Chapitre 58 - Tadhg

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Le 28 septembre 2022, Montpellier

     À peine une demi-heure plus tard, nous rejoignons à nouveau l'intérieur du tribunal. Je m'installe avec Sakura au dernier rang, lance un regard noir à Damien lorsqu'il passe à côté et me concentre sur le juge.
     — Bien, reprenons... Dans l'affaire qui oppose monsieur Argentier à madame Legrand pour la garde de Sakura Legrand, le juré a voté à l'unanimité que la garde exclusive de Sakura reviendrait à sa mère, madame Lucile Legrand.
     Je vois d'ici la tension disparaître des épaules de Lucile. Elle se tourne brièvement pour nous voir, je lui adresse un grand sourire tandis que Sakura lui fait coucou de la main, ne comprenant pas vraiment pourquoi elle est ici aujourd'hui. Du côté de Damien, quelques protestations se font entendre.
     — Par ailleurs, reprend le juge d'une voix grave afin d'avoir le silence, compte tenu des informations fournies par madame Legrand ainsi que de la plainte pour viol déposée à l'encontre de monsieur Argentier, il a été décidé que ce dernier ne disposerait d'aucun droit de visite, ni d'aucun droit parental sur Sakura Legrand, et qu'il aurait l'interdiction formelle de rentrer en contact avec elle. L'audience est levée.
     Sa plainte a été retenue. Elle pensait le dossier aux oubliettes, mais elle a été entendue. Elle a gagné.
     Damien conteste vivement, tapant à plusieurs reprises son poing sur la table. Il crie à qui veut l'entendre que Lucile est une menteuse, qu'il refuse de laisser tomber, et va même jusqu'à s'approcher d'un pas rapide de mon joli cœur. Il lève la main, probablement pour la gifler, mais un agent de sécurité l'interpelle avant qu'il fasse quoi que ce soit, et je serre les dents avant de me précipiter auprès d'elle. Elle trouve immédiatement une place dans mes bras, ses pleurs venant mouiller mon pull tandis que je dépose mes lèvres sur son crâne, puis sur son front.
     — Tu as gagné, mon ange. Le cerisier reste avec ses racines, murmuré-je dans son oreille, ce qui ne fait que redoubler ses larmes.
     — J'ai gagné...
     Damien se fait sortir de force de la salle tandis que Sakura descend les quelques marches et vient se coller entre nous. Je la soulève dans mes bras lorsqu'elle ose demander :
     — Est-ce que je peux rester avec maman maintenant ? Le monsieur je l'aime pas, je veux pas qu'il soit mon papa.
     Lucile n'arrive pas à formuler un mot, encore chamboulée par toutes ces semaines d'angoisse.
     — Oui, ma puce : tu restes avec maman, réponds-je à sa place.
     Sakura passe un bras autour du cou de Lucile, l'autre toujours autour du mien, et nous offre un grand sourire.
     — Et toi, tu restes avec nous pour toujours ?
     Merde, c'est moi qui vais pleurer maintenant, sa question m'étant entièrement adressée. Je ravale la boule qui se forme dans ma gorge, dépose un baiser sur le front de la petite puce.
     — Pour aussi longtemps que je le pourrai, Sakura.

