Chapitre 5

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Grace aux bons soins de la mère d'Aomine, Tsuchida est sur pieds le lundi matin, prête à aller en cours. Le week-end qu'elle a passé chez eux lui a fait prendre conscience de la proximité qu'il a avec sa famille, et même si elle trouve comme une tendresse dans cela, elle a aussi du mal à s'en défaire.

Les bras qui s'enroulent autour d'elle se font enlever sans la moindre douceur, et elle se relève en défripant sa jupe.

Il fronce les sourcils.

- Ça ne va pas ? demande-t-il inquiet.

- Je n'ai pas envie, c'est tout, répond-elle sèchement en s'asseyant plus loin.

Cette fois, il arque un sourcil, intrigué.

- Toi ? Pas envie ?

- Oui, Daiki, il y a des fois, où, comme tout le monde, je n'ai pas envie, dit-elle en détachant chaque mot.

- Koike...

- Ne me force pas à me mettre en colère contre toi alors que tu n'y es pour rien, s'il-te-plaît, le coupe-t-elle en lui tournant le dos.

Sans se démonter, Aomine se lève, et s'assoit derrière elle, pour l'entourer à nouveau de ses bras.

- Dai... !

- Si tu étais vraiment fâchée, tu ne m'appellerais pas par mon prénom, Koike. Dis-moi ce qui ne va pas. Et si tu ne veux pas... donne-moi tout ce qui te met en rogne, je m'en occuperais pour toi.

Elle pose sa tête dans le creux de son cou en fermant les yeux.

- Je ne veux pas en parler.

- Alors n'en parle pas.

- Mais tu vas m'en vouloir, n'est-ce-pas ?

- Pourquoi ? Parce que tu as une vie privée ?

- On fait partie de la même vie privée, je te signale.

Il secoue doucement la tête.

- Non, et encore heureux. Je ne supporterais pas de tout savoir de toi, ni que tu sache tout sur moi. Ce serait un coup à se tirer une balle.

Il réfléchit avant de demander, changeant de sujet avant qu'elle ne contre-argumente :

- Le têtard ne veut toujours pas t'apprendre le piano ?

- Non.

- Tu veux que j'aille le voir ?

- Non. Ça ira. Il changera d'avis tout seul.

Il hésite longuement, et patiente, finalement, pour ne rien dire. La manière dont elle se tient démontre une confiance comme il commence à avoir l'habitude de la voir. Dans ces cas-là, sa détermination semble impossible à contrarier.

Il l'embrasse sur la tempe.

- Comme tu veux.

Elle se lève trente-minutes plus tard, environ, pour se rendre à son club. Aomine l'accompagne dans le couloir, et ils s'arrêtent devant la porte. L'adolescent les attend, Shōya.

Vaguement inquiet de voir le basketteur derrière elle, il semble s'apprêter à reculer, quand il fait un pas vers elle à la place.

- Je vais t'aider. Même si je continue de croire que je n'ai rien à t'apprendre.

Tsuchida hoche la tête.

- Tu serais surpris.

Elle avance en quelques enjambées rapides, le dépasse pour ouvrir la porte, et lance à son compagnon avant d'entrer :

- On rentre ensemble ce soir ?

- L'entraînement risque de prendre plus de temps, mais tu peux toujours passer voir ce qu'il en est.

Elle acquiesce avec un sourire, et s'engouffre dans la salle. Masamune la suit de près, silencieux. Elle lui montre le piano, il s'y installe, et elle demande :

- Par quoi tu veux que je commence ?

- Par me montrer comment tu joues, dit-elle en fixant les touches.

Il se frotte les mains, s'installe plus confortablement, et se met à appuyer les touches. Elle le regarde faire avec une grande concentration, comme si ses doigts à lui étaient les siens à elle, et reconnaissant le morceau qu'il est en train de jouer, elle bouge les siens en rythme, avant de se figer.

Ils ne sont pas synchrones. Elle est trop rapide quand il traine, et il rajoute des longueurs là où elle n'estime pas avoir besoin de relâcher la pression. Comme un accord désaccordé, ils jouent, la même musique, mais pas sur le même ton.

- Tu as loupé un accord, dit-elle soudain.

Il relève la tête, Akutsu aussi. Elle est arrivée entre temps, et n'a pas remarqué l'accord manquant. D'ailleurs, le pianiste non-plus, ne voit pas le problème.

Elle se penche en avant, pose les doigts sur les touches, et se met à les faire valser. Elle ne rejoue que les huit dernières notes, jusqu'aux dix suivantes. Il les écoute, frissonnant, puis semble comprendre.

- Je l'ai jouée moins fort, mais je l'ai jouée.

Elle hausse les épaules.

- Si bas que je ne l'ai pas entendue, la corde n'a pas fait de bruit.

Masamune fronce les sourcils, et se redresse :

- Tu m'as demandé de te montrer, c'est ce que je fais. Si tu n'es pas contente, débrouille-toi toute seule.

L'air semble s'appesantir, et il tourne la tête vers la porte, où le basketteur s'agrippe, fortement contrarié.

- Hé, tu crois que tu peux lui parler comme ça ? s'agace-t-il en faisant un pas à l'intérieur.

Tsuchida n'a pas le temps de reconnaître la petite silhouette de Momoï derrière lui qu'elle lève la main, autoritaire, mais douce :

- Daiki. Ne t'en mêle pas, s'il-te-plaît.

Il s'arrête à mi-chemin, pour la regarder comme si elle avait perdu la tête et elle soupire longuement. Elle ne sait pas exactement ce qu'elle attendait de cette session d'apprentissage. Le jeu de Masamune est bon, rigide, mais bon. Sauf que ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas du niveau des talents qu'elle peut entendre à la radio, ou à la télévision. Il ne donne pas ce frisson, qu'elle ressent même au-delà du micro. Il n'en n'est pas capable. Il n'en n'a pas le niveau.

Elle était pourtant certaine qu'il pouvait lui apporter quelque chose. Mais quoi ?

- Tu vas vraiment le laisser faire ce qu'il veut ?

Encore dans sa réflexion, elle pose sa main mécaniquement sur son bras, et le regarde, les sourcils légèrement froncés :

- Est-ce-que c'est ce que j'ai l'air de faire ?

Aomine n'a plus l'impression d'être agacé, et cette idée qu'elle est devenue son centre d'attention au même titre qu'un de ces ballons orange de basket le perturbe, peut-être même qu'elle l'irrite. Sans qu'il ne puisse réellement lutter contre.

- Tu es trop imperturbable, répond-il doucement.

Elle lui sert un sourire charmeur, ravie.

- Tu crois ?

Le pianiste du concours

Les larmes en gouttes de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant