Chapitre 47 - Lucile

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Le 06 septembre 2022, Montpellier

     Sans trop savoir comment, je me retrouve à califourchon sur lui, mes cuisses entourant son bassin, mes mains sur ses joues, les siennes dans le bas de mon dos, nos langues se mêlant toujours plus. Le bruit indécent de nos salives qui se mélangent fait naître une sensation que je n'avais pas ressentie depuis longtemps.
     Trois interminables minutes plus tard, il mordille ma lèvre inférieure en mettant fin à notre baiser, me regarde une seconde puis reprend possession de ma bouche, de mon cou, de ma mâchoire...
     — Tadhg...
     C'est la première fois que j'ai envie de faire l'amour avec un homme. C'est la première fois que je me sens maîtresse de mon désir, tandis qu'une pulsation se fait ressentir de plus en plus fortement entre mes cuisses. L'érection de Tadhg, pressée contre moi, n'arrange rien à mon désir.
     Pourtant, il bloque mes hanches lorsque je commence à les balancer d'avant en arrière contre lui, dégage les cheveux de mon visage et frotte son nez contre le mien en souriant.
     — On ne fera pas l'amour aujourd'hui, joli cœur. Tu mérites largement mieux qu'un canapé dans un appartement encore en déménagement, et je veux d'abord que tu apprennes à connaître tes propres envies...
     Je lui demande ce qu'il entend par là, bien que la réponse me semble évidente : il a deviné par lui-même que le mot « orgasme » n'est jamais devenu une sensation réelle chez moi. Juste un mirage, un rêve inatteignable. Damien ne pensait qu'à son plaisir, jamais au mien ; il répétait sans cesse qu'il me quitterait, s'il apprenait que je me touchais toute seule, si bien que la masturbation est devenue totalement tabou pour moi.
     Les lèvres gonflées par nos baisers, ses cheveux encore plus en bataille que d'habitude, Tadhg caresse ma joue et demande doucement :
     — Tu as déjà eu un orgasme, toute seule ?
     Je me mords la lèvre et secoue négativement la tête, soudain terriblement gênée de lui avouer mon manque d'expérience sexuelle – en dehors de ce que m'a fait subir Damien durant des années.
     — Ni toute seule, ni avec un homme, murmuré-je en baissant le regard, la proximité de nos corps me sautant aux yeux, ne faisant qu'accroître mon embarras.
     Il hoche simplement la tête, m'embrasse une nouvelle fois et pose son front contre le mien.
     — Tant que tu n'auras pas appris à te donner du plaisir pour me guider ensuite et me montrer ce que tu aimes, on ne fera rien du tout, joli cœur.
     Si je pensais être déjà trop amoureuse de lui pour le laisser partir un jour, je me rends compte avec ces quelques mots que je peux encore plus tomber pour ses beaux yeux. Il est parfait, et il est à moi maintenant.
     — C'est... Tu trouves pas ça sale ? Fin... bégayé-je tout de même. Je sais pas, c'est... Je suis restée deux ans avec Damien, mais... Hum...
     — Tu n'as pas à être gênée de n'avoir jamais réussi à jouir, mo ghrá. Damien était un abruti, un manipulateur, qui t'as mis dans la tête qu'une relation sexuelle ne servait qu'à satisfaire les hommes ; mais crois-moi, toi aussi tu as le droit d'y prendre ton pied.
     Je m'apprête à répondre, mais il me coupe en continuant :
     — Et avant que tu dises ce que je pense que tu vas dire : oui, les femmes aussi ont le droit de se masturber, Lucile. Et non, ce n'est pas sale. Donc..., fait-il avant de m'embrasser rapidement, avant que tu commences à te préoccuper de mon désir pour toi, commence à apprivoiser ton plaisir à toi.
     Je laisse partir ma tête en avant, contre son épaule. J'ai toujours eu honte d'aborder le sujet de la sexualité avec qui que ce soit, et même avec Tadhg, ça reste une épreuve. Pourtant, j'avoue dans un souffle :
     — Je sais même pas si je suis capable de jouir...
     Je sens son sourire contre ma joue et lui pince le bras, mais il embrasse la naissance de ma nuque et me fait relever le visage, une mine soudain très sérieuse.
     — T'es adorable, joli cœur. J'ai dit que tu devras d'abord apprendre à te donner du plaisir toute seule, j'ai pas dit que j'allais te laisser te débrouiller sans un peu d'aide.
     J'ouvre de grands yeux en sentant mes joues chauffer encore plus, et un petit rire lui échappe :
     — Des textos, des photos... Je peux très bien contribuer à ton plaisir sans t'aider à l'atteindre. Si tu en as envie : je ne t'enverrai rien sans que tu le veuilles, et je ne veux rien en retour, pas de photos.
     Je m'empourpre, peinant à croire qu'il puisse être aussi tendre, aussi doux...
     — Des photos de... De ton...
     Il s'esclaffe franchement cette fois, puis pose ses mains sur mes joues.
     — Pas de mon sexe, non. Sauf si tu le demandes... ajoute-t-il dans un sourire.
     — Arrête de te moquer ! me rembrunis-je, les sourcils froncés.
     Il cache son hilarité dans mon cou, qu'il embrasse doucement avant de descendre sur mon épaule nue.
     — Je t'aime, mo ghrá.
     Cela a le don de me faire craquer, et je laisse échapper un petit rire en repensant à toute l'absurdité de notre discussion.
     — T'es un connard, Tadhg ! Tu te fous de moi depuis vingt minutes ?
     — Non, mon ange : je suis très sérieux. Apprends à te toucher, à te caresser, découvre ce que tu aimes, et envoie-moi un message ou appelle-moi si tu as besoin d'aide. Je me fiche de savoir si tu te masturbe devant une photo de moi ou pas, je veux juste que t'y prennes du plaisir, compris ?
     J'hoche la tête, avant d'oser d'une petite voix :
     — Je crois que ça m'aiderait, d'avoir quelques photos... Mais pas en dessous de la taille, et tu n'auras absolument rien en retour...
     Cette fois, ses lèvres retrouvent les miennes et ses mains se mettent à caresser doucement mes cuisses.
     — Ça me va. Encore une chose : si tu les veux, il faudra les demander.
     — Tadhg ! C'est... Je vais pas te demander ça, ça se fait pas !
     Il mordille ma mâchoire pour exprimer son désaccord, avant de reprendre la parole :
     — Ça se fait, et tu le feras. Je suis ton petit-ami, non ? Et une petite-amie a parfaitement le droit de demander ce genre de photo à son copain.
     — Tu sais que je vais finir par t'enfermer ici si tu continues à dire des trucs comme ça ?
     — C'est bon à savoir...
     Je le fais taire d'un baiser, passe mes bras dans son cou et me laisse tomber contre lui, cherchant mon énergie dans ses bras.
     — Je t'aime, même si t'es un idiot, plaisanté-je.
     — Je t'aime aussi, Lucile. Même si t'es toute gênée en parlant de sexe...

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant