Il passe la semaine à l'écouter, raconter des anecdotes qu'il ne connait pas, qu'elle a mises en cours de route pour marquer une pause, pour le relancer, ou présenter le morceau suivant. Il y a tellement de bande qu'il n'en n'a pas encore écouté la moitié, et pourtant... il ne ressent plus ce manque d'elle, de sa peau, ou de ses sourires, il n'y a plus dans sa tête que ses rires, ses morceaux, ses soupirs, et ses piques. Il écoute et enchaine sans se soucier du temps qui passe, avalant des heures de travail, dont il ne se rend qu'à peine compte. Il lui suffit de mettre un casque, de lancer la piste suivante, et son monde disparait pour être avec elle.
Pour dire, le cadeau qu'elle lui a fait est tellement efficace que le coach remarque ses améliorations en quelques jours, et qu'il s'offre une paire d'oreillettes sans fil. Il drible, fait un pas sur le côté, fait mine de tirer, relâche les épaules, et fait une passe à un joueur invisible. Le jeu qu'elle lui rappelle, morceau après morceau lui donne des envies de jouer avec un sentiment de fierté énorme.
Il envoie ses résultats en photo à Koike qui lui répond par un appel rapide : « Génial ! Je savais que tu pouvais le faire ! ». Et trois jours plus tard, ses résultats à elle, lui sont envoyés, avec la liste des cours qu'elle va suivre.
- Tu vas vraiment prendre des cours de danse ? Ils t'ont acceptée ? s'étonne-t-il.
Elle rit.
- Je ne suis pas une danseuse étoile, mais j'ai le niveau pour le plus bas niveau. Ça ne me fera pas de mal, trois heures de sport par semaines. Il parait qu'on oublie facilement de prendre soin de notre corps dans notre branche, les profs nous le rappellent souvent.
Il est complètement d'accord avec ça. Avant, elle grimpait aux toits, aux arbres, et encore avant qu'ils ne commencent à se voir, elle courrait le matin, de temps en temps. Elle est loin, sa vie de petite sportive. Il prend en bonus l'idée qu'elle a appris suffisamment d'Iwabuchi pour apprécier prendre des cours en classe. C'est bien qu'elle ne soit pas totalement absorbée par la musique. Qu'elle voie des amies, ou découvre des bars, comme elle l'a fait avec Momoï la semaine précédente, c'est bien aussi.
Il soupire, se calant contre le dossier du canapé.
- Je devrais prendre un peu de temps pour moi, moi aussi.
- Ah, et j'ai un nouveau contrat ! On m'a demandé de composer un morceau pour un concours de musique classique, type Orchestral, mais pour meilleurs.
- Et avec les cours que tu vas avoir, tu vas pouvoir progresser encore plus vite pour ça, pas vrai ?
- Oui ! sourit-elle. Tu as remarqué, toi aussi ? Il y aura plus de pratique, ou d'étude de cas concrets que de cours théoriques sur les courants, ou l'histoire des instruments, ou des compositeurs. C'était intéressant aussi, précise-t-elle, mais je le savais déjà, ce n'était qu'un ensemble d'informations superficielles. Le concret me manquait.
Aomine sourit.
- Tu t'émerveille de ce qui doit donner des boutons à tes camarades.
Un court silence lui fait froncer les sourcils :
- On est réduits de moitié pour le semestre prochain. Est-ce-que ça fait de moi quelqu'un de sadique de jubiler à l'idée de faire partie de ceux qui restent ? Je ne connais même pas les noms de ceux qui sont partis. Ni de ceux qui sont restés, d'ailleurs. Je ne sais pas si je dois m'inquiéter de ça...
- Koike, la reprend-il. Tu as toujours été comme ça. Je ne crois pas que tu doives t'en inquiéter tant que tu n'es méchante avec personne sur le sujet. Tu es un peu plus étrange que les autres. Ce n'est pas que tu jubile parce qu'ils sont nuls. C'est parce que tu as réussi et que ça te tenait à cœur.
Il peut la sentir hésiter, et secouer la tête.
- C'est plus que ça. Tout change tellement facilement, dans cette école. Les étudiants sont égoïstes. Ils ne pensent qu'à la meilleure façon de se faire voire par les professeurs. Il parait que certains n'hésitent pas à s'arranger pour faire virer leurs concurrents en cachant des trucs louches dans leurs affaires.
- C'est un monde cruel, ta musique. Ouais. C'est terrible. Mais t'es pas encore une con#*se, t'inquiète. Je te le dirais, sinon.
Ils raccrochent quelques minutes plus tard, et il va se coucher. Il ne s'était lui-même pas posé la question : à quelle vitesse changent-ils ? Leur environnement a tellement changé... et pourtant, le lendemain, quand il se lève, passe devant la boutique de meubles d'occasions, il se redresse vivement, regarde plusieurs fois la vitrine pour s'assurer qu'il ne rêve pas, et ne peut que penser « Koike ».
En s'étirant, Momoï manque de crever un œil à quelqu'un, mais la présence distraite de Tsuchida derrière la porte de son amphithéâtre ouverte pour faire circuler le peu d'air frais que l'arrivée de l'été leur offre lui permet de retenir un bâillement.
Elle ne se serait jamais attendue à copiner avec la petite amie d'Aomine, elles ont tendance à naturellement la détester, mais en plus, la personnalité distante de la musicienne ne semblait pas s'accorder à son propre débordement de bonne humeur. Ou du moins, elle le pensait, parce que les conversations animées qu'elles ont toutes les deux lui prouve que Tsuchida avait une prédisposition à la sociabilité, mais qu'en plus, à son contact, elle le développe. En bref, l'ancienne assistante du club de basket se retrouve avec une amie sincère et pleine de surprises à ses côtés, alors qu'elle avait peur de se retrouver toute seule dans cette nouvelle ville.
Elles se voient au moins une fois par semaine, habituellement, mais ces derniers temps, le temps que Tsuchida dégage pour être avec elle lui fait plaisir. Elles se retrouvent d'ailleurs parfois à sortir à cinq, elles deux, Iwabuchi, et deux nouvelles amies à Momoï qu'elle s'est fait au fil de ses cours.
De là où elle est, l'étudiante aux cheveux roses récemment coupés de moitié peut la regarder composer tranquillement assise par terre, sans pression. La voir aussi détendue la détend à son tour, et elle ne suit plus la moindre bribe de parole énoncée par l'enseignant devant elle.
Momoï sourit, la tête dans les nuages :
- L'effet Tsuchida...
VOUS LISEZ
Les larmes en gouttes de pluie
FanfictionTome 2 Avançant sur le chemin qu'ils se sont obstinément tracé, une seule question se pose à eux : quelle est la limite d'un génie ? Si Aomine et Tsuchida se dirigent vers l'école de leurs rêves, ils ne doivent pas oublier qu'ils ne sont pas leur pa...