'ai.

Je lève les yeux au ciel.

— Alors pourquoi tu es intervenu ?

Il cale un sourire dans la commissure de ses lèvres.

— Tu me crois si je te dis que tu mérites mieux que lui ?

— Toi, peut-être ?

Klein passe une main dans ses cheveux les ébouriffants. Il les laisse ensuite retomber le long de son corps.

— C'est ce qui te plairait ?

J'écarquille les yeux. À la fois bête et intelligent !

Un sentiment de révolte me brûle la poitrine.