- Est-ce que vous savez pourquoi j'ai commencé à vous vouvoyer ? Demanda Noé.
- Et c'est reparti... Souffla Antoine. Dans ce genre de moment Noé, je suis censé te donner des derniers conseils et des encouragements. C'est moi qui suis censé parler, pas toi...
- Je peux toujours me taire.
- Sûrement pas, mais dépêche-toi, tu n'as pas beaucoup de temps. On est filmés en plus, les gens nous entendent...
- Qu'ils nous entendent alors. Ça vous intéresse de savoir ou non ?
- Je t'écoute.
- J'avais besoin de mettre un cadre. Antoine, c'était mon entraîneur, la personne qui m'apprenait à sauter, qui était exigeant, quelqu'un qui me poussait à me dépasser. Mais Antoine, c'était aussi celui qui venait me chercher à l'école, celui qui veillait sur moi quand j'étais malade, celui qui, a tous mes anniversaires, était présent ou encore le même qui s'était déguisé en père Noël quand j'étais petit. La frontière était floue pour moi, maman a bien vu que ça m'embêtait, elle m'a dit que je pouvais vous appeler "vous" dans le cadre du sport. Et quand vous veniez dans un autre cadre, "tu".
- Je m'en suis douté, c'était étrange que tu changeais tout le temps, je m'y suis habitué. Que veux-tu dire par là ?
- Héloïse et Axel m'avaient dit "c'est trop stylé" et ils se sont mis à faire pareil. Expliqua Noé. On était les seuls débiles à vouvoyer notre entraîneur à six ou sept ans... Je sais que dans beaucoup de sport, on se tutoie, ça dépend de qui on a en face, mais généralement, on tutoie au patinage artistique. Et du coup, tout le monde s'est mis à faire comme nous.
- J'ai remarqué, oui.
- Je n'ai jamais connu mon père, j'aurais bien aimé. Pourtant, il m'a envoyé toi, pour prendre ce rôle. Et ça... Ça veut dire beaucoup. Finalement, ce que je voulais dire, c'est que ce soir, je vais réussir mes triples axels. Mais au-delà de ce que ça représente pour moi, ils seront pour toi et pour maman.
Antoine lui offrit un sourire, un peu embrassé et hésitant tant il était touché par cette déclaration ; remplie d'honnêteté.
Il répliqua finalement :
- Tu m'as manqué l'année dernière. Quand tu étais présent et absent en même temps, quand j'ai cru que tu ne reviendrais jamais, quand je te voyais en train de mourir et que j'étais impuissant. Je suis sincèrement heureux que tu sois là, Noé.
L'adolescent serra ses mains et lui offrit un sourire.
Finalement, il s'éloigna et son nom fût annoncé.
Il salua et enlaça ses doigts avant de poser ses mains jointes sur son front.
Les yeux fermés, il glissa légèrement sur la glace avant de souffler.
Il roula les épaules, les bras à présent ballants.
À présent, il savait, Noé savait ce qu'il y avait à l'intérieur de lui. Il savait qu'il n'était plus qu'un être humain vide. Il était beaucoup plus que ça.
Après quelques secondes immobiles, il se plaça enfin :
À genoux, penché en avant comme si le monde s'était écroulé sur lui.
Il avait chorégraphié son programme, c'était lui qui avait décidé de se positionner ainsi. Noé voulait décrire tout ce qu'il avait ressenti ces dernières années
Parce qu'il avait bien ressenti, le poids du monde sur lui, sa vie qui lui avait explosé à la figure et qui tombait en lambeau.
Désormais, ce n'était plus le cas.
VOUS LISEZ
Plus que les Étoiles
Romance« 𝑄𝑢𝑎𝑛𝑑 𝑜𝑛 𝑠𝑒 𝑑𝑖𝑟𝑖𝑔𝑒 𝑣𝑒𝑟𝑠 𝑙𝑒𝑠 𝑒́𝑡𝑜𝑖𝑙𝑒𝑠, 𝑜𝑛 𝑛𝑒 𝑟𝑒𝑡𝑜𝑢𝑟𝑛𝑒 𝑗𝑎𝑚𝑎𝑖𝑠 𝑒𝑛 𝑎𝑟𝑟𝑖𝑒̀𝑟𝑒. » . Noé est un adolescent morose qui a perdu toute envie de faire quoique ce soit, y compris le sport qu'il pratiquait...
