Chapitre 66

68 6 0
                                    

Aomine se réveille en sursaut, remarquant le manque d'une présence. Il se redresse dans son lit, regarde autour de lui consciencieusement, ou du moins, autant qu'on l'est lorsqu'on vient d'enchainer onze heures de sommeil, et il réalise soudain : elle n'est pas là. Pas « pas là » comme un « elle doit être dans la cuisine », ou « partie faire une course », mais comme dans « elle ne peut pas être là, puisqu'elle n'était déjà pas là hier soir, ni les soirs précédents ». Il peut facilement repenser au mois dernier, moment où il l'avait vu, une semaine après leur week-end à deux.

Elle ne l'appelle presque pas depuis, le nez dans ses examens. Certains des deuxièmes années le restent jusqu'à cinq ans, lui avait-elle dit. Elle avait ajouté avec un rire jaune « Encore faudrait-il passer la première année. ». Parce que les premières année, eux, réussissent, ou disparaissent.

C'est un peu curieux, et surtout, très ennuyant, parce que ça veut dire que les artistes ayant passé plus de huit ans à étudier dans cette école, pouvaient en passer la porte avec une licence, presque déjà trop âgés pour s'en servir. Il ne voulait pas qu'elle soit comme ça. Elle n'avait pas l'air d'en avoir envie non-plus, mais son « Tu m'as manqué. » de la dernière fois laissait entendre qu'elle voulait le voir plus souvent. Plus que ce que l'argent que lui donnent ses parents lui permettrait de dépenser pour elle.

Il se mord la lèvre.

- Non, ça ne va pas du tout. Je devrais peut-être chercher un moyen de gagner un peu d'argent moi-même.

Avec un supplément, il pourrait peut-être prendre le train deux fois de plus, et la voir toutes les semaines, s'ils alternent. Ou lui payer une partie de son billet, si elle préfère venir ici.

Il sort de son lit, ouvre la porte, fixe longuement le meuble noir qui trône dans son salon, provocateur, la peinture écaillée en guise de rictus.

Il n'est pas là pour ça, et décide donc de s'habiller. Il sera toujours temps de se laver au vestiaire, dans une cabine qui fera la taille de sa cuisine, ce qui serait toute fois bien plus confortable que son mouchoir de poche actuel. Ensuite, il pourra s'habiller et...

Aomine se passe une main fatiguée sur le visage, des sourcils, jusqu'au menton.

L'entrainement du jour.

Un petit groupe de personnes va juger sa classe pour déterminer qui va participer au programme d'échange avec les Etats Unis. Il a sauté de joie lorsqu'il l'a appris, pour se demander ensuite comment il allait l'annoncer à Tsuchida. Ça, c'était simple. La question venant après lui a néanmoins hérissé les poils : s'il y va, que vont-ils devenir, tous les deux ? Parce qu'il est évident qu'elle ne quittera pas son école, et qu'il ne lui demandera pas de le faire. Alors quoi ?

Cet ensemble de réflexions a fini par le miner suffisamment pour qu'il tire une tête de trois pieds de longs, et à longueur d'Aomine, ça fait beaucoup, jusqu'en arrivant sur le parquet, deux heures plus tard. Obata lui met une claque dans l'épaule et lui demande, avec un sourire :

- Ben alors, ça va pas, avec ta copine ?

Le basketteur grogne, et son camarade fronce les sourcils, baissant la tête pour le regarder, soucieux :

- Merde, c'est ça ? Désolé, je ne voulais pas... Mais tu ne devrais pas penser à ce genre de choses maintenant. C'est peut-être la chance de ta vie !

- Je sais, grommelle-t-il. Je sais. Où est Aburaya ?

Le visage de son camarade se ferme définitivement :

- Il s'est levé avec une douleur au genou. Le coach l'a envoyé faire des exams, au cas où ce serait grave. Il était dégouté quand il m'a appelé.

D'abord déçu de ne pas avoir été mis au courant par le principal intéressé, Aomine se souvient après du message que le plus petit de leur trio lui avait envoyé alors qu'il enfilait un t-shirt : il n'allait pas pouvoir venir à cause d'un rendez-vous de dernière minute.

- Tu parles d'un rendez-vous... il aurait pu préciser, quand même. M#*de. J'espère que c'est rien.

Obata sourit doucement, ravi de le revoir s'animer un peu :

- Tu sais... certains jours, tu es vraiment dans ta bulle. Je comprends que tu n'aies pas vu Tsuchida depuis un moment, mais... tu ne pourrais pas voir ça avec elle ?

Aomine hausse un sourcil :

- Voir quoi ?

- Ben, tu sais... les caméras sur téléphone, ça existe... vous pourriez vous envoyer des sextos, ou des photos, que tu relâche un peu la pression...

L'autre éclate franchement de rire :

- T'es pas sérieux, là ? Je ne lui demanderais jamais un truc pareil ! C'est pas notre genre, en plus. Et... c'est pas qu'une histoire de c#* avec elle.

Obata tend l'oreille, comique :

- Une histoire de ? Tu es tellement censuré que je ne comprends même pas de quoi tu parles !

- Je sais que c'est ma copine, mais je ne pense pas qu'à ça ! rétorque Aomine. Un peu, beaucoup souvent, mais quand même !

- Les gars ! les interpelle le coach. Gardez votre énergie pour l'entrainement, et échauffez-vous, bon sang !

Les deux basketteurs ricanent dans leur coin, et Obata renchérit :

- Tu sais, ce qui me plait le plus, avec Awa, c'est sa poitrine, elle est énorme, et quand j'ai un coup de mou, et qu'elle le sait, elle vient chez moi avec un décolleté d'enfer ! murmure-t-il. Alors tu vois, je me disais, peut-être que toi et Tsuchida, vous avez vos petits trucs du genre, et que ça te ferait du bien, peut-être, un truc comme ça. Penses-y, joue à fond, et réfléchis ensuite, quand t'as deux secondes. Parce que c'est bientôt le week-end, je dis ça, je ne dis rien...

En pleine cogitation, il marmonne mollement :

- Je veux pas connaître vos petits secrets à ta Bulle et toi. Mais okay. Après le match. Mais je ne suis pas en manque de sexe, râle-t-il une dernière fois.

Obata lui met une dernière bourrade dans le dos avant de conclure :

- Pas de sexe, d'amour. C'est con, mais dans les deux cas, c'est elle qui comble le vide.


Les larmes en gouttes de pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant