Chapitre 60 - Lucile

25 3 0
                                    

Le 01 octobre 2022, Montpellier

     Je suis sur un nuage. Un paradis terrestre.
     Damien n'a pas eu Sakura. Le cerisier ne sera pas déterré. Tadhg m'aime plus que je ne l'ai jamais été.
     Il nous amène au Japon pour les cinq ans de ma fille. Elle va voir les cerisiers en fleurs, je vais découvrir d'où je viens.

     Les deux êtres que j'aime le plus au monde sont installés dans le canapé, devant Raiponce, tandis que je prépare des crêpes dans la cuisine. Sakura connaît toutes les paroles des chansons par cœur, Tadhg triche en les regardant sur son téléphone, et leurs rires me parviennent telle une douce mélodie alors que la pluie s'abat contre les vitres de l'appartement.
     — Maman, viens vite, c'est les lanternes ! crie Sakura alors que je l'entends déjà très bien.
     Je les rejoins en riant, m'installe sur l'accoudoir du canapé et commence à chanter Je veux y croire, dont les paroles prennent une nouvelle résonance en moi maintenant.

Tout ce temps, cachée dans mes pensées
Tout ce temps sans jamais y croire
Tant d'années si loin de ce monde
Et de la vérité.

     Lorsque le tout dernier vers de la chanson se termine, Tadhg me fait basculer et je me retrouve la tête sur ses cuisses juste avant qu'il m'embrasse tendrement, Sakura sautillant sur le canapé.
     — Et toi, joli cœur, tu veux croire en nous ? demande-t-il tout en me regardant.
     — Je veux croire en nous trois. Je veux croire en toi, en moi, et en Sakura, annoncé-je sûre de moi.
     D'ailleurs, ma petite puce n'attend pas que je sois levée avant d'aller se blottir contre Tadhg, emmitouflée dans un plaid.
     — C'est trop bien, que maman et toi vous êtes amoureux, chuchote-t-elle sans détacher son regard de l'écran. Ça veut dire qu'elle sera plus jamais triste.
     Mon cœur de maman se serre. J'ai toujours tout fait pour protéger Sakura des problèmes d'adultes qui l'entourent. Pourtant, du haut de ses quatre ans et demi, elle a vu la douleur cachée derrière mes sourires.
     Une boule se forme dans ma gorge tandis que je me penche pour la serrer dans mes bras puis dépose un baiser dans ses cheveux.
     — Je suis déjà très heureuse, chérie. Tu es la petite fille la plus formidable de la planète, assuré-je tandis que Tadhg m'adresse un clin d'œil.
     — Je t'aime fort fort fort, maman. Je veux jamais partir loin de toi.
     Pourtant, ma puce, c'est ce qu'il va arriver dans les prochaines années. Tu vas devenir adolescente, tombée amoureuse, m'envoyer balader lorsque je voudrai te faire un câlin, puis grandir et quitter le nid.
     — Moi non plus, mon cœur. Je ne partirai jamais.
     Je reste avec eux encore quelques minutes avant d'aller finir la préparation des crêpes, Tadhg me rejoignant juste après. Il passe un bras autour de ma taille et m'embrasse la nuque, puis pose son menton sur mon épaule.
     — Merci, Lucile.
     Je fronce une seconde les sourcils avant de demander :
     — Merci pour quoi ?
     — De m'avoir offert une famille. Je sais que c'est récent entre nous, mais tu peux être sûre que je serai toujours là pour toi et pour Sakura. Je vous aime, toutes les deux.
     Je me retourne pour lui faire face, embrasse le haut de son torse par-dessus son pull et passe mes mains dans son dos pour me coller contre lui. Il n'imagine pas à quel point j'avais besoin d'entendre ça : qu'il accepte ma fille, qu'il l'aime, qu'il ait vu mes démons et soit capable de les faire taire.
     — Nous aussi, on t'aime. Je crois même que Sakura t'aime plus que moi, parfois.
     Sur la pointe des pieds, je dépose un baiser sur sa mâchoire, puis sur ses lèvres. Il est réellement le premier homme pour lequel je serai prête à tout, le premier qui me demande mon avis pour chaque sujet.
     — Ça, c'est pas possible, joli cœur. Tu es sa maman, tu es celle qui lui a donné la vie, elle n'aimera jamais quelqu'un plus qu'elle ne t'aime toi.
     Un ange passe, jusqu'à ce qu'une odeur de brûlé parvienne à mes narines.
     — Merde, mes crêpes ! m'agacé-je en me dégageant de son étreinte, avant de retourner les deux crêpes qui sont beaucoup plus cuites que prévu.
     Il se moque en en piquant une sur l'assiette tandis que je lui frappe le bras.
     — Va-t'en de là, tu me distrais !
     Un dernier baiser et il retourne dans le salon, toujours en riant. Je ne me suis jamais sentie si légère. Pour la première fois en cinq ans, je me sens femme avant d'être mère, j'ai enfin le sentiment d'avoir vingt-cinq ans et la vie devant moi, de ne plus être écrasée sous le poids des responsabilités. Et tout ça, c'est grâce à lui. C'est grâce à ses mots, à ses encouragements, à ses baisers, à son amour.
     Mes racines en ont enfin trouvé d'autres pour se renforcer et pour maintenir le cerisier debout face au mistral.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant