🦋C É L E S T E 🦋

III

Roxane se lève du canapé en soupirant pour se dégourdir les jambes. L'extrémité de son aile cuivrée frôle ma joue sous une douceur que j'assimilerais à celle d'un nuage.

— Diviser pour mieux régner. On ne pourra pas tous quitter la ville, et en nous divisant vous serez beaucoup moins fort, avertit Travis.

— Rester ici alors qu'ils savent tous les deux ou la trouver serait imprudent, poursuit Klein, plus on bouge plus ils auront du mal à pister notre trace. Et puis on ignore encore ce que ce... télépathimos...

— Télépathicus, rectifie Gavan les bras croisés.

Klein arque un sourcil indifférent.

— Mouais, poursuit-il sans conviction. On ignore ce que ce Télépathicus veut à Blake.

Un souvenir assez étrange me revient à l'esprit.

— En réalité je crois savoir ce qu'il veut.

Tous les regards se tournent dans ma direction tels des aimants attirés par un seul.

— Ou plutôt ce qu'il se prépare, dis-je accaparée par cette pensée. Il m'a révélé qu'il allait y avoir une guerre, et que je ne pourrais y échapper.

Relevant la tête, j'aperçois leur visage teinté d'une expression médusé me fixer avec intensité. Ils semblent accorder beaucoup d'importance aux paroles d'un inconnu.

Travis est le premier à retrouver l'usage de sa voix après le long mutisme commun.

— Vous quittez la ville, aujourd'hui, tranche-t-il d'un ton grave.

L'anxiété que je lis sur son visage est partagé des autres ailés avec qui il retourne discuter.

Klein s'avance vers moi sidéré, ses longs cils ombrageant ses joues.

— Et c'est que maintenant que tu nous le dis !

Assise sur le canapé, je lève la tête pour atteindre son regard.

— J'étais un peu sous le choc si tu as déjà oublié.

Des ailes ocre apparaissent derrière lui.

— Ne cherche pas à comprendre elle a commencé à boire avec Roxane, c'est perdu d'avance, annonce Gavan d'un regard taquin.

J'affiche une mine à la fois outrée et amusé qu'il sort une ânerie pareil.

— Qu'est-ce que tu racontes ? C'est n'importe quoi !

Le sourire mesquin étirant la commissure de ses lèvres, me révèle une grande sournoiserie dissimulée sous son visage d'ange. Il repart d'où il est venu le menton relevé avec fierté. Je n'aurais jamais cru ça de lui... Il est en train de se venger !

J'hallucine !

— Tiens voyez-vous ça on se met à picoler (Klein me jauge d'un air méprisant). De la part de Roxane ça ne m'aurait pas étonné mais de toi... On dirait que la petite fille modèle n'est plus si modèle que ça.

Je reste un instant sans voix surprise par son soudain changement de comportement. On dit souvent que « le naturel revient au galop » mais je n'imaginais pas que s'était aussi brutal.

— La prochaine fois ne confond pas cave à vins avec parc à jouer.

Je me lève subitement pour me retrouver face à lui. Deux centimètres séparent mon visage du sien.