Chapitre 73 - Lucile

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Le 14 décembre 2022, Montpellier

     Je me réveille de la même façon que je me suis endormie hier : avec les lèvres de Tadhg qui découvrent mon ventre et le haut de ma poitrine. J'ouvre un œil et pose ma main sur son épaule, puis glousse lorsque je remarque son sourire canaille contre ma peau.
     — Tu veux encore que je te réchauffe comme tout à l'heure ? murmure-t-il tandis que je passe une main dans ses cheveux.
     Je hoche vivement la tête, le laisse tracer une ligne de baisers jusqu'à ma culotte – que j'ai dû enfiler à l'envers tant j'étais crevée après notre petit moment à deux. Il passe ses pouces sur le côté, me l'enlève d'un coup sec et aspire mon clitoris entre ses lèvres, me faisant presque décoller dans la seconde.
     Je retire tout ce que j'ai pu dire à propos du sexe : quand c'est consentie, c'est la meilleure chose au monde.
     Pourtant, nous n'avons pas encore fait l'amour. Mais ça ne saurait tarder...
     — Ton téléphone vibre, grogne Tadhg avant de se remettre à l'ouvrage.
     Je jette un rapide coup d'œil à l'écran, décide d'ignorer ma sœur et baisse le regard sur la tête qui disparaît entre mes cuisses. Mais un autre appel arrive à peine une minute après, suivi d'un troisième, puis d'un quatrième.
     Je repousse à contrecœur le visage de Tadhg et me décide enfin à répondre, tandis que monsieur continue de vouloir faire tout, sauf me laisser parler dans le combiné.
     — Lucile, si tu n'ouvres pas ta putain de porte d'entrée dans les trois minutes qui suivent, j'utilise le double que tu m'as filé ! crie déjà Mathilde à peine ai-je décroché.
     Merde, la journée shopping de Noël ! Ça m'était complètement sortie de la tête.
     Je fais les gros yeux à l'homme qui me torture toujours, le bout de sa langue titillant mon sexe, mais il laisse échapper un rire sans pour autant cesser son supplice – et mon plaisir.
     — Laisse-moi cinq minutes, parviens-je à dire alors que je suis au bord de l'orgasme.
     Je raccroche sans lui laisser le temps de m'engueuler encore plus et appuie sur la tête de Tadhg pour qu'il continue. Mathilde et Grégory peuvent attendre, j'ai d'autres choses à faire...



     Je décolle au septième ciel en deux minutes chrono, manque de m'étaler par terre lorsque j'enfile un jeans tout en essayant de faire passer ma tête dans l'encolure d'un pull, démêle mes cheveux de mes doigts et me précipite vers la porte au moment où Mathilde enfonce la clé dans la serrure. J'ouvre tout en essayant de reprendre mon souffle, me retrouvant face à deux pairs d'yeux qui me scrutent, avant que mon frère me bouscule d'un coup d'épaule pour rentrer dans l'appartement.
     — Ça sent le sexe, note-t-il en balayant la pièce du regard. T'étais en train de t'envoyer en l'air pendant qu'on attendait comme deux cons devant ta porte ?
     Je balbutie des mots inintelligibles, mes joues devenant probablement rouges de honte lorsque Tadhg sort de la chambre, petit sourire aux lèvres, moue satisfaite sur le visage.
     — Bordel, t'as raison Greg ! Notre petite Lulu devient une dépravée à cause du kiné de sa fille ! s'exclame Mathilde en nous pointant tour à tour du doigt, Tadhg et moi.
     — Primo, on ne s'envoyait pas en l'air. Secondo, je te rappelle, chère sœur, que j'ai eu le droit de voir ton mec à poil la dernière fois que je suis venue chez toi, et que tu m'as clairement fait comprendre que je dérangeais. Nous, au moins, on est habillés, m'enfoncé-je encore plus.
     Les trois pouffent, puis Tadhg vient m'embrasser la tempe.
     — Je file au CHU. Bonne journée, annonce-t-il avant de fermer la porte d'entrée derrière lui.
     — Il avait l'air trop heureux pour avoir juste dormi avec toi, souligne Grégory en se laissant tomber sur le canapé. T'es passée à la casserole ? Il t'a fait découvrir la culture irlandaise ? demande-t-il en insistant sur le « cul » de « culture ».
     Je lui offre mon majeur, pince le bras de ma sœur et rejoins la cuisine pour faire couler du café.
     — Ma vie sexuelle ne regarde que moi, me défends-je. Je me fous de savoir si vous deux, vous adorez en parler à tout le monde, mais c'est pas mon cas.
     — Dis-nous au moins s'il est doué ! se renseigne Mathilde. Moi, je t'ai dit que Bastien était le meilleur coup de ma vie, et Grégory s'est vanté de la souplesse de son mec pas plus tard que la semaine dernière. C'est à ton tour, maintenant !
     Je soupire longuement, m'appuie contre le plan de travail et essaie de retenir mon sourire en avouant :
     — On n'a pas réellement couché ensemble, en fait. Mais disons qu'il est déjà très doué de ses mains...
     Je sens la deuxième vague de questions arriver, au moment où la porte de la chambre de Sakura s'ouvre, laissant ma petite fille venir droit vers moi pour que je la prenne dans mes bras. Sauvée par mon cerisier.
     — On n'en a pas fini, Lulu. Je veux TOUT savoir.
     Je roule des yeux face à la remarque de mon frère et, décidée à garder certaines choses pour moi, je préfère concentrer toute mon attention sur ma fille, qui est en plein monologue pour me raconter son rêve.



     À l'approche de Noël, Grégory, Mathilde et moi avons pour habitude de sortir pour faire un tour à la Comédie, ou sur l'Esplanade Charles de Gaulle, où le marché de Noël bat son plein, ainsi que dans les ruelles du centre-ville pour trouver des petites surprises de dernière minute. De mon côté, tous les cadeaux sont déjà emballés et cachés sous mon lit, pour éviter que Sakura ne les trouve et découvre que le Père Noël n'existe pas. Habituellement, on s'arrange pour faire en sorte d'y aller un jour où elle a école, afin de pouvoir parler librement sans avoir peur de faire des gaffes, mais cette année, aucun de nous trois n'a pu se libérer plus tôt, ma petite puce va donc devoir nous accompagner en ce mercredi ensoleillé – mais froid.
     À l'extérieur, les températures ont subitement chuté entre la semaine dernière et aujourd'hui, si bien que Sakura se retrouve emmitouflée sous deux couches de vêtements, sa grosse veste, ses bottes et son écharpe. Bonnet vissé sur la tête, elle traîne des pieds dès que l'on passe devant la vitrine d'une boutique pour admirer les décorations de Noël.
     Dehors, la magie des fêtes a également pris possession des Montpelliérains et des touristes étrangers. Devant l'Opéra Comédie, le sapin géant est déjà installé depuis quelques semaines, illuminant la place chaque soir. Sur les terrasses des cafés, quelques courageux profitent d'un chocolat chaud dont le parfum nous parvient lorsqu'on passe devant eux.
     Si Agde en hiver ressemble étrangement à un village de Noël, Montpellier sait se défendre pour faire perdurer les rêves des plus jeunes.
     De mon côté, je n'espère qu'une seule chose : que Sakura puisse vivre encore une quarantaine d'hiver, pour voir la joie dans ses yeux briller toujours plus fort.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant