RÉSURRECTION ?

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   Pendant que Vlad et Loan discutaient entre eux des dispositions à prendre pour l'inhumation de William, Alexa donnait ses directives à Sharmène. Quant à Sandra, debout dans un coin, elle semblait détachée de tout ce qui l'entourait. Or, Alexa, qui avait appris à décoder les moindres faits et gestes d'Alexander, comprenait, en gardant un oeil sur elle, que son maintien était trop guindé et trop affecté pour être vrai et sincère.

   En virtuose du barreau, Sandra devait passer pour maître dans la capacité de masquer ses sentiments pour mieux cacher son jeu et ses atouts et ainsi mieux compter sur l'effet de surprise et frapper au moment où l'adversaire s'y attendait le moins.

   Ne rien laisser transparaître de ses émotions.

   Les refouler.

   Les taire.

   Demeurer de marbre.

   Souvent, les personnes les plus émotives réagissaient de la sorte de crainte de se voir froissées, blessées. Encore et toujours. Simuler un détachement feint dans le but de parer à toute désillusion. Une tactique vieille comme le monde.

   Alexander, pour faire comprendre à Sandra que c'était le moment de faire son entrée en scène, se releva, se tourna vers elle et lui fit signe d'approcher.

   Relevant la tête et suivant le regard de son fils, Mary découvrit une belle jeune femme si familière et pourtant si....différente.

   Elle retrouvait en elle sa taille droite et élancée qui lui donnait, petite, plus que son âge. La même belle chevelure cuivrée. Héritage maternel. Tous ses enfants en avaient hérité. Le même teint de pêche rosi en cas de trop forte émotion. Des yeux clairs, presque dorés. Moins que ceux d'Alexander, mais les rappelant avec force. Au moins, Mary pouvait se targuer d'avoir des sosies.

   En apparence.

   Heureusement.

   Aucun de ses enfants n'était ni insensible, ni paumé. Chacun avait décidé de prendre sa vie en main. Wallace avait peut-être emprunté une mauvaise voie, cependant il en avait compris l'erreur et désirait changer. Si le destin se montrait clément avec lui, elle ne doutait point de son succès. Entouré des siens, il deviendrait un autre homme. Meilleur. Stable. Droit.

   A quel point Sandra leur ressemblait-elle ?

   Possédait-elle assez de clémence pour pardonner ?

   Serait-elle avocate ou procureur général ?

   Voterait-elle pour la clémence ou l'âpreté?

   Son coeur recelait-il assez de pitié pour les absoudre ou les condamner ?

   Victime du despotisme d'un père et le marasme d'une mère inapte à protéger ses rejetons, elle avait fini par fermer les portes de son coeur à toute sensiblerie déplacée. Sinon pourquoi serait-elle partie sans un regard en arrière ?

   Souvent, la mère avait décelé dans le regard de sa fille un brin de pitié mélangé à une once de mépris. A d'autres, un zeste de colère amalgamé à une portion de résignation....

   Des sensations mitigées qui changeaient avec l'âge. Et comme chez les Goodmayer, l'ambiance n'était guère aux confessions, ni à la complicité, il était la plupart du temps difficile à la mère de comprendre la fille. Avec le temps et l'âge, l'abîme entre les deux victimes au lieu de rétrécir ne faisait que s'élargir. Ainsi le gouffre devint précipice infranchissable. Après des années, il semblait impossible, à voir sa mine sévère, d'espérer le moindre petit pardon. Dans une affaire où elle avait été victime, elle avait réussi aussi à jouer celui d'avocate, de jury et de juge. Aucune pitié.

POUR L'AMOUR D'ELLE. (TERMINÉE). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant