Le 14 décembre 2022, Montpellier
>Moi, envoyé à 20h03 : Est-ce qu'on peut parler ?
J'attends sa réponse dix minutes, jusqu'à ce que mon téléphone se mette à vibrer frénétiquement sur la table basse. J'arrête de me ronger les ongles et décroche dans la seconde, retiens mon souffle jusqu'à ce qu'il prenne enfin la parole :
— Sakura est déjà couchée ?
— Oui, elle était crevée de sa journée et il y a école demain, expliqué-je.
Nouveau silence.
— Tadhg...
— Lucile...
Je retiens mon rire lorsque nous parlons en même temps, attends que ça soit lui qui prenne les choses en main.
— Est-ce que tu regrettes de m'avoir laissé une chance ? demande-t-il d'une petite voix que je lui reconnais à peine.
— Non ! Tu... Tu es l'homme le plus merveilleux du monde, Tadhg. Et nous deux, c'est la plus belle chose qu'il me soit arrivé depuis la naissance de Sakura.
Trente secondes de son souffle en guise de réponse.
— Tu as peur de rencontrer les trois mousquetaires ? Parce qu'ils savent déjà tout de toi, Lucile, et qu'ils attendent impatiemment de te rencontrer.
Je cherche mes mots, expire.
— J'essayais juste de te taquiner, je ne voulais pas...
— Je sais, joli cœur, lâche-t-il avec un ton bien moins dur que juste avant. Mais je veux juste être sûr que tu n'as pas l'impression que je te piège, ou quoi que ce soit. Si tu ne veux pas venir, je comprendrai, tu sais.
— Bien sûr que je viens ! Sakura aussi, d'ailleurs. Je suis désolée d'avoir dit que tu jouais au célibataire. Mais... hésité-je avant de poursuivre. On n'a jamais mis de mot sur ce qu'on est, toi et moi. Tout est allé super vite, j'ai eu l'impression de tomber amoureuse de toi en une seconde, et je me retrouve à avoir peur que tu me laisses tomber chaque jour qui passe, avoué-je à demi-mot.
C'est grâce à lui que j'ai compris ma phobie de l'abandon, mais je n'ai aucune envie qu'il se sente obligé de rester pour combler le vide en moi. J'aurais l'impression de gâcher sa vie, de l'emprisonner, parce que la simple idée que ce joli rêve se termine me paralyse tout entière.
— OK, je refuse de faire ça par téléphone. J'arrive dans dix minutes.
Je n'ai pas le temps de protester ou de lui demander une explication que la tonalité annonçant la fin de l'appel retentit déjà, me laissant dans un silence de plomb et terrifiée à l'idée qu'il me quitte ce soir. Quelle autre raison le pousserait à débarquer chez moi à cette heure-ci, si ce n'est celle-là ?Les dix minutes se transforment en quinze. Puis, enfin, mon attente se termine lorsque l'interphone m'annonce son arrivée. Une minute supplémentaire le temps qu'il monte jusqu'à mon étage. Deux secondes avant que je me décide à ouvrir la porte, lorsqu'il commence à frapper derrière.
À peine un millième de seconde avant que ses mains se posent sur mon visage et que ses lèvres percutent les miennes.
— Ça, c'est pour celui que je ne t'ai pas donné tout à l'heure, annonce-t-il avant de m'embrasser à nouveau. Et celui-là, c'est celui que tu mérites chaque jour.
Figée sur place, je le regarde sans savoir ce qui lui passe par la tête à cet instant précis, puis son bras encercle ma taille et il me soulève du sol pour nous faire rentrer, refermant la porte d'un coup de pied.
— Lucile, je t'aime plus que n'importe qui sur cette terre depuis trois ans, j'ai attendu plus de deux ans avant que tu me laisses une chance, et je compte passer le reste de mon existence avec toi. Tu as besoin de mettre un mot sur nous ?
Il laisse passer une très longue seconde, ses doigts jouant avec une mèche de mes cheveux, son autre main toujours sur ma taille, avant de reprendre :
— Éternité. Ça, c'est le mot qui nous convient, sauf si tu décides que mon accent te saoule trop, ou que tes sentiments s'atténuent. Mais là, maintenant, et depuis trois mois et demi, je veux l'éternité à tes côtés.
Mon cœur rate un battement avant de reprendre sa course folle lorsqu'il pose à nouveau sa bouche contre la mienne. Plus tendrement, cette fois.
— Tu es ma plus belle histoire, Lucile. De celle que l'on ne veut jamais finir d'écrire, jamais finir de lire. Je sais que tu seras hantée par des démons invisibles jusqu'à la fin de ta vie, mais sois sûre d'une chose : je ne les laisserai jamais prendre vie, mo ghrá.
Une larme roule sur ma pommette tandis que je garde mes yeux rivés aux siens, pour y découvrir toute la sincérité des paroles qu'il vient de prononcer. Je me hisse sur la pointe des pieds pour embrasser le coin de ses lèvres, recule afin que nos nez se touchent, et demande :
— On est en couple, alors ?
Il explose de rire, et je me dépêche de poser ma main sur sa bouche en lançant un coup d'œil vers la chambre de Sakura. Il ose sortir sa langue pour la passer sur ma paume, je la retire et m'essuie sur sa veste en retenant mon sourire.
— Oui, joli cœur. On est en couple. On est l'éternité.
Je m'accroche à sa nuque lorsqu'il passe ses mains sous mes fesses pour me prendre dans ses bras, le guide à l'aveuglette jusqu'à ma chambre sans me décoller de ses baisers.
Nos vêtements volent aux quatre coins de la pièce, sa langue trace un chemin entre mes seins, autour de mes tétons, sur mon nombril. Je me consume sous ses caresses, je ris sous ses chatouilles, je me liquéfie sous sa tendresse. Puis la réalité se rappelle à moi, et je le repousse légèrement alors que son sexe frotte contre ma cuisse.
— J'ai pas de préservatifs... avoué-je avec une moue désolée.
Il grogne et m'embrasse à nouveau, caresse mon intimité du bout du doigt avant de l'enfoncer en moi.
— Moi non plus. Mais je peux trouver mille et une façons de te faire l'amour sans être réellement en toi... promet-il.Il me prouve qu'il a raison tout au long de la nuit. Avec encore plus de ferveur, encore plus de douceur, encore plus de gémissements étouffés dans l'oreiller.
Enhardie par sa déclaration, je me laisse encore plus aller, je laisse encore plus nos sentiments prendre le dessus, je lui répète que je l'aime, il me répète que c'est réciproque, alors que nos corps tremblent et vibrent ensemble, sur une seule et même mélodie.
Celle qui veut dire « Éternité ».
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Et les mistrals gagnants...
RomanceLucile, vingt-quatre ans, élève seule Sakura, sa fille de quatre ans. Son "joli cerisier", comme elle aime tant l'appeler. Fort, robuste, qui peut traverser toutes les tempêtes. Seulement, parfois, les tempêtes sont trop puissantes pour un si jeune...