L'ÂME SOEUR.

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  Oui, Alexander avait hâte de retrouver celle qui lui devenait de plus en plus indispensable à son équilibre émotionnel. Il commençait déjà à compter les secondes avant les minutes qui risquaient de le séparer d'elle. Il aurait aimé avoir un statut plus privé, plus intime, comme petit ami, amant ou même fiancé pour demeurer auprès d'elle et ainsi partager son intimité, faire partie intégrante de son univers.

   Lorsqu'ils se séparèrent, Vlad et lui, le premier retourna chez lui et le second se rendit dans une librairie où il entreprit de chercher un recueil de poèmes et un roman pour Alexia. Connaissant son goût de la lecture, il n'avait pas encore appris ses auteurs préférés. C'est pourquoi il hésita longtemps, indécis devant les multiples choix qui s'offraient à lui. Voyant ses hésitations, le libraire, un quinquagénaire encore bien conservé, le prenant en pitié, s'approcha de lui et s'enquit de façon fort affable:

  - Puis-je vous aider, cher monsieur?

  - Je ne sais pas.... Peut-être ! ... Je voudrais acheter quelque chose d'intéressant et de beau pour une amie qui est à l'hôpital. Or, je ne sais pas ce qui lui ferait vraiment plaisir.

  - A l'hôpital!? Est-ce quelqu'un de connu ici?

  - Je pense bien que oui. Il s'agit de mademoiselle Alexia....

  - Mademoiselle Alexia, des Rasmussen !? ... Elle est malade !? Rien de grave, j'espère!

  - Oui. Elle a eu un malaise, hier. Elle va mieux maintenant. Tout danger est écarté. 

  - La pauvre! J'espère   qu'elle se rétablira très vite. C'est quelqu'un de très bien. Une gentillesse et une douceur inégalables.  Savez-vous que c'est grâce à elle que cette librairie existe encore? Grâce à son intervention, elle n'a pas été démolie.

  - Cela ne me surprend guère d'elle!

  - Oui, mademoiselle Alexia est l'une des rares personnes qui donnent encore confiance en le genre humain et qui donnent sans rien attendre en retour. Vous savez ce qui lui ferait plaisir? ... Elle m'avait demandé une fois de lui trouver des romans de l'auteur français Guillaume Musso, dans leur version originelle. Je les ai depuis un certain temps. Je ne sais pas si elle a pu les acquérir ou non vu ses multiples déplacements; mais, vous pouvez toujours tenter votre chance. J'ai aussi un recueil de poèmes d'un poète persan qu'elle a découvert : Omar Khayam.

  - Le héros de Samarcande ?

  - Vous avez lu le roman ?

  - Oui, traduit en anglais.

  - Mademoiselle Alexia aussi. Alors, vous les prenez?

  - Oui. Donnez-moi le recueil et l'un des romans de l'auteur français. Si elle aime, je viendrai alors pour récupérer le reste.

  - D'accord. Veuillez passer à la caisse. Je vais vous faire un paquet.

   Après avoir réglé la facture avec sa carte de crédit et prit la carte de visite du libraire, Alexander emporta son sachet contenant ses achats et demanda à Paul qui le suivait de lever le cap pour le restaurant des Rasmussen devenu son restaurant favori car lieu où tout le monde le connaissait comme l'ami de mademoiselle Alexia et où la nourriture était vraiment excellente. Maintenant, aucune réservation n'était de rigueur pour lui. Il était toujours sûr de trouver une table pour lui, désormais. Pourtant, cette fois, il ne comptait guère s'éterniser. Il allait se contenter de commander des plats à emporter. Il avait dans l'idée de déjeuner avec Alexia. Au restaurant, il commanda au chef l'un des  plats préférés d'Alexia, en double. Et sans regarder de quoi il s'agissait, il paya et repartit vers la clinique. Devant la porte de la suite, il congédia Paul à qui il donna deux heures de pause pour qu'il aille déjeuner avec son collègue.

   A son entrée, il trouva Alexia étendue, les yeux clos et les mains posées sur le ventre avec les doigts pianotant sur le drap. Elle s'était changée. A la place de l'uniforme informe   -comme elle disait tantôt- elle portait un simple T-shirt violet avec un dessin sur la poitrine illustrant un gros éléphant gris s'aspérgeant le corps d'eau, à l'aide de sa trompe. Pour la seconde fois, Alexander découvrit les capacités olfactives d'Alexia qui sans même ouvrir les yeux, le hella :

  - Ça sent bon! Ça sent l'huile d'olive, le thym et le citron. Ça sent aussi le santal....

  - Je crois que je vais changer de parfum. Je ne réussirai donc jamais à te surprendre !? (Et changeant de sujet) J'espère que tu as faim et que tu n'as pas encore mangé.

   - Je n'ai rien voulu prendre. Même si la nourriture est bonne ici, elle ne vaut rien devant celle de KAK et BG.

   - BG?

   - Bob Georges.

   - Tous vos cuisiniers ont des noms aussi longs?

  - C'est à la mode. Qu'as-tu apporté?

  - Aucune idée. Je n'ai parlé qu'au serveur.
 
  - Alors Laisse-moi deviner: nous sommes dimanche. Donc, aucun des deux ne travaille aujourd'hui. KAK s'occupe du service nocturne et BG de celui diurne. Pour le week-end, nous avons un autre chef, une demoiselle, Suzanna. Elle doit avoir préparé un filet de loup, émincé, avec des pommes de terre sautées, des carottes et des haricots verts accompagnés de champignons noirs et des tranches de citron. Penses-tu pouvoir aimer?

  - Ça paraît sain et appétissant. Que demander de plus ?

   Ils poursuivirent leur échange tout en savourant leur repas. Occupée à parler, Alexia acheva son plats sans même s'en rendre compte. Alexander débarrassa et jeta les boîtes dans la grande poubelle placée à cet effet dans la salle de bain. Ensuite, il sortit les livres et les déposa sur les genoux de la jeune fille. En découvrant les titres, elle s'extasia. Ce fut un vrai plaisir pour Alexander. Là où certaines femmes se laissent éblouir par des bijoux et des toilettes coûteuses, Alexia se satisfaisait de simples cadeaux, mais à la valeur intellectuelle inestimable. Prenant le recueil, il lui proposa de lui lire quelques poèmes. Bercée par la voix mélodieuse d'Alexander et la profondeur des robaiytes chantant le vin, l'amour et la liberté, Alexa ressentait un bonheur si intense, si authentique qu'elle aurait prolongé l'instant à l'infini. Jamais elle n'avait vécu une telle symbiose, une telle communion ! Le charme fut rompu par la sonnerie du téléphone. Alexander pensa refuser l'appel, mais en voyant le nom s'afficher sur l'écran, il s'excusa et sortit. Lorsqu'il fut de retour, Alexa comprit à son air figé qu'il avait reçu de mauvaises nouvelles. De très mauvaises nouvelles.

   - Que se passe-t-il? Tu es bouleversé !

   - Mon père est très malade. Je dois partir.

   - Oh! Je suis désolée ! Puis-
je faire quelque chose ? Veux-tu que je vienne avec toi? Ou Vlad ?

   - Merci pour ta proposition. Tout ce que je te demande est de guérir très vite. A mon retour, je veux que tu sois sur pied.

   - Je ferai de mon mieux. Tu me tiendras au courant!

   - Ok. Prends bien soin de toi!

   Et cherchant un peu de chaleur, il s'approcha d'elle et lui déposa un baiser appuyé, à la limite des lèvres. 

   Après le départ précipité d'Alexander, Oana reçut un appel de Vlad qui voulait avoir de ses nouvelles et cherchait à savoir si elle avait besoin de quoi que ce soit pour qu'il le lui apporte de la maison ou sur son chemin. Oana qui désirait se reposer lui conseilla de reporter sa visite et de venir en fin d'après-midi.

   Et non, elle n'avait besoin de rien.

   Alexander avait pensé à tout !
  

POUR L'AMOUR D'ELLE. (TERMINÉE). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant