🦋C É L E S T E 🦋

🔹 6: Je suis une proie ✔️

Ces ailes bleues nocturnes battent dans la nuit, fendant le vent par-delà la lumière blafarde qui déchire le ciel. Les éclairs illuminent ces ailes devenant limpides comme la neige. Ce papillon vole dans l'obscurité éclairée de cette tempête effroyable, affolant la faune et la flore de toute sa puissance.

J'ouvre subitement les yeux, allongée sur mon lit. Mon regard se pose sur les rideaux limpides flottant dans le vent. La fenêtre entre ouverte de ma chambre me fait légèrement frissonner. Je me rappelle l'avoir laissé ouverte la veille et m'être endormi avant de pouvoir la fermer.

Une délicate odeur de pin influant la pièce, réveille mon odorat.

Émergeant doucement de mon sommeil, je détecte mon cœur battre anormalement. Comme tous les matins... Le rêve de ce papillon se renouvelle inlassablement chaque nuit. J'ai beau en chercher la signification mais aucune de mes idées n'est concluante. En dépit des circonstances, ce rêve devrait être la dernière de mes préoccupations.

La voix de mes parents résonne de nouveau dans ma tête. Après les avoir appelés pour les informer que je dormais chez une amie, ils ne m'ont pas plus assailli de questions telles que je l'aurais imaginé. Ils étaient probablement contents à l'idée que je me fasse de nouveaux amis, en dehors de Meg. Aussi loin que je m'en souvienne je ne me rappelle pas leur avoir menti. Ils m'ont cru sans poser plus de questions en m'annonçant au passage que le lycée avait été fermé pour quelque temps, après des dégâts causés par un présumé tremblement de terre.

Quant à Meg, mon téléphone n'arrêtait pas d'afficher des messages par dizaines exprimant son inquiétude à ma disparition juste après l'effondrement au lycée. Si je lui racontais la même histoire qu'à mes parents, elle capterait l'odeur d'un mensonge annonciateur avant même que je ne puisse me justifier. À part elle je n'ai pas d'amis aussi proches chez qui je pourrais aller dormir. Et lui dire la vérité est inenvisageable... Elle ne comprendrait pas. C'est à peine si moi-même j'arrive à concevoir tout ce qui se passe dans ma vie.

Encore la veille j'ai appris que l'élixir avait modifié les besoins vitaux des ailés, les contraignants à la nourriture végétarienne. Aucun ailé ne mange de viande ce qui est relativement rassurant quand on ose imaginer l'ampleur de leur puissance.

— Bonjour les brocolis et les épinards.

Si Meg avait les maigres informations que je possède, elle tomberait dans les pommes, littéralement. Qui plus est, elle mettrait sa vie en danger.

Tout ce que j'ai appris sur les ailés aurait dû avoir pour but de me rassurer sur leur espèce. Néanmoins je ne peux nier cette crainte oppressante qui me noue l'estomac. Comme si quelque chose de terrible se profilait à l'horizon. J'ai été plongé dans une affaire qui semble être un règlement de comptes. Personne ne changera le passé, je peux seulement aller de l'avant en espérant pouvoir me tirer de ce mauvais pas.

Je pose la voûte plantaire de mon pied au sol, ressentant la fraîcheur du bois s'immiscer dans chaque parcelle de mon corps. Puis je me lève en direction de la fenêtre. Les mains posées sur le rebord de celle-ci, j'inspire l'air frais qui s'invite de bon gré dans mes poumons. Cette douce brise souffle dans ma robe de nuit blanche, caressant mes épaules dénudées brûlantes. Le vent qui envahit la pièce m'apporte une sensation de calme inattendu. Il court sur ma peau remontant jusqu'à mon cou où est porté un sifflement que mon oreille détecte aussitôt. Un cri résonne en écho lointain m'extirpant de ma sérénité.