Chapitre 86

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Aomine regarde nerveusement sa lettre, l'esprit à l'envers. Elle n'est pas revenue. Il n'est pas allé en cours de l'après-midi, au cas où elle reviendrait, mais elle ne l'a pas fait. Et deux jours plus tard, il avait eu le droit à un appel de Momoï, qui lui demandait pourquoi Tsuchida et lui ne sortaient plus ensemble. Visiblement, elle était fâchée, mais ne s'était pas épanchée sur le sujet.

- Elle t'a dit quoi ?

- Je lui ai demandé comment tu allais, si elle avait de tes nouvelles, et elle m'a dit qu'elle n'en n'avait pas, et je cite : et j'en n'ai rien à f#*tre. Alors... j'ai été un peu surprise, et elle a ajouté que vous n'étiez plus ensemble, et que si je n voulais plus la voir, elle comprendrait. Mais qu'est ce qu'il s'est passé ? Elle était...

- Elle était quoi ?

- Froide. C'était terrifiant. On aurait dit que tu ne faisais pas partie de sa vie, ça m'a fait peur.

Sans plus de précisions depuis, il n'avait pas pu se résoudre à l'appeler.

Aburaya passe à côté de lui, et se fige, en se rendant compte qu'il l'a dépassé sans le voir.

- Qu'est ce que tu fous dans les gradins ? Viens te changer.

- Je vais rendre ma réponse au coach, annonce Aomine le regard vide. Tu crois que je fais une connerie ?

- Tu n'as pas eu l'occasion de la revoir ?

- Nan. Mais il faudrait que je lui parle.

Il marque une pause, et reprend, mal à l'aise :

- Sauf que j'ai pas la moindre idée de quoi faire, ou de quoi dire. J'en sais rien. Je sors avec elle depuis deux ans, et je ne sais pas du tout quoi faire pour me rapprocher d'elle. Elle a même dit à Satsuki qu'on n'était plus ensemble. Des fois... je me dis que c'est totalement la fille que j'ai rencontré sur ce toit, à cette époque, et parfois... elle a tellement changé que je... j'en sais rien.

- Tu sais, commence Obata qui vient d'arriver, accoudé à l'une des marches depuis l'entrée, si Awa t'entendait dire ça, elle deviendrait folle. Pour elle, vous êtes l'archétype du couple parfait.

Aomine ricane.

- J'ai l'impression qu'on n'est plus vraiment un couple depuis quelques mois.

Ses deux camarades le regardent en attendant qu'il poursuive, et c'est ce qu'il fait :

- Avant, elle escaladait ma fenêtre, oui, oui, rit-il en voyant leur expression, pour me raconter la folie qu'elle venait de composer, elle chantait en souriant, elle dansait, elle me tirait jusqu'au piano de ma mère, et elle y restait pendant des heures. Je la retrouvais, sur ce toit, et juste à la regarder, elle semblait vivante, mais ce n'était pas pareil qu'aujourd'hui. La Koike d'avant était une force de la nature en devenir, elle savait ce qu'elle voulait, elle n'hésitait pas à se dépasser pour tout niquer. Elle voulait atteindre des choses qui n'auraient pu être atteintes par personne d'autre.

Il se tait et termine :

- Elle te faisait vibre d'un regard. A présent, j'ai du mal à la sortir de la musique. Elle s'est noyée dedans, et... et elle a l'impression que je l'empêche d'aller là où elle veut. Elle dort à peine, règle ses comptes en écrasant les autres. C'est pas... c'est pas cette fille là, que j'ai rencontré.

Il fixe un moment sa lettre.

- Et le pire, c'est que j'ai peur que comme toujours, ce soit elle qui ait raison. Je dois partir. Pour voir si je vais le regretter ou pas. Et quand je le regretterais... elle ne sera plus là de toute façon.

Obata prend une grande inspiration :

- Tu sais, c'est pas parce qu'elle a souvent raison que c'est toujours le cas. Et c'est pas parce que vous allez partir loin l'un de l'autre que vous êtes obligés de vous séparer.

En avisant sa mine, Aburaya tente, sans en croire ce qu'il va dire :

- C'est toi, qui lui as dit que c'était terminé ?

Embarrassé au possible, Aomine détourne les yeux.

- C'était pas tout à fait mon intention, mais oui. Je crois que j'ai dépassé la ligne.

Les deux autres soupirent de concert.

- Bon, on va aller au plus urgent : rends ta fiche, si tu veux y aller. Ta copine, elle va pas disparaître dans la semaine. On va faire les choses un jour à la fois, ok ? propose le plus grand.

L'autre ajoute, en tendant la main :

- On parle de la fille pour laquelle tu as séché tellement d'heures que tu aurais pu te faire virer easy. Viens, on va réfléchir à trois.

Le coach est soulagé de recevoir la lettre, perturbé par l'air d'arbore son joueur. D'un autre côté, ce sentiment de malaise est balayé par une certitude :

- Je ne sais pas ce que tu as fait, petite. Mais c'était sûrement le bon choix.

Il siffle le début de l'entrainement, et les basketteurs se mettent en mouvement. Les passes commencent, Tandis que d'autres attaquent les tours de terrain, et graduellement, l'espace s'anime de bruit.

Le couinement des chaussures semble résonner dans Aomine comme s'il était vide. Il n'a pas envie de se souvenir de toutes les notes accrochées dans ses oreilles, qui ont guidé ses pas toute une partie de l'année. Parce qu'il n'en n'est qu'à la moitié, et qu'il lui reste encore deux ans d'études, et que s'il doit se passer d'elle, autant commencer maintenant. Cette part de fierté lui est à la fois inconnue et familière. Il l'avait déjà avant. Il se souvient que ce n'était pas son genre, de se laisser aller au second plan.

Il est temps pour Daiki Aomine d'exister par lui-même.


Les larmes en gouttes de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant