Ce matin-là, pour une raison plutôt incongrue, il est assez perplexe de ne pas la voir se lever en même temps que lui. Ou plutôt, il est assez perplexe de voir qu'en dépit du bazar qu'il a fait et mis dans la pièce, elle dorme encore.
Le dimanche illumine la pièce depuis plusieurs heures déjà, et elle est toujours dans le lit, enroulée dans la couverture. Excuse donnée pour de vrai, elle a prétexté un devoir de groupe pour dormir chez lui la veille. Ils ont donc pu passer une agréable après-midi tous les deux, puis une agréable soirée, et enfin, une nuit encore plus agréable.
Il pose sa main sur son front, et se fige.
Il se lève comme un ressort, et descend les marches en courant.
- Maman, lui-dit-il avant même de lui dire bonjour, je crois que Koike a de la fièvre.
- Oh, elle a dormi ici ? répond-elle en feignant la surprise. Nous n'avions pas du tout entendu.
Il fait l'impasse sur la révélation gênante pour répéter :
- Elle a de la fièvre, et ça m'inquiète.
Sa mère roule des yeux et monte, pour remarquer que si la jeune fille a de la fièvre, elle n'en n'est pas moins nue dans la couverture de son fils, et semble dormir.
- Sérieusement ? dit-elle avant d'entrer.
Elle s'approche et pose la main sur le front de l'adolescente, qui ne fait que froncer les sourcils à son contact. Tout à coup, la femme aux cheveux bleus se lève, fouille la pharmacie pour en sortir un thermomètre et le glisse dans l'oreille de Tsuchida.
- Et pas qu'un peu, murmure-t-elle. Tu pourrais... l'aider à s'habiller, s'il-te-plaît ? demande-t-elle à son fils. Je vais chercher ce qu'il faut. Il va aussi falloir qu'elle mange, elle est malade. Mais je ne sais pas du tout si c'est contagieux, ou si c'est de la fatigue.
Il acquiesce et tente de la réveiller. Quand elle ouvre ses yeux, la bouche pâteuse, il lui glisse un sweat' à lui et sa culotte, tandis qu'elle tente de se blottir dans ses bras en grognant.
- Eh, je ne peux pas t'habiller si tu ne te laisse pas faire, lui dit-il vaguement amusé.
- Hum... tu étais parti où ? demande-t-elle l'esprit embrumé.
Ses yeux lui collent, et elle a l'impression d'avoir chaud de l'intérieur, tout en étant frigorifiée de l'extérieur. La seule chose à laquelle elle peut penser, là maintenant, c'est à quel point elle est épuisée, et à quel point les bras de son compagnon sont confortables.
Il se résigne une fois qu'il l'a plus ou moins habillée, et la serre contre lui, lui couvrant les jambes alors qu'elle est assise sur lui, et lui adossé au mur.
Quand sa mère revient dans la chambre, elle lui tend un verre d'eau que Tsuchida n'est pas en état de voir. C'est Aomine qui le prend, et lui dit doucement :
- Il faut que tu prennes les médicaments que ma mère t'a ramené, d'accord ?
- Hum...
Elle grogne, lève le bras, mais a tout juste la force de poser sa main sur le bras mat qui tient le verre. Il s'occupe de le porter à ses lèvres, lui fait boire une gorgée, et attrape les médicaments pour lui faire avaler avec le reste d'eau.
- Je pense qu'il va falloir prévenir son père, dit-elle au bout d'un silence.
- Son père est dingue. S'il sait qu'elle est là...
- Elle a beaucoup de fièvre. Il vaut mieux qu'il soit au courant, s'il faut l'emmener à l'hôpital.
Lorsqu'elle voit son fils blêmir, elle s'empresse de préciser :
- Non, elle n'aura peut-être pas besoin d'y aller, mais quand même. En tant que parent, je pense qu'il faut qu'il soit au courant.
Il est décidé que c'est elle qui va le mettre au courant. Et lorsqu'il répond au téléphone, il demande tout de suite à la voir. Il faut donc installer Tsuchida dans la chambre d'amis, l'habiller un peu plus avec les vêtements de la mère que ceux du fils, qui pense à enfiler une chemise quand la sonnerie de la porte retentit.
Monsieur Tsuchida fait presque irruption dans la maison, avant de se faire recevoir plus correctement par la mère d'Aomine, qui avait voulu ouvrir la porte lui-même. Le regard sombre que l'homme pose sur lui lui rappelle les yeux d'encre que l'adolescente avait posés sur lui la première fois qu'ils s'étaient rencontrés.
- Donc ma fille a dormi ici, dit-il d'une voix sourde.
Le jeune basketteur a beau être plus grand que l'homme qui le toise, ça n'a pas l'air d'intimider le moins du monde celui qui lui fait face.
- Elle a les yeux et le nez de son père, s'occupe-t-il à penser pour masquer son angoisse.
- Oui, elle se repose dans la chambre d'amis. Elle s'est réveillée avec de la fièvre, ce matin, explique la mère. Comme ils se sont couchés tard, il est possible qu'elle ait attrapé froid, ou que ce soit la fatigue. Mais c'est assez inquiétant pour que je vous prévienne.
Le regard de Tsuchida-san se repose sur la femme aux cheveux bleus marine. Son doux sourire le rassure tout de suite, et il en vient à repenser aux moments où sa propre femme faisait ce sourire, lorsqu'il était en colère. Un sourire qui vient à bout de toutes les crises, et de toutes les peines.
- Vous voulez monter la voir ?
- Oui, si ça ne vous dérange pas.
Elle hoche la tête avec un léger sourire.
- Je suis désolée, mon fils n'est pas très doué à l'école, alors l'aide de Tsuchida-chan est toujours la bienvenue. Surtout qu'elle a un effet magique sur sa manière de faire les choses, dit-elle en montant les marches, comme si elle était tout simplement bavarde.
Le lycéen lui lance un sourire discret de remerciements, conscient qu'elle ne badine que pour lui sauver la mise. Elle a tout de suite compris que son père n'a pas la moindre idée du fait que sa fille fréquente un garçon, et apparemment, pas la moindre idée du fait qu'elle ait même dormi chez l'un d'eux.
- Vous étiez-là, hier soir ? demande naturellement Tsuchida-san.
- Bien sûr ! Mon mari aussi, d'ailleurs. Et elle a bien mangé. Je vous l'ai dit, il n'y a que pour l'heure du coucher que je ne suis pas sûre. Mais en tout cas, c'est un plaisir d'avoir votre fille à la maison.
- Elle est déjà venue ?
- Oui, plusieurs après-midis.
Le garçon se fige, s'attendant à ce qu'elle parle du piano, mais elle semble passer outre le sujet :
- D'ailleurs, ça me fait penser, c'est gentil de sa part d'amener quelque chose à boire ou à manger quand elle vient, mais si vous pouviez lui glisser de garder ses sous pour elle... il me semble qu'elle travaille dur pour les avoir, et même si l'intention est là, je préfère qu'elle ne le fasse pas. Après tout, les jeunes ont des dépenses pour eux à faire aussi !
Le sourire que l'homme prend donne au plus jeune l'impression d'étouffer. Ce sourire triste de celle qui sait, mais qui ne veut pas en parler, de ces faux-semblants et de ses « tout va bien, pourquoi ? ». Ce sourire qu'il commence enfin à arracher à la fille avec laquelle il sort.
C'est égoïste, mais quelque part, il n'a pas envie de savoir d'où ce foutu sourire sort.
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Les larmes en gouttes de pluie
FanfictionTome 2 Avançant sur le chemin qu'ils se sont obstinément tracé, une seule question se pose à eux : quelle est la limite d'un génie ? Si Aomine et Tsuchida se dirigent vers l'école de leurs rêves, ils ne doivent pas oublier qu'ils ne sont pas leur pa...