Chapitre 51 - Lucile 🌶️

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TW : récit de violences sexuelles

Le 07 septembre 2022, Montpellier

     Un ange passe. Puis mon frère se relève d'un bond, Mathilde écarquille les yeux, et les deux s'exclament en chœur :
     — Damien t'as violée ?
    — Il demande la garde de Sakura ?
    — Pourquoi t'as pas bloqué son numéro ?
    — T'en as parlé aux parents ?
     Je prends ma tête entre mes mains, tire les cheveux à la limite de mon front et me rends compte que j'en ai beaucoup trop dit. Ma famille n'a jamais su l'enfer que me faisait vivre Damien dans l'intimité. Elle n'a jamais su les nuits que j'ai passées à pleurer tandis qu'il me réveillait pour satisfaire ses besoins de plaisir, les heures que j'ai passées sous la douche, me sentant sale d'être traitée comme une poupée gonflable qu'on baisait à sa guise, frottant mon corps entier pour me défaire de la sensation collante de son sperme sur moi.
     Ils m'auraient soutenue, je le sais, mais j'avais tellement honte de m'être faite avoir, de me faire souiller chaque soir en pensant que c'était ça, l'amour...
     — Il... balbutié-je en sentant une larme couler sur ma joue. Il me forçait à faire l'amour, à me mettre dans telle ou telle position, à... Faire d'autres trucs, aussi...
     Je continue et déballe tout : l'emprise qu'il avait sur moi, le chantage affectif, la vidéo dont j'ignorais l'existence, les conséquences de cette nuit cauchemardesque, le cinéma où il s'est offert le titre de « papa »...
     À la fin de mon récit, Mathilde est en larmes, Grégory semble révolté, et moi... Je suis épuisée, probablement aussi soulagée de réussir à déballer tout ça après tant d'années dans le silence.
     — Il a violé ma petite sœur... souffle l'aîné de la fratrie, une main devant la bouche, ses yeux posés sur moi. Il t'a fait du mal, et je t'ai laissée tomber...
     Je repousse ma chaise et vais la prendre dans mes bras, lui demandant pardon d'avoir gardé le secret sur la réalité de notre relation. Je pleure avec elle, puis embrasse sa joue.
     — Ça va aller, sœurette. C'était il y a longtemps, et Tadhg va m'aider dans toutes les démarches. Il n'aura ni Sakura, ni mon bonheur d'avoir continué ma vie.
     Elle hoche la tête et tente un sourire.
     — Et Tadhg, du coup ? change-t-elle de sujet, alors que je remarque du coin de l'œil que notre frère ne semble pas être calmé, assis silencieusement, les poings serrés.
     Je le rassure également, lui promets que je vais bien, que c'est juste un très mauvais moment à passer, et sèche mes larmes avant d'enchaîner sur cette toute nouvelle relation :
     — Il est... Incroyable, avoué-je. Il est revenu alors que je l'ai repoussé, il sait voir les démons qui me tourmentent, il ne force rien... Je... Je l'aime. Je suis vraiment très amoureuse de lui, et j'ai peur, mais en même temps j'ai jamais été aussi heureuse que maintenant...
     Enfin, Grégory semble se calmer et m'offre un fin sourire, puis reprend les mots que je lui ai dits il y a quelques mois, lorsqu'il m'a avoué être gay :
     — Je crois que Cupidon a visé juste, Lucile.
     Je pouffe et acquiesce.
     — Je crois aussi...

     Il est bien plus tard que prévu lorsqu'ils finissent par rentrer chacun de leur côté, après que nos stocks de larmes soient enfin entièrement vidés. On a beaucoup parlé, chacun partageant ce qu'il avait sur le cœur, et on s'est rendu compte d'une chose : malgré tout l'amour que l'on se porte dans la famille, aucun de nous n'avait jamais réussi à dire ce qu'il ressentait et ce qu'il craignait avant ce soir. Mathilde a avoué que son mari était stérile à 55%, d'où leur « choix » de ne pas avoir d'enfant. Grégory nous a confié qu'il avait toujours su qu'il aimait les hommes. Et moi... Moi, j'ai osé dire à ma famille que j'avais peur d'être à nouveau abandonnée.
     J'ai couché Sakura à vingt heures trente, Mathilde et Grégory sont partis à vingt-deux heures, et force est de constater qu'après la journée qui vient de se dérouler, je me sens seule, vide mais légère : plus de secrets, plus de non-dits.

