MORT/VIE.

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    Sans perdre un instant, Sandra prit son manteau et sortit dans le salon où elle ne trouva pas âme qui vive. Les quatre jeunes gens s'étaient volatilisés. S'apprêtant à aller s'enquérir du problème tout en redoutant d'apprendre ce à quoi elle songeait, elle se heurta à Sharmène qui venait en sens inverse et qui était demeurée aux alentours pour ne point perturber l'intimité des hommes.

   - Que se passe-t-il ? lui demanda sans préambule Sandra. Est-il arrivé quelque chose à mon frère ?

    Vraiment étrange et mystérieuse cette créature nommée être humain ! Un être insondable , imprévisible et inconstant ! Un vrai mutant !

    Indécise et nageant dans sa rancune, Sandra s'acharnait à cribler les siens de tous les torts du monde, de les surcharger de toutes les plaies du l'univers, de les taxer de toutes les bassesses du cosmos. Devant la terreur d'apprendre une mauvaise nouvelle, sinon tragique, rien ne comptait plus hormis son lien de sang avec son .... frère. Oui, son frère ! Son frère était peut-être mourant ou....! Rien que l'idée d'y penser la révulsait alors que faire si telle s'avérait être la douloureuse et insupportable réalité ?

   - Non. Il est toujours dans la salle d'opération. Pas de nouvelle, bonne nouvelle.

   - Alors, que se passe-t-il ? Parlez !

   - C'est mademoiselle Alexa. Elle fait une....

   Et contre toute attente, la jeune infirmière éclata en sanglots. Tout le corps ébranlé, elle sanglotait à fendre l'âme. Surprise, Sandra ne sut point quelle attitude adopter à l'égard de la jeune femme catastrophée.

   - Elle fait une nouvelle crise ? Les médicaments n'ont pas fait leur l'effet ? chercha-t-elle à comprendre en essayant de prendre Sharmène par les épaules et de la réconforter en lui insuffisant un peu de sa chaleur.

   - Non. Non. ...Elle fait... une... hémorragie, parvint à articuler l'infirmière.

   - Une hémorragie ? Mon dieu ! Et pourquoi ? A quel niveau ?

   - On n'en sait rien encore. Les médecins sont à son chevet.

    - Comment est-ce arrivé ?

    - Madame Kirsten a été alertée par les gémissement de mademoiselle Alexa et elle a remarqué que les draps étaient tout souillés de sang. Elle a sonné et aussitôt les médecins sont arrivés. Ils ne veulent personne dans la chambre. Madame Kirsten a fait une crise de nerfs. Elle s'est évanouie.

   - Où sont-ils ?

   - Dans la suite. Madame Kirsten est allongée sur un sofa. Dans la chambre, on s'occupe de mademoiselle.

   - À quoi pensez-vous ? Vous êtes infirmière après tout et connaissez Alexa.

   - Aucune idée ! Ça pourrait être n'importe quoi ! Allergie aux médicaments, hémorragie interne qui se manifeste enfin,...
Tout comme ça pourrait être...

   - Une fausse couche ?

   - Je n'aurais pas osé le suggérer, mais c'est fort possible même si mademoiselle ne présentait aucun signe de grossesse.

   - C'est toujours ainsi au début et c'est la phase où le risque de fausse couche est grand.

   - En effet. Vous avez vécu la même tragédie ?

    Intéressée par la conversation de Sandra, Sharmène reprit son calme et devint la professionnelle, mais nullement embarrassée par son éclat. Pour elle, Alexa était une vraie fée et la voir malade et meurtrie la désolait à un point tel qu'elle n'aurait pu le décrire. Ni l'expliquer. Malgré la courte durée durant laquelle elles  avaient fait connaissance, Sharmène avait été à même de découvrir le fond bon et sincère d'Alexa. Un vrai baume contre les malheurs et les incertitudes. Sa grande œuvre, ou plutôt les deux grandes œuvres étaient d'avoir changé, chamboulé, métamorphosé monsieur Alexander et sa mère, la gentille Mary Goodmayer. De la petite souris craintive et incertaine, elle avait fait une dame sûre d'elle n'hésitant point à s'imposer. Bien sûr, la chose était loin de constituer un miracle, cependant, sa tâche méritait louanges puisque enlever la poussière qui encrassait la volonté de la mère était si ancienne et si épaisse que seul un miracle ou une grande volonté pouvait le réussir. Sans le passage d'Alexa dans sa terne existence, madame Mary serait restée enfouie sous les décombres d'une personnalité bafouée, foulée par la cupidité d'un beau-père et la sauvagerie d'un époux trop obtus pour laisser éclater ses sentiments au grand jour et dont l'affection, jugée de trop pour ses enfants, était restée cadenassée au fond de son cœur sans risque d'en échapper.

POUR L'AMOUR D'ELLE. (TERMINÉE). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant