Chapitre 30 Partie 2

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- Tu as perdu ta famille, que tu en souffres, c'est normal, mais tu n'as pas le monopole de la souffrance ici ! Tu crois sincèrement qu'Hanate va bien ? C'est un gosse, il sourit, donc tout est bon ? Non ! Il fait seulement ce qu'il pense qu'on attend de lui pour faciliter la vie de tout le monde. Il est plus jeune que tu ne l'étais quand ils sont mort, mais il a perdu toute sa tribu, des dizaines de personnes, le monde dans lequel il a grandi, c'est effondré. On l'a privé du droit de grandir avec son frère, son meilleur ami ! Mais son malheur n'a pas commencé là, sa mère est morte dans mes bras avant même de le voir, quant au salopard qui lui servait de père, il a passé sa vie à l'abandonner, préférant la chasse à ses petits derniers. Oh, mais attend, il a aussi vécu une année enfermée, enchaîné, entouré de monstres, qui dès que je n'étais pas là, venaient gratter à la porte de sa cellule en lui racontant avec beaucoup de détail ce qu'ils allaient lui faire dès que je ne serais plus là pour le protéger, il en connaît un rayon sur la peur du coup. Il m'a aussi vu me changer en épave alors que mon propre esprit m'échappait, il a eu tellement peur de me voir crever, ou que je lui échappe complètement et que je l'abandonne à mon tour. Pour lui, le pire dans tout ça, c'était de me voir me briser, alors que selon lui, s'il avait eu le bon goût de ne pas survivre à décongélation, j'aurais moins souffert, parce que soit je serais parvenu à me libérer, soit j'aurais péri en essayant, mais qu'au moins, je n'aurais pas eu à encaisser autant de torture. Tu te crois malheureux ? C'est bien, mais tu n'es pas le seul à souffrir. Aucun enfant ne devrait croire que sa mort aurait pu être une bonne chose. Toi, c'est ta colère qui te tient debout, lui, c'est de nous voir vivant et de faire son possible pour nous faire sourire, c'est lui l'enfant et le plus mature. Blesse-le à nouveau et je te déchiquette.

Il le lâcha, le regardant s'écrouler au sol avec dédain, il attrapa un sac et rejoignit les deux autres, récupérant son frère pour le réconforter, lui parlant avec douceur. Mélissa lança un regard désolé à Ganesh avant de lui emboîter le pas, ne pouvant pas laisser Akesha seul dehors vu son état d'esprit. Elle envoya un SMS à tout le monde pour les prévenir de ne pas rentrer tout de suite. Ganesh aurait besoin de digérer et elle craignait un peu Akesha, elle demanda à Ashe de les rejoindre avec Korian, elle doutait de pouvoir le gérer.

Ganesh resta assit hagard sur le sol quelques minutes avant de se reprendre un peu. Il grogna en se relevant, tout ça allait le rendre chèvre. Il ne l'avouerait sûrement jamais, mais Akesha l'avait terrorisé. Il avait senti ses os craquer. La pression avait été si forte que son corps entier lui faisait encore mal, sûrement pour plusieurs jours encore. Il sentait jusqu'au fond de ses tripes que si Akesha y avait mis à peine plus de pression, il n'aurait pas survécu. Ses entrailles s'étaient glacée à l'idée de le voir perdre le peu de contrôle qu'il lui restait, car sa voix beaucoup trop calme ne cachait ni son odeur, ni son aura, tout en lui à ce moment précis n'était que rage et si Ganesh n'avait pas été l'un des leurs, il l'aurait pulvérisé. Il ne saurait dire si c'est sa constitution de Pilier qui l'avait sauvé ou si c'est parce qu'Akesha ne voulait plus perdre de Pilier et s'était retenu.

Il avait toujours pensé qu'Ashe s'inquiétait pour rien et que si Akesha était effectivement en colère, il ne représentait pas plus de risque que lui-même. Il l'avait cru d'un calme à toute épreuve, mais il rendait hommage à un vieux dicton sur l'eau qui dort, sous la surface, c'était un ouragan qui se déchaînait, il suffisait que l'émotionnel perce la surface pour qu'il déchiquette tout ce qui l'entourait.

Il soupira, allant boire un thé, il lui fallait se détendre et évacuer tout ce qui le hantait. Si ça continuait, ce ne sont pas les monstres qui auraient sa peau, mais leur mode de vie. Il observa son ordinateur, il était seul, autant en profiter non ? Il lança de la musique, se laissant aller à son rythme, oubliant le monde pour quelques mesures.

Akesha avait sûrement raison, à trop ruminer sa douleur, il n'avait même pas songé à celle des autres. Il tenait à cette tasse plus qu'à quoi que ce soit d'autre. Elle était la seule chose qu'il avait pu récupérer avant qu'on ne lui interdise l'accès de sa maison, seulement parce qu'un pompier lui avait donné à boire avant qu'on l'emmène, on ne lui avait jamais permis de récupérer quoi que ce soit. Il y tenait, mais il connaissait la maladresse du gamin, tout le monde la connaissait, elle était même légendaire, c'était à lui de faire attention. Il avait merdé, encore. Il aurait aussi dû voir ce qui se cachait derrière les sourires du gamin, voir qu'il y cachait ses propres démons, en y réfléchissant, c'était évident, mais il s'était arrêté au sourire, ne cherchant pas derrière, comme pour le stoïcisme de son frère. Il avait des excuses à faire, peut-être qu'une offrande de paix serait la bienvenue, le gosse adorait le chocolat après tout.

Il finit par se détacher de son bureau pour se laisser complètement, allez à la musique, se laissant porter par les notes, laissant les pas de danses l'apaiser et vider son esprit. Ce n'était jamais aussi simple que comme ça, il retrouvait son calme en effaçant le monde qui l'entourait, se noyant dans la musique, il n'y a que comme ça qu'il parvenait à exprimer pleinement ses émotions, mais c'était une communication que lui seul pouvait comprendre. Il laissa défiler sa playlist avec une sensation de revivre.

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