**

     Après une sortie au restaurant afin de fêter la nouvelle, Lucile a accepté que Sakura passe une nuit chez sa sœur, ce qui nous offre notre première soirée complète tous les deux. Mathilde habite non loin de Montpellier, Lucile ne sera qu'à quelques minutes en voiture si sa fille a un soucis, et moi, je me réjouis de pouvoir enfin hurler au monde que cette jolie maman est à moi.
     — Tadhg, tu m'étouffe ! se plaint-elle alors que je la serre dans mes bras en l'embrassant sur tout le visage.
     — Je t'aime tellement, joli cœur. Tu l'as fait : tu lui a tenu tête, tu n'as rien lâché, et tu as gagné.
     Je la laisse à contrecœur se décoller légèrement de mon étreinte, tout en gardant mes mains sur sa taille. Là, maintenant, aujourd'hui, je peux voir qu'elle est heureuse, bien plus que depuis le début de notre relation. Ce procès, c'est la coupure définitive de tous liens avec Damien, qui va lui permettre d'en créer des solides, avec moi.
     — C'est grâce à toi, koibito. C'est toi qui m'a donné la force de continuer à me battre, tous les jours depuis la première séance de Sakura avec toi, rectifie-t-elle.
     Je fourre mon nez dans son cou, y dépose un nouveau baiser avant de la regarder à nouveau dans les yeux.
     — J'ai une surprise pour toi, annoncé-je avant de la soulever d'un bras et de rejoindre la chambre de mon petit appartement.
     Je l'assieds sur le lit, ignore ses yeux plissés et la sens suivre mes gestes lorsque je me penche pour ouvrir le tiroir de la table de chevet. J'en sors une pochette à élastique que je lui tends, m'assieds à côté d'elle et passe un bras autour de son dos.
     — Ouvre, joli cœur.
     — C'est pas encore un dossier à remplir pour l'hôpital, hein ?
     Je pouffe tandis qu'elle prend son temps, puis elle se tourne subitement vers moi, les yeux grands ouverts :
     — Tu déconnes, là ? demande-t-elle.
     Je secoue négativement la tête alors qu'elle sort cinq billets d'avion ainsi qu'un petit tas de feuilles imprimées. Elle lit attentivement les informations inscrites dessus, manque de tout balancer par terre lorsqu'elle me saute au cou et m'embrasse fougueusement.
     — Ça te plaît ? deviné-je en riant.
     — Tadhg, on va au Japon ! T'es un grand malade.
     Elle vérifie une nouvelle fois qu'elle a bien lu les papiers, les repose, les reprend encore, et finit par laisser échapper un petit cri. J'éclate de rire lorsqu'elle me tape légèrement l'épaule, puis finis par sceller nos lèvres pour la faire taire. C'est de courte durée, parce qu'à peine me suis-je décollé de sa bouche qu'elle manque de me percer les tympans :
     — Comment t'as fait ça ? Et en plus, tu m'as rien dit !
     — Je sais que t'étais totalement contre l'idée, mais... J'ai organisé une cagnotte, avoué-je. Ta sœur est au courant, elle m'a aidé à tout mettre en ligne, et en deux semaines, on avait récolté assez d'argent pour t'organiser ce voyage.
     J'ai peur qu'elle m'étripe en apprenant ça, pourtant elle se mord la lèvre et se rejette sur moi.
     — Vous êtes vraiment fous, tous les deux... Mais je t'aime, Tadhg. Merci mille fois.

     Cinq minutes après, elle finit par reprendre conscience de la réalité et sa main, qui caressait jusque là mon torse au-dessus du tissu, s'arrête net.
     — Pourquoi cinq billets ? se rend-elle compte enfin.
    — Trois pour nous, et deux pour tes parents, joli cœur. Ils garderont Sakura lorsqu'on ira retrouver tes racines.
     Son sourire s'estompe et ses yeux se remplissent de larmes. Merde, j'ai dit une connerie ?
     — Elle passera son anniversaire au milieu des cerisiers en fleurs... remarque-t-elle. Et tu m'offres l'occasion de trouver mes origines. Toi, t'as intérêt de ne jamais partir de ma vie, je te préviens !
     — C'était pas prévu, mon ange. Je compte te garder ici et t'embrasser aussi longtemps que durera ma vie, la rassuré-je.
     Pour accentuer mes propos, je mêle ma langue à la sienne tout en remontant légèrement le tee-shirt qu'elle a enfilé en arrivant chez moi. Il m'appartient, mais juste pour le plaisir de voir ses cuisses à peine recouvertes, je serais prêt à brûler tous ses pyjamas aux motifs ridicules.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant