38 : Wicked Game

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Noé resta un instant immobile, incapable de bouger face à l'image qui s'offrait à lui.

La nuit noire derrière, Lucien les yeux rouges et les joues humides, à peine éclairé par la lampe de chevet de Noé.

Après quelques secondes de plus, il tendit sa main à Lucien et il l'attrapa avant de passer par-dessus sa fenêtre.

Noé ferma la fenêtre et baissa le store.

Ne sachant que dire, il demanda :

- Tu veux enlever tes chaussures ?

Lucien les retira et les aligna contre le lit de Noé sur lequel il était assis.

- Qu'est-ce qui se passe ? Demanda Noé.

Lucien ne dit rien et se contenta de regarder devant lui, incapable de prononcer un mot.

- Tu n'es pas obligé de m'en parler maintenant, mais tu comprends bien que si tu veux que je t'aide, tu ne peux pas rester muet...

Le blond se tourna finalement vers Noé et posa son regard sur ses bras nus, couvert de cicatrices.

- Pourquoi tu t'infliges ça ?

Noé eut un soupir peiné et leva la tête vers le plafond.

- J'étais arrivé à un stade auquel... C'est assez compliqué en réalité, je ne sais pas si tu peux comprendre. Mais je peux essayer de te raconter.

- Tu peux toujours essayer, oui. Approuva-t-il.

- En fait, à cause de ma chute, celle dont tu m'as parlé l'autre fois, j'ai été gravement blessé, tu le sais. J'ai dû me faire opérer, faire de la rééducation, j'ai dû réapprendre à marcher puis à patiner. Mais j'avais un blocage avec les sauts. Même si mon genou était soigné, enfin, je devais quand même faire attention, j'étais mort de peur. Je suis mort de peur. Patiner c'était toute ma vie, voir mon rêve m'échapper si brusquement pour une simple erreur... Je ne sais pas si j'ai plus souffert mentalement ou physiquement, je sais juste que quelque chose s'est comme... Brisé en moi.

- C'est seulement du sport pourtant... Commenta Lucien sans aucune arrière-pensée.

- C'est vrai. Patiner... Ça a toujours été pour moi le moyen de m'exprimer. J'ai toujours été dans mon propre monde, et patiner, c'était entrer dans le monde en général. Faire que le monde entre dans le mien en quelques sorte, pendant un court instant. Mon monde devenait le monde... À
chaque fois que j'étais sur la glace, un immense bonheur me traversait. Et puis j'ai voulu faire ça à un haut niveau, faire de ma passion le pivot de ma vie, c'est le but ultime de tout le monde en réalité. C'est comme ça qu'on est heureux, en faisant des choses qui nous plaisent. Alors évidemment ça a ses désavantages, sauf que ça reste quelque chose d'incroyable.

- Si c'était la chose que tu aimais le plus, pourquoi ce blocage ?

- Je ne peux pas réellement l'expliquer. Je sais juste que je suis terrifié à l'idée de me blesser de nouveau. À part que si je suis incapable de patiner à cause de mon blocage, je n'ai aucune chance de vivre pour le patinage. Contradictoire n'est-ce pas ?

- Ouais, un peu...

- J'ai un syndrome de stress posttraumatique. J'ai énormément de reviviscence, je revis toujours ce moment que ce soit quotidiennement ou dans mes cauchemars. Je me sens souvent très seul, parce que je n'arrive pas à comprendre pourquoi quand les autres se blessent, ils arrivent à s'en remettre et pas moi. Et du coup, j'évite toujours le sujet, j'ai peur que personne ne me comprenne. J'ai tout le temps peur, je me sens toujours menacé quand je suis sur la glace. Je ne suis plus qui j'étais avant, je suis complètement différent. Ce sont des pensées intrusives qui surviennent et un sentiment de culpabilité. C'est aussi développer de l'anxiété et une dépression avec tous les symptômes qui vont avec. Comme une perte de plaisir dans les activités qu'on fait.
Et en fait tout ça à la fois... C'était beaucoup trop d'émotions. Expliqua Noé.

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