Chapitre 46

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Momoï suit avec le plus de concentration possible son cours du jour sur les unes, le téléphone vibrant d'âneries de Kise, qui visiblement, n'a pas cours de la journée. Elle essaie d'étouffer un énième fou-rire quand son professeur la dévisage sévèrement.

- Désolée, dit-elle à voix basse en rangeant l'appareil.

Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de le mettre en vibreur, elle reçoit un message de Tsuchida qui la fait reprendre son sérieux : « Dispo, ce midi ? ». Elle répond tout de suite que oui, et range son téléphone dans sa poche.

L'étudiante aux cheveux roses a la bonne surprise de la retrouver à la sortie de son amphithéâtre, et elle lui fait un grand signe de bras, qui intrigue les gens alentours. Le sourire rougissant de bonne humeur, Momoï la rejoint en lui rendant son geste, à coups de foulées courues.

- Comment tu as fait pour entrer ?

- C'est une fac publique. Ils ne vérifient pas, la rassure-t-elle. On y va ? J'ai une heure et demie, l'un de mes profs a du retard sur son vol de retour.

- Oh, fait-elle en ouvrant de grands yeux sarcastiques, c'est vraiment habituel, comme soucis, ces derniers temps.

Tsuchida ricane :

- C'est bon, j'ai compris. On y va ? Il va y avoir une queue d'enfer.

Elles se dépêchent d'entrer dans la cafétéria, plateau en main, et Momoï lance dans la file d'attente pour les déserts :

- Dai-chan m'a dit que vous alliez à une rencontre dans quelques jours, pour ton école.

La jeune femme comprend qu'elle doit développer un peu, en essayant de ne pas avoir l'air d'avoir oublié de lui en parler, alors que c'est tout à fait le cas. Mais son amie fait mine de rien, et elle explique :

- C'est une rencontre organisée par l'école. Pour nous permettre de rencontrer des professionnels de la musique qui pourraient être intéressés par nos talents pour travailler avec eux. Il y aura quelques personnes importantes, qui ont accepté de rencontrer des novices, mais aussi des groupes de musique populaires, et des chanteurs qui recherchent une chanson.

- Oh ! sourit-elle en attrapant la compote. Populaires à quel point ?

- Ah, non, pas populaires dans le sens célèbres, mais dans le sens... issus de la population. C'est terrible, à quel point le vocabulaire d'Arita déteint sur moi, dit-elle dans un frisson.

D'un mouvement de solidarité, elle la pousse légèrement de l'épaule en essayant de ne pas tremper ses cheveux roses dans la soupe de Tsuchida. Un instant après, on les bouscule, et la musicienne manque de renverser son bol dans un : « Putain ! » sonnore.

Momoï essaie de rester sérieuse, mais les efforts de Kise ayant déjà eu ce qu'il restait de ses nerfs, elle éclate franchement de rire :

- Je ne crois pas qu'Arita soit le seul à déteindre sur toi !

- Ne lui en parle pas, dit-elle renfrognée. Il s'en inquiète bien assez comme ça. J'en ai mare des « quels co-tons », ou « pu-ll à manches courtes ». Ah, non, le pire qu'il m'ait fait, c'est « fils de pu-ce ».

Le rire sonore résonne dans toute la pièce, mais elle ne parvient plus à s'arrêter, et Tsuchida doit même garder les plateaux le temps qu'elle fasse un passage éclair aux toilettes. Quand elle revient, les mains encore humides du sèche-main électrique encore en panne, elle est repassée du rouge au rose pâle, lui donnant un air plus vivant qu'elle ne semblait l'être la veille au dîner imprévu.

Rassurée, l'étudiante s'installe, et commence à manger doucement. Elle n'a pas pris de repas dans une cantine en prenant son temps de cette manière depuis un bout de temps. Un bout sacrément long, mais qui ajoute du plaisir au fait de le faire maintenant. C'est assez simple, comme petit bonheur, mais prendre son repas avec une amie de longue date, en parlant de tout et de rien, dans une ambiance aussi détendue que Momoï est la seule à donner, ça lui donne le sourire.

Elle l'écoute parler tout en mangeant, lui faisant remarquer de temps à autres de faire de même, bien qu'elle ne semble pas y parvenir tout à fait.

- Maintenant que je l'ai lancée... se dit-elle. C'est foutu pour son pauvre déjeuner !

- En tout cas, je suis contente. Je ne pensais pas avoir une note aussi bonne ! J'espère que je ferais une bonne reporter sportive. J'adore ça.

- Tu es douée pour récolter des données sur les joueurs. Ça va te servir, je pense. Et puis, tu aimes vraiment ça, comment Tsuchida.

- Oui, c'est vrai, rit-elle. Mais je ne pensais pas vouloir en faire mon métier un jour ! Dire que j'ai eu du mal à couper le cordon avec Dai-chan... vouloir quand même rester aussi proche de lui me fait un peu bizarre. Je veux dire... j'ai vraiment réfléchit à ce que je voulais faire, et ça me tente vraiment de faire ce métier-là. Je pensais juste qu'en suivant une autre voie que lui, je trouverais mon truc. Mais... si j'ai choisit ça pour continuer...

- Tu as choisis parce que tu en avais envie, la coupe la musicienne.

Elle s'essuie la bouche en continuant :

- C'est un métier qui t'a fait de l'œil. Je sais que ce n'est pas courant, mais si ça ne te plaît pas, tu peux toujours changer de filière, refaire des études, ou même changer de branche dans le journalisme, si c'est le « sportif » qui te gêne. Tu peux faire ce que tu veux, tu as la chance d'être suffisamment intelligente pour ça. Fonce. Moi, je te soutiendrais. Et je sais que Daiki aussi. Qu'est ce que ça te coûte d'essayer ?

La jeune femme secoue la tête avec un sourire.

- C'est pour ça que tu es aussi douée pour rassembler les gens autour de la musique, Tsu-chan.

L'autre la regarde sans comprendre, et Momoï secoue la tête sans lui en dire plus. Mais elle le sait : Tsuchida est le genre de personne qui donne confiance aux autres en eux-mêmes en leur faisant sentir qu'elle les soutient pleinement, qu'elle a confiance en eux. C'est ce qui en fait une personne capable de tirer le meilleur des gens autour d'elle, et qui lui donne d'aussi bons résultats.

Dans la fiche que Momoï a fait sur elle, ses capacités sociales explosent presque toutes les autres. Celle qui est en tête, c'est son oreille, suivie par sa capacité d'adaptation. Le reste n'est pas quantifiable. La jeune femme estime que c'est la première chose qui l'a certainement rapprochée de son meilleur ami : le talent.

Les larmes en gouttes de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant