Tsuchida descend les marches de chez elle le pas tranquille. Elle n'a pas été aussi calme depuis longtemps. Et la nouvelle de sa prochaine école date déjà de la semaine précédente. Son père est parti au travail il y a une bonne demi-heure, elle a déjà pris son petit déjeuner.
Elle attrape ses affaires, met ses chaussures, et sort de la maison.
La musicienne a déjà eu le temps de courir le tour de son pâté de maison, de prendre une douche, et de se rhabiller que de son côté, Aomine sort difficilement de son lit, sous les injonctions alarmées de sa mère.
Il est en retard.
Encore.
Il sort de là comme s'il s'extirpait de sables mouvants, et se lève avec difficulté. Et se traine jusqu'à la salle de bain.
Il se lave le visage, enfile sa chemise, et se dit que la douche pourra bien attendre la séance de sport qu'il a en première heure, si tant est qu'il a bien sport ce matin.
Ils arrivent tous les deux au lycée à la même heure ou presque, mais ils ne se voient pas. Il doit encore monter au gymnase, et elle passer par la salle du club avant d'aller en cours.
Vingt minutes plus tard, elle est assise sur sa chaise, à attendre que le monologue du professeur s'achève, et lui à s'endormir sur le banc pendant ce cours de volleyball.
Elle ne traine pas en classe, allant rapidement à la cantine chercher de quoi manger, arrivant sur le toit à la même heure que d'habitude. Il n'est pas encore là.
Aomine traine les pieds en sortant de son foutu cours d'histoire, auquel il n'a pas prêté une attention exemplaire, et qui l'a agacé plus qu'autre chose. Il fait beau, dehors. Mais ils sont déjà au mois de septembre, bientôt octobre.
Il soupire, se gratte la nuque, énervé par cette étiquette, et finit par retirer sa veste.
- Tu vas attraper froid, Dai-chan.
Il hausse les épaules.
- Je ne pense pas. Il ne fait pas encore assez froid.
Il tourne la tête sur le côté, pour regarder le toit d'en face. Doit-il réellement manger avec les autres ce midi ?
Ses feuilles éparpillées par terre, Tsuchida compose, note après note, ligne après ligne, cette nouvelle symphonie dont elle a eu l'idée. Elle finit par se redresser, l'avant-bras douloureux d'effort, et par humer l'air.
L'hiver est caractérisé par cette odeur d'eau, de froid, et de caoutchouc mouillé. L'été quant à lui sent l'humidité moite le jour, et la nuit, la fraicheur après la journée alourdie par le soleil. L'automne arrive. Il sent les feuilles, le bois trempé, et la pluie.
Elle pince vaguement les lèvres, et se remet au travail, une fois qu'elle a massé mécaniquement son bras.
Quand Aomine fait enfin son apparition, ça fait une heure qu'elle est là. Elle l'attendait, assise sur le béton encore mouillé, par endroits, de la pluie de la veille, et sa jambe imprimée du motif du sol.
- Tu es là, dit-elle en guise de "bonjour".
Il sourit.
- Tu croyais que je ne viendrais pas ?
- Pourquoi tu ne viendrais pas ?
- TU as l'air surprise de me voir.
- Oui, de te voir, mais pas que tu sois là.
Il penche la tête sur le côté, narquois, et s'assoit près d'elle.
Elle rassemble ses affaires pour pouvoir les rattraper en cas de coup de vent, évitant soigneusement de poser ses précieuses feuilles sur le sol humide, et cale sa tête contre son épaule.
L'adolescent passe son bras autour de sa taille dans un soupir.
Un an. Dans un an, à cette période de l'année, ils prépareront leur arrivée dans leur prochaine école. Et ils seront séparés par plusieurs centaines de kilomètres.
Il l'embrasse sur le front, et elle frissonne.
C'est vrai qu'elle a raison, il s'en rend compte, maintenant. Ils ne sont plus capables de s'embrasser sans dépasser la limite du correct dans un espace public ou ouvert. Et il n'a pas besoin de l'expérimenter pour le savoir. Il le sent.
Le qu'elle ne lui adresse pas le perturbe un peu. Il se dit qu'elle est encore dans les nuages, alors qu'elle essaie de réfléchir à quelque chose de sérieux :
- Tu auras un appartement ? demande-t-elle.
- Tiens, tu pensais à la même chose que moi ? Oui, je pense. Mes parents m'ont proposé d'en avoir un.
- Je serais à l'internat, je pense, rit-elle. Mais je pourrais venir te voir.
Il sourit à l'idée, et l'enlace plus fort.
- J'espère que ça ne te fera pas trop loin. Je payerai une partie des billets.
- Si tu payes la nourriture et les factures d'énergie quand je viens chez toi, tu n'as pas à payer le train. Ce n'est pas ce que ça va me coûter, soupire-t-elle. De toute façon, si je peux, je prendrais un petit boulot.
- Encore ?
Il rit :
- Mais t'es accro au boulot, ma parole !
- Je te signale que le boulot veut dire argent, et qu'argent, c'est liberté, chez moi. Quand ce ne sera plus le cas, j'arrêterais de bosser, réplique-t-elle en souriant.
Aomine laisse courir ses doigts le long de son bras.
- Tu vas attraper froid, marmonne-t-elle.
Il feint de ne pas l'avoir entendue, et poursuit sa délicate opération.
Rapidement, une question lui traverse l'esprit : "A quel point tu voulais aller dans cette école ?". Mais la réponse surgit tout aussi vite, et c'est lui qui frissonne.
Pour cette école, elle est prête à se sauver de la seule famille qui lui reste, et à travailler quinze heures par semaines dans une lutherie. Pour la musique, elle est capable de mentir à tous ceux qui pourraient l'empêcher d'atteindre son but.
En un certain sens, cette idée pourrait être effroyablement attirante. Et en même temps, il ne peut s'empêcher de se demander jusqu'où elle pourrait aller avec lui, s'il osait lui barrer la route.
Il secoue la tête, et lève le visage vers le ciel, comme un tournesol en manque d'affection solaire. L'astre illumine son visage brièvement, avant de se cacher derrière un nuage.
Aomine grommelle.
Même le soleil devient frileux.

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Les larmes en gouttes de pluie
FanficTome 2 Avançant sur le chemin qu'ils se sont obstinément tracé, une seule question se pose à eux : quelle est la limite d'un génie ? Si Aomine et Tsuchida se dirigent vers l'école de leurs rêves, ils ne doivent pas oublier qu'ils ne sont pas leur pa...