Chapitre 30

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Tsuchida est couverte d'une pellicule de sueur quand elle revient, quinze minutes plus tard, pour annoncer au micro :

- Nous n'allons pas tarder à commencer, si vous voulez bien vous installer à votre place, et éteindre les sonneries de votre téléphone, je vous en remercie.

Elle quitte la scène en sautant par-dessus le bord, jette un dernier coup d'œil aux installations, et soupire de soulagement. Les gradins sont installés et remplis.

- Tout le monde en piste, je jette un œil à la buvette d'Akutsu, et on commence, lance-t-elle à la volée en passant près des techniciens amateurs.

Elle sort la tête par la porte et ne peut masquer sa perplexité en voyant tout un groupe d'anciens membres du club s'affairer derrière deux tables, remplies au fur et à mesure par de l'alimentaire, deux gradins sortis le long du mur, ou encore des tables et chaises pliables. Ce n'est pas assez pour la quantité de monde qui est dans la cour de récréation, mais c'est assez pour mettre une bonne ambiance, et qu'elle ne remarque pas de traces flagrantes de mécontentement.

- Rangez-moi tous les tickets de caisse dans la boite, lance Akutsu, qu'on puisse faire les comptes, après !

- Ariga est rentrée chez elle, c'est pas loin. On devrait avoir des gâteaux faits maison dans une demi-heure, intervient quelqu'un d'autre.

On fait signe à l'ancienne trésorière pour attirer son attention, et elle fait signe à Tsuchida en se retournant vers elle.

- Merci, dit-elle en entrant dans le gymnase.

Kusakabe et Machi n'avaient rien à faire ici, ils ont quitté le lycée l'année précédente, et à la réflexion, Tsuchida se dit que lorsqu'ils sont venus aider, ils ont probablement appelé Akutsu en cours de route. Leur présence a tout de même permis qu'ils se revoient, et d'avoir d'autres personnes sur lesquelles compter, mis à part les membres du club de basket, ou que sur les musiciens qui vont passer les quatre prochaines heures sur scène.

Quoi qu'il en soit, Tsuchida ne se dirige pas vers la scène avec le cœur léger, mais avec la confiance aveugle que tout se passera bien, puisque personne ne laissera l'occasion à la chance de tourner. Elle en convient, c'est orgueilleux de sa part, mais elle n'a pas le choix. Sa conscience se met par défaut sur le canal musical de leur programme, délaissant tout le reste, jusqu'à ce qu'une main se pende à son bras.

Elle est arrivée en coulisses, prête à faire monter tout le monde sur scène, et Aomine la regarde longuement, absorbé par ce qu'il semble voir d'elle plus qu'elle-même.

- Eclate-toi, dit-il sourdement.

Elle hoche la tête, encouragée, et se faire prendre au dépourvu quand il l'embrasse. Cette fois, son esprit change de fréquence et elle s'accroche à lui.

- Tu vas rester ? demande-t-elle soudain.

Il acquiesce.

Elle passe des heures dans le train entre ses concerts, concours, représentations en tout genre pour aller le voir lui, alors qu'il n'a pas pu aller la voir elle. Il le lui doit bien.

- Jusqu'au bout ? réclame le musicienne, sachant qu'elle lui demande déjà beaucoup depuis le matin.

Il rit et se penche vers elle pour lui murmurer :

- C'était à toi de faire le lit, ce matin.

Elle soupire doucement, et pose sa tête contre son épaule.

C'est de ce genre de choses futiles, dont elle aime qu'il lui parle quand elle va donner une représentation. Et peu importe l'expérience, ou le nombre d'entre elles qu'elle donnera, elle se sent comme prisonnière de cette habitude qui lui permet de se détendre. La large main de l'adolescent se pose dans sa nuque, et il caresse lentement sa peau.

- Désolée. Je le ferais la prochaine fois.

Il hoche la tête.

- On se voit tout à l'heure ? Je serais dans le fond de la salle, ou je résoudrais des problèmes pour toi.

Cette fois, c'est elle qui rit.

- D'accord, merci, alors.

Elle se détache de lui et recule un peu.

- A tout à l'heure.

Il sort de la pénombre pour ouvrir un accès plus lumineux, et elle se tourne vers ses musiciens. L'étrange expression qu'ils lui présentent la perturbent un peu, avant qu'elle ne songe au fait que presque personne ne la voit avec Aomine, mis à part ses parents, et ses anciens coéquipiers du collège. Ceci dit, même eux n'ont pas l'expérience de ce genre de comportements, et elle se maudit en silence, avant de frapper des mains pour rattraper l'attention de tout le monde.

- Bon. J'espère que vous ferez de votre mieux, on a deux concerts à donner.

Elle se tourne vers les deux petits groupes de musique de lycéens, avec lesquels elle a travaillé pour des chansons, et autres morceaux entiers, et qui feront plusieurs apparitions tout au long du concert.

- Merci à tout le monde d'être là. Et bon courage. Je dirige l'orchestre en première partie, et après le passage du dernier groupe. On peut y aller ?

L'absence de réponse l'encourage et elle lance :

- Alors allons-y !

Elle s'élance vers le rideau, sans marquer la moindre hésitation quand ses mains moites collent son jean, ou que la lumière l'empêche de voir correctement ce qu'il y a devant elle. Quand elle y parvient, elle ne trouve cependant rien de plus intimidant qu'une salle quasiment vide, avec cette effroyable ligne de jury.

Un visage dans l'assistance la fige, et paradoxalement, sa nuque la chatouille, comme en souvenir de la caresse de son compagnon. Elle frissonne.

Son père est là. C'est peut-être bien la première fois qu'il assiste à l'une de ses représentations. Mais ce soir, pour ses oreilles à lui, elle va donner une prestation unique.

Les larmes en gouttes de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant