partie 98

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                 ****Suite****

                   Aïcha Amar

Il y avait en moi une douce satisfaction, une joie subtile mais persistante, de voir que pas à pas, je m’approchais de mon objectif ultime : séparer Cheikh Aïdara et Sokhna Assiatou Thiam. Notre plan, élaboré avec minutie par ma mère et moi, était en marche. Nous avions réussi à semer le doute dans l'esprit de ma tante Sawdiatou, un rouage essentiel de notre stratégie. Influencer Cheikh directement était une mission presque impossible ; cet homme était trop sage, trop résistant aux manipulations. Mais en passant par sa mère, nous avions trouvé une faille. C'est elle qui était à l'origine de tous mes malheurs, et je m'étais promis de lui faire payer.Mon mariage avec Cheikhouna avait été promis depuis des années. Mon oncle Mouhammed m’avait juré que je deviendrais la femme de Cheikh, et j’avais grandi en m'imaginant la belle-fille de la famille Aïdara, une des familles les plus riches et influentes du pays.
Je l'aimais, je le voyais déjà comme mon époux. J'avais fait de lui mon univers. Personne n’avait le droit de l’approcher, et je m’étais toujours assuré que ce soit ainsi. Mais les choses ne s’étaient pas déroulées comme prévu.

Flashback

À cette époque, je venais de perdre mon père. Il était mort en prison, suite à une bagarre qui avait mal tourné. Mon père… il n'était pas un homme de bien. C’était un trafiquant de drogue, recherché à l’échelle nationale. Sa double identité lui avait permis de vivre parmi les honnêtes gens sans éveiller le moindre soupçon, tout en menant ses affaires illicites dans l’ombre. Il engageait des gens désespérés, leur offrait des sommes d’argent colossales pour qu'ils importent ou exportent de la drogue à travers les frontières. Mais un jour, la justice l'a rattrapé. Il avait tenté de faire entrer une quantité massive de drogue depuis l’Europe, mais il fut pris en flagrant délit. Condamné à plusieurs années de prison, il n’avait jamais vraiment eu de répit. J’avais quinze ans lorsque tout cela s'est produit, et notre famille s’était retrouvée sous le poids de la honte. Tous nous avaient tourné le dos, sauf mon oncle Mouhammed.Mon père avait fini par regretter ses actes. Avant de mourir en prison, il s'était repenti. Il avait compris le mal qu'il avait fait à notre famille, notamment grâce aux conseils de mon oncle.

Mon père n’aura passé que cinq des sept années de sa peine, poignardé à mort par des codétenus. Ce fut le jour le plus sombre de ma vie. Personne ne ressentait la moindre peine pour lui, sauf ma mère et moi. Le monde entier voyait en moi la fille d’un malfrat, et partout où j’allais, je portais ce stigmate comme une cicatrice visible de tous. Mon père avait changé, il avait même publié une vidéo pour demander pardon à toutes ses victimes. Mais pour le reste du monde, il n'était qu'un criminel, rien de plus.

Un jour, mon oncle Mouhammed est venu rendre visite à ma mère. J'étais blottie contre elle, écoutant ses sages paroles, quand mon oncle est entré. Nous l’avons accueilli avec respect, et après avoir échangé les salutations d’usage, il prit la parole :

_Seynabou, ma sœur, je dois te parler de quelque chose de très important.

Ma mère, inquiète du ton grave qu'il employait, lui répondit :

_ Tout va bien, Mouhammed ? Tu sembles tendu.

Curieuse, je restai à ses côtés, feignant de regarder la télévision. Mon oncle poursuivit :

_Je suis venu te parler du mariage de ton neveu, Cheikh Tidiane. Tu es sa grande tante, et je ne pouvais rien décider sans te consulter. Cette nouvelle vous concerne toutes les deux.

Je ne pouvais plus faire semblant de ne pas écouter. Le mot "mariage" avait immédiatement capté toute mon attention.

_Sérieusement, oncle Mouhammed ? Vous parlez bien de mariage ?  m'exclamai-je.

Assiatou (A Quand Le  Bonheur?)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant