🦋C É L E S T E 🦋

III✔️

— J'espère qu'il pourra enfin faire son deuil, à présent, déclare Klein qui a bu mes paroles sans le moindre scrupule. La mort d'Estrella lui a fait perdre la raison. Et son amour pour elle l'a aveuglé.

Ces jours passés en compagnie de menteurs professionnels m'auraient-ils changé ? Ou est-ce mon cœur qui devient un peu plus ailé ?

— Est-ce que tu l'as cru (Klein finit par reprendre la parole), quand il t'a dit que j'étais un monstre ?

À l'heure actuelle, il n'a pas besoin de connaître la vérité.

— Si je l'avais cru je ne serais pas ici en train de danser. Même si je pense que tu es gravement dérangé.

— Il faut bien l'être un peu si l'on veut survivre.

— Dérangé ?

— Non. Dangereux, affirme-t-il.

Une brise se lève, ramenant mes boucles en arrière.

— Désormais tout est fini, nous allons pouvoir reprendre nos vies respectives comme promis, ajouté-je. J'espère qu'Ezra pourra recommencer sa vie après tant d'années de souffrance.

Un éclair d'irritation passe dans son regard.

— Tu es en train de dire que tu lui pardonnes ? Après tout ce qu'il t'a fait subir ?

— Comment pourrais-je en vouloir à une personne égarée à cause d'un chagrin, pensant que la meilleure façon de taire cette douleur soit la vengeance. Malgré le fait qu'il désirait ardemment me tuer, cela me prouve que son amour pour elle devait être indéfectible.

— Il l'était (son regard est rivé sur un point invisible, avant de croiser le mien). Et c'est parce qu'il l'aimait autant que ça l'a détruit.

Cette phrase insinue une étrange sensation dans mon cœur. Un poids lourd s'empare peu à peu de mon esprit accablant le reste de mon corps. Mon sang brûle furieusement dans mes veines, tandis que je tâche de rester impassible. Pour la première fois, j'entrevois dans son regard une lueur de tourment. Comme s'il ne cherchait pas à viser Ezra directement. Mais qu'il était lui-même au centre de sa remarque.

— Ezra est quelqu'un de bien au fond, j'en suis sûre.

— Tu parles de lui comme si tu le connaissais.

— Son envie à vouloir me tuer, me le prouve. Il n'est pas dépourvu de sentiments, bien au contraire. Ce sont ses sentiments pour elle qui l'ont perdu.

Continuant à suivre ses pas, je plaque sur mon visage un air neutre lorsque Klein semble jauger mon expression.

— Il a un cœur comme nous tous, il faut désormais qu'il apprenne à vivre sans se soucier de perdre un être cher, reprends-je.

Le reflet des flammes orangées éclaire son visage, où fuse un éclair d'intrigue. Il faut que je sache...

— C'est cette peur qui nous empêche parfois de vivre comme on le voudrait.

L'espace d'une fraction de seconde, je remarque l'impossible : il se trahit. Ses yeux sont parcourus d'une lueur scintillante, résonnant en moi comme de la déstabilisation. Derrière ma façade sereine, ne se cache pas moins qu'une effervescence de soupçons. Dorénavant, je le sais. Il reprend rapidement contenance ce qui se fait sentir dans ses gestes fermes. Plus fermes.