-6 - Tadhg

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Le 05 avril 2023, Yoshino

     De chemins de randonnées en réjouissances devant les cerisiers, la journée se déroule à une vitesse folle. Sakura, fatiguée de devoir marcher, a élu domicile sur mon dos depuis ce midi. Elle a manqué de m'étrangler au moins trois fois, mais juste pour pouvoir l'entendre rire lorsque Lucile vient lui chatouiller la cheville, je peux supporter ça encore des heures.
     — Maman, regarde là-bas !
     Sakura ressert son bras droit autour de mon cou, pour pointer de sa main gauche un temple que l'on voit au loin.
     Le temple Nyoirin-ji se dresse à une centaine de mètres devant nous, avec son architecture typiquement japonaise. Au milieu de toutes les fleurs de cerisiers, l'on se croirait au paradis sur Terre.
     Pourtant, l'endroit est noir de monde en cette période de floraison. Ce qui ne nous empêche pas d'aller profiter de l'environnement, et de mieux respirer ici qu'à Montpellier.
     — On va essayer de retrouver papy et mamie d'abord, et après on regardera si on peut aller à l'intérieur, suggère Lucile.
     Elle me montre ensuite son nouveau fond d'écran, une photo qu'elle vient tout juste de prendre, et je me penche légèrement en avant pour lui voler un baiser. Dans mon dos, Sakura pousse un petit « burk » qui nous fait éclater de rire, puis se dandine pour que je la remette au sol.
     — Est-ce que maintenant que tu es mon papa, maman et toi vous allez vous marier ? La dernière fois, Mia elle a dit que son papa et sa maman ils étaient mariés, demande la petite puce en nous prenant chacun une main.
     Échange de regard entre Lucile et moi, clin d'œil de ma part et petit sourire en coin.
     — Tu veux qu'on se marie, toi ?
     Sakura acquiesce joyeusement avant de tirer sur le tee-shirt de Lucile et d'enlacer ses jambes.
     — Tu vas te marier avec papa, maman ?
     — On verra, chérie. Tu sais, on n'a pas besoin de se marier pour être tes parents, explique Lucile en me prenant la main. Tu as un papa, une maman, et parfois, le papa et la maman ne sont pas mariés.
     Sakura fronce les sourcils avant de hausser les épaules.
     — Donc un jour, peut-être que toi et papa, vous serez mariés ?
     Lucile hoche la tête en m'offrant un sourire, prend sa fille dans les bras et la soulève du sol avant de la couvrir de baisers. Je fais de même, parce que cette petite fille a besoin d'une seule chose en ce moment : d'amour.
     — Ah bah enfin, on vous trouve !
     L'arrivée de Louis et Vanessa coupe court à notre moment. La seconde nous regarde avec un large sourire sur le visage, Sakura se retrouve les pieds au sol à me tenir la main tandis que Louis reste près de moi, laissant sa fille et sa femme prendre quelques pas d'avance.
     — Je n'ai jamais vu ma fille aussi heureuse, Tadhg, m'annonce mon... beau-père ?
     Il pose une main sur mon épaule avant de reprendre :
     — Je sais que les prochains mois vont être durs pour vous deux, mais il faut que tu restes fort pour elle, OK ? Elle va pleurer, elle va culpabiliser, alors qu'on savait que c'était inévitable.
     — Mais pas que ça arriverait si tôt, noté-je en vérifiant que Sakura n'entende pas trop notre conversation.
     Il acquiesce, une moue désolée sur le visage.
     — En tout cas, tu as donné un papa à ma petite-fille, et de la force à ma fille. Quoi qu'il arrive, sa mère et moi te serons toujours reconnaissants pour tout ce que tu as fait pour elles.
     Je pince les lèvres pour éviter de laisser une larme s'échapper.

     Lucile et moi, ça ne fait que sept mois que ça dure. Sept mois, et j'ai adopté sa fille. Sept mois, et je sais déjà qu'elle est l'amour de ma vie, la seule, celle que je veux aimer et chérir jusqu'à mon dernier souffle.
     Ce voyage au Japon, il trottait dans ma tête depuis juin deux-mille-vingt-deux, lorsqu'elle m'en a parlé pour la première fois. Entre nous, il n'y avait encore rien, juste de l'attirance que je pensais non réciproque. Pourtant, j'étais certain de tout faire pour qu'il ait lieu, pour que la mère et la fille puissent profiter de quelques jours loin du CRCM, du CHU. J'ai dû batailler avec les médecins il y a quelques semaines, après l'annonce de la tornade qui allait tout dévaster. Ils étaient plus que réticents à l'idée de laisser partir Sakura, sachant que les rendez-vous médicaux vont être de plus en plus nombreux désormais, mais j'ai réussi à les faire changer d'avis, et à les faire accepter le voyage.
     Lorsqu'on rentrera en France, la réalité s'imposera à nous, et les moments de joie seront écourtés. Alors pour encore quelques jours, la seule chose qui compte, c'est de remplir la tête de Sakura et de Lucile de souvenirs par milliers, de rires, et de moments à trois ou à cinq.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant