Chapitre 61 - Tadhg

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Le 31 octobre 2022, Montpellier

     — Haaan, t'es pas déguisé pour la fête des sorcières ?!
     J'ai à peine eu le temps d'ouvrir la porte avant que Sakura vienne vers moi en courant, une mine choquée sur son visage.
     J'éclate de rire et me baisse à sa hauteur, laissant Lucile nous rejoindre. Son visage n'a jamais été aussi lumineux que ce dernier mois écoulé. Elle n'a jamais été aussi belle.
     — Mais oui dis-donc, t'as raison ! J'ai oublié ! confessé-je en retenant mon rire. Tu me prêtes ta baguette magique ?
     — Non. Aujourd'hui j'en ai besoin pour tousser encore plus de poussière de fée, comme ça je serai plus obligée de venir la tousser ici !
     Mon rire s'efface légèrement tandis que je replace une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Elle n'a pas besoin d'entendre la vérité si tôt : la poussière de fée, elle va devoir venir la tousser ici jusqu'à la fin de sa vie, malheureusement.
     Je me redresse et lui fais signe d'entrer dans la pièce, puis retiens Lucile par le bras pour l'embrasser rapidement.
     — Salut, toi. T'as passé une bonne soirée ?
     Ses joues rosissent dans la seconde