COLMATAGE.

89 18 11
                                    

   Le temps de signer un document de décharge puisque le médecin n'était point d'accord de l'autoriser à sortir aussi tôt et les voilà dans un taxi en route pour l'aéroport où les attendait l'hélicoptère en vue de les ramener à Santa Barbara. Alexander avait atrocement mal. Sa main le faisait souffrir le martyre. Son refus de prendre des calmants venait de son désir de rencontrer son frère en étant en pleine possession de toutes ses facultés. Après, il lui serait toujours possible de quémander un lit et de s'allonger auprès de Wallace. Cela leur ferait de la conversation pour rattraper le temps perdu !

   Toujours sur ses gardes, Paul ne cessait de jeter à tout bout de champ un oeil scrutateur à son patron. Il craignait de le voir à tout moment s'écrouler de son siège ou du moins s'affaisser. Il avait encore du mal à effacer de sa mémoire la scène de son vertige et de sa poussée de fièvre subite. Jamais il n'aurait imaginé qu'un homme robuste et fier tel le roc se laisse abattre par quelques coups contre un mur et une fille qui ...l'ababdonnait à son triste sort. Ce qui prouve que tout puissant peut ramper devant l'amour.

   Un voyage long et fastidieux de plus de treize heures. A chaque escale, Paul allait chercher de l'eau et de quoi se nourrir. Il devait à chaque fois insister pour le forcer à manger et prendre ses médicaments. A son tour, Alexander devait se plier aux instances de son garde du corps car les sachant pertinentes. Il aurait aimé les ignorer mais étant donné que jouer à l'endurci ne l'avancerait à rien alors autant rester conscient et responsable jusqu'au bout.

   Finalement, ils arrivèrent à destination et sans prendre la peine de passer se changer, Alexander exigea de son chauffeur personnel venu à la demande de Paul de les mener à la clinique. Il avait hâte de voir son frère après une séparation qui avait duré plus de douze longues années. Il se sentait vraiment à bout. Il aurait aimé s'allonger sur leur lit commun déserté par Alexa et humer son odeur pour s'insuffler du courage et se convaincre que tout n'était pas perdu. Au lieu de cela, il se força à garder la tête froide et les idées claires. Il devait se concentrer sur son jeune frère et essayer de trouver les mots adéquats pour le pousser à garder le moral et vouloir se battre pour vaincre son mal et ainsi survivre et retrouver une vie normale.

   Devant l'accueil, une infirmière souriante et aux joues joufflues lui indiqua la suite de Wallace. C'était celle même où Alexa avait été admise suite à sa noyade.

  Que de souvenirs !

  En une courte période, il avait emmagasiné un amas de souvenirs qui avaient tendance à lui réchauffer le coeur au lieu de le rendre nostalgique. Peut-être grâce à la foi qu'il voulait inébranlable en des jours meilleurs. Par ailleurs, il se disait qu'il n'avait guère le choix. S'il voulait poursuivre sa vie, de façon saine et en conservant toute sa lucidité, il devait se rattacher, même, à une chimère, s'il le fallait. Il acceptait de se mentir pour avoir le courage et l'envie de colmater les brèches que présentait l'édifice qu'était sa cellule familiale. La famille Goodmayer avait toujours connu des lézardes, de profondes lézardes, et il était plus que temps de les combler pour retrouver une cohésion qui lui avait toujours fait défaut.

   Parvenu devant la porte de la suite, il congédia Paul lui ordonnant d'aller chercher le médecin qui s'occupait de son frère et avec qui il désirait s'entretenir. Il entra sans frapper et se dirigea directement vers la chambre après être passé par un salon où le mobilier était le même. Dans son lit, Wallace dormait, ou du moins en donnait-il  l'impression. Yeux clos et visage impassible, il respirait de façon régulière. Craignant de le réveiller, Alexander s'assit sur une chaise proche du lit et resta silencieux et gauche ne sachant pas quoi dire, ni comment se comporter. Au téléphone, il leur avait été plus facile de communiquer ignorant les longues années qui les avaient séparés.

POUR L'AMOUR D'ELLE. (TERMINÉE). Où les histoires vivent. Découvrez maintenant