20 : Le voleur

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Tous mes efforts à tenter de passer outre ses insinuations et sa rancoeur, ont volé en éclat en seulement quelques secondes. J'ai essayé d'être patiente avec elle pensant qu'elle finirait par accepter ma présence, mais tout ce que j'ai pu faire jusqu'ici a été vain. Elle me considère toujours comme une ennemie.


Je me suis réfugiée dans le seul endroit où il m'est encore possible d'avoir un peu d'intimité : ma chambre.


Quelqu'un frappe à la porte.


Correction : C'est pire que la surveillance rapprochée du Président !


J'aurais dû poster sur la porte un écriteau où aurait été inscrit EIA (Entrée Interdite aux Ailés) puis en dessous en petit caractère : sous peine d'être désintégré.


Mes poèmes s'en seraient très bien chargés.


En plan B le balcon aurait été une bonne issue pour prendre la fuite, si la chute ne serait pas aussi douloureuse. Je parle en connaissance de cause. Jouer les singes n'est pas aussi drôle que ce qu'on l'imagine.


Je ne réponds pas mais la porte s'ouvre d'elle-même. La prochaine fois je me refugerais dans les toilettes.


Roxane passe délicatement la tête dans l'embrasement de la porte.


— Je peux entrer ?


Un « non » catégorique aurait voulu franchir mes lèvres, mais sa voix pour la première fois sereine, fait mourir la mienne dans ma gorge.


À première vu elle ne semble pas vouloir m'étrangler sauvagement, ni me désintégrer la cervelle. C'est assez étrange si vous voulez mon avis. N'ayant pas d'autre choix, j'esquisse un hochement de tête pour approuver. Elle referme la porte derrière elle, et me rejoint délicatement sur le rebord du lit. Je ne lui accorde aucune attention toujours frustrée par ce qui vient de se produire. Le jour où j'ai débarqué chez eux, à peine ai-je eu le temps de franchir la porte qu'elle a commencé à me haïr.


— Je ne te hais pas.


Cette habitude de lire dans les pensées des autres me dérange toujours autant que le premier jour. L'intonation amicale qu'elle emploie est aussi surprenante que pourrait l'être un chameau multicolore au milieu d'une oasis. Jamais je n'aurais cru qu'un autre timbre de voix que celui de la colère puisse un jour franchir sa bouche.


— Je sais ce que tu te dis de moi, (ses yeux sont rivés sur ses doigts entremêlés). Tu penses que je suis une fille méchante, cruelle et sans coeur.


Entre autres. C'est un bon résumé.


Elle pousse un soupire de déchirement.


— Tu n'as peut-être pas totalement tort. Il est vrai que je suis prudente et que je redouble de méfiance quand il s'agit d'étrangers, mais ce n'est pas contre toi personnellement.


Le silence s'installe durant un instant.


— Tu sais, cette famille bien que casse-pieds sur les bords, me plait bien. Travis et Leonora sont des gens bien, je n'ai pas envie qu'il leur arrive malheur parce qu'ils auraient été trop aimables à vouloir aider les autres.


Elle se frotte les mains sur ses jambes, comme par une gêne anxieuse.


— Tu sais quand on a vécu aussi longtemps que moi et contraint à changer de vie au moindre problème, on espère à chaque nouvelle identité que ça ne se reproduira plus. Même si c'est difficile pour toi de le croire, j'aime la vie que je mène. En réalité je crois que c'est la meilleure vie que j'ai pu avoir jusqu'ici, alors je ne supporterais pas qu'elle soit détruite pour encore recommencer tout à zéro. J'espère que tu comprends. Et puis je tiens à m'excuser pour t'avoir accusé à tort. Je n'aurais pas dû...


Un seul mot: Wow... Si je m'attendais à ça. Des excuses de la part d'une Owens. Attendez-vous au pire.


— Je regrette vraiment ce que je t'ai dit tout à l'heure, ça fait bien longtemps que je n'ai pas côtoyé d'humains. La méfiance étant une deuxième nature j'en oublie parfois l'amabilité. J'espère seulement que tu pourras me pardonner.


Ses paroles m'ont l'air sincères. Plus étrange encore, je la comprends.


Ces quelques jours parsemés de dangers en leur compagnie, m'ont montré ce qu'ils vivaient au quotidien. La peur permanente d'être rattrapé par les ténèbres. À côté d'eux je vis dans un paradis bien douillé qui ne mérite pas qu'on s'en plaigne.


— C'est à moi de m'excuser. J'aurais dû me douter que tu veuilles simplement protéger ta famille. Je n'aurais pas dû m'énerver...


Sentant son regard sur moi, je me retourne pour la voir arborer un sourire sur ses lèvres rosées.


— S'énerver ici est une habitude, alors ne t'en veux pas pour ça.


Je lui rends son sourire dans l'incapacité de nier cette certitude existentielle.


— On recommence à zéro ?


Elle me présente sa main, je la fixe un instant. Il semble que je me sois trompé sur elle autant qu'elle s'est trompé sur moi. Nous sommes toutes les deux fautives. Je n'hésite pas plus et la saisis la pressant délicatement.


— On recommence à zéro.


Ce début de collaboration aussi étonnant que son changement de comportement, me fait prendre conscience que la cohabitation entre humains et ailés n'est peut-être pas aussi impossible que nous l'avons démontré depuis notre rencontre. Je m'étais faite à l'idée qu'elle n'accepterait jamais ma présence, mais le contraire se produisant me prouve qu'il pourrait y avoir un terrain d'entente. Je me sens dorénavant un peu plus accepté au sein de sa famille.


— Reste sur tes gardes quand même, on ne sait jamais ce que la tempête peut couver, ironise-t-elle en plissant ses yeux dont l'intensité cuivrée se fait amplifier.


Je souris en découvrant une autre personnalité chez elle que je préfère de très loin à la « Roxy des glaces ».


Quelqu'un frappe à la porte tout en l'ouvrant. 

🦋C É L E S T E 🦋Où les histoires vivent. Découvrez maintenant