Son père a renoncé au basket. Est-ce-qu'il serait prêt à faire une chose pareille pour sa compagne ? Et elle ? Serait-elle d'accord ?
Il ouvre la bouche pour demander, incertain :
- Pour maman ?
Kagemori secoue la tête :
- Non. Elle, elle m'a conseillé de m'opérer le genou. J'ai refusé, ça me faisait trop peur. Je regrette. J'adorais ça.
- Mais ça n'a rien à avoir, lâche le plus jeune en fronçant les sourcils.
- Si, ça a tout à voir, Daiki, s'emporte-t-il.
Il n'avait jamais vu son père aussi contrarié, et soudain, il comprend que même son père n'avait probablement pas son génie pour le basket, il en avait pourtant le même amour, et que la douleur causée par sa perte lancine toujours, dans un coin de son cœur.
- On n'aurait pas eu la même vie, si j'étais passé pro, et j'aurais pu le devenir, j'étais dans les présélectionnés pour faire partie de l'équipe nationale ados ! Sauf que je lui en ai parlé au dernier moment. Et... tu sais comment elle est. Elle est devenue folle. Elle m'a dit que j'aurais dû lui en parler plus tôt, et qu'elle m'aurait obligé à me faire opérer. Que quitte à perdre un an de rééducation, j'aurais pu y aller franchement. Et tu sais quoi ?
La gorge serrée, son fils secoue la tête.
- Quand elle est tombée enceinte de toi, j'ai commencé à décorer ta chambre, parce que, tu vois, c'était vraiment magique, comme moment...
Il sourit en repensant à cette histoire que sa mère lui a souvent racontée : elle ne l'avait pas depuis quatre mois que son père cherchait déjà le meilleur des lits à barreaux, ou la peinture la moins nocive pour un bébé, ou...
- Quand j'ai trouvé ta commode, j'étais aux anges. On ne parle pas de ça avec ses enfants, mais... ça coûte une fortune, un bébé. Ça grandit vite, alors il faut lui acheter des vêtements et des jouets régulièrement, et je faisais attention à prendre le meilleur pour toi, en essayant de prendre ces choses que tu garderais le plus longtemps possible pour faire des économies. Je suis donc tombé sur cette commode de très bonne qualité, en promotion. C'était une collection de l'année précédente, ils la bradaient. J'avais demandé à ton oncle de m'aider à la monter dans ta chambre, elle pesait lourd. Et en plein milieu de la montée... mon genou m'a lâché.
Ils se regardent en silence un moment.
- Si je ne me faisais pas opérer, j'aurais boité jusqu'à la fin de ma vie, avec des douleurs insupportables. Je l'avais usé jusqu'au bout. Je me suis fait opérer, et ta mère a été obligée de finir ta chambre toute seule.
Il se souvient de Cho, penchée en avant, les genoux pliés, et une main sous son ventre pour tremper le rouleau dans la peinture, et lever les bras pour étaler toute la couche de haut en bas, devant se mettre de profil pour certaines manipulations, le ventre gênant. Au départ, il l'avait laissée faire à regrets. Mais au fil de la grossesse, il n'était plus sérieux qu'elle fasse ce genre de choses, debout toute la soirée, après avoir passé la journée au bureau, essayant de travailler jusqu'au bout de ce qu'elle pouvait faire, pour limiter le temps de perte de salaire engendrée par un congé maternité.
Ils en étaient venus à se disputer. Lui qui n'avait pas le droit de monter et descendre les marches s'y mettait pour lui faciliter la vie, montait sur l'escabeau, alors qu'il était encore en béquilles... Il était dépendant de sa femme pour aller au travail, et un collègue le ramenait à la maison. C'est lorsqu'ils passaient la porte qu'ils s'agaçaient l'un contre l'autre, à la fin de la grossesse.
Il ferme les yeux en fronçant les sourcils.
- J'aurais pu le faire dès le départ. J'avais juste laissé passer ma chance comme un con.
Les mains serrées sur les genoux, il le regarde fixement, au point que le jeune basketteur sente toute la douleur du monde dans son propre corps.
- Ne fais pas mes erreurs, tu n'es pas moi, et je ne suis pas mon père. Je vais te dire ce que j'ai raté, pour que tu fasses mieux. Tu peux ne pas t'en soucier, mais je te donnerais toujours mon avis, et mon expérience. Parle-lui. Tu serais surpris de ce qu'il peut se passer dans la tête d'une femme inquiète.
Ils rentrent dans la maison avec ce souvenir de la conversation la plus sérieuse qu'ils n'ont jamais eu tous les deux, et cette sur la contraception avait pourtant semblé aussi sérieuse que cette sur la consommation de stupéfiants : solennelle à souhaits. Les rires dans la cuisine les détendent néanmoins rapidement, et ils échangent un regard amusé. Les deux femmes sont mortes de rire sur le plan de travail, les mains dans la pâte à gâteau de riz qu'elles doivent mélanger comme ça, les doigts englués dans l'élément visqueux.
- Alors, ça pâtisse ?
- Comment ça, « ça pâtisse » ? intervient le plus jeune. On a été les chercher, les pâtisseries !
Tsuchida ricane :
- Vous vous êtes surtout volatilisés deux heures, oui ! Alors du coup...
Kagemori s'offusque brutalement :
- Alors toi ! Si je devais disparaitre des heures en allant te chercher une pâtisserie, ta première idée, c'est d'en faire une pour compenser ?!
Son éclat de voix a fait sursauter Tsuchida, qui éclate de rire derrière la femme aux cheveux bleus.
- Mais non, mais reconnais que vu le temps que vous êtes partis, vous auriez pu faire le tour de la ville sans trouver de quoi manger ! Vous êtes partis trois heures !
Il l'attrape par la taille, et l'embrasse, souriant.
- Ben voyons. Je passe du temps avec mon, fils, un peu. Je peux ? demande-t-il avec ironie.
Aomine les regarde tendrement un moment, tandis qu'ils se chuchotent des mots doux à l'oreille, et que Tsuchida retourne à sa pâtisserie, gênée. Elle lève la tête pour le regarder, et ses yeux croisent les siens. Le basketteur à la peau matte lui fait un clin d'œil, et elle secoue la tête en retournant définitivement à sa tâche.
Chez les Aomine, visiblement, l'amour romantique est une tradition familiale !
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Les larmes en gouttes de pluie
FanfictionTome 2 Avançant sur le chemin qu'ils se sont obstinément tracé, une seule question se pose à eux : quelle est la limite d'un génie ? Si Aomine et Tsuchida se dirigent vers l'école de leurs rêves, ils ne doivent pas oublier qu'ils ne sont pas leur pa...