>Moi, envoyé à 22h09 : Ils ont vu la photo, donc je me charge de faire passer les menaces : Mathilde te prévient qu'elle te coupera ton « service trois pièces » si tu me fais du mal physiquement (ou mentalement), Grégory ajoute qu'il te le fera « bouffer tout cru ».
Je leur ai absolument tout dit, de A à Z. Damien, nous... J'ai l'impression qu'on a aspiré mes forces.

>Tadhg, reçu à 22h11 : Je suis fier de toi, joli cœur. Tu peux leur dire que je ne te ferai jamais de mal, qu'ils en ont ma parole et qu'ils peuvent même prendre une goutte de mon sang pour sceller ma promesse.
Tu veux que je passe la nuit avec toi ? Je partirai avant le réveil de Sakura.

>Moi, envoyé à 22h13 : Pas ce soir, désolée. J'ai les yeux explosés, j'arrête pas de renifler parce que mon nez est encore bouché à force d'avoir pleuré, je fais peur à voir.

>Tadhg, reçu à 22h14 : Je suis sûr que tu es magnifique. Bonne nuit, mo ghrá. Je t'aime.

     Je relis ces deux derniers mots, le sourire aux lèvres, et me décide enfin à ouvrir l'application de traduction pour taper ceux en irlandais. Je crois que c'est ce qu'il me dit souvent, mais la prononciation des mots est différente de l'écriture, dans cette langue.
     Je souris de plus belle lorsque les mots s'affichent en français. « Mon amour ».
     Remontant un peu nos messages, je clique sur la photo qu'il m'a envoyé et me rince l'œil une, deux, trois secondes.
     Une douce chaleur se répand dans mon bas-ventre tandis que je mémorise l'emplacement de chaque grain de beauté, la couleur de sa peau, la taille de la cicatrice qui lui barre l'aine du côté droit, probablement un souvenir d'une crise d'appendicite.
     Timidement, je passe une main sur mon ventre, sous la ceinture de mon short de pyjama, pose un doigt sur le tissu de ma culotte.
     C'est sale. C'est mal.
     Je repousse ces pensées, commence à tracer des petits cercles sur le haut de ma vulve, là où se trouve mon clitoris. Toujours en restant au-dessus du tissu, je descends un peu plus mon doigt pour écarter légèrement mes lèvres intimes, sentant une légère moiteur imprégner mon sous-vêtement. Un nouveau coup d'œil à la photo de Tadhg, j'appuie davantage et remonte doucement, puis commence à accélérer le rythme du frottement.
     Ose te toucher, ose te faire du bien sans moi, et je me barre, Lucile !
     Tu as le droit, joli cœur. Touche-toi, caresse-toi, puis montre-moi ce que tu aimes.
     Mon esprit me torture, entre les paroles de Damien et celles de Tadhg. J'essaie de faire prendre le dessus à ces dernières, recentre mon attention sur le torse de celui qui fait battre mon cœur dorénavant, continue de me caresser, décide de passer mon index sous le tissu.
     Je t'aime, mo ghrá. Je ne t'abandonnerai pas.
     Presque pas de poils, exception faite de la fine ligne qui descend sur son bas-ventre, vers le V que je devine facilement en bas de l'écran.
     Je veux juste que t'y prennes du plaisir, d'accord ?
     Je frotte encore plus mon clitoris, commençant à mouiller légèrement mes doigts. Merde, c'est...
     Encore plus vite, puis ralentir le rythme.
     Mo ghrá.
     J'explose. Je crois. Aucune idée.
     Putain.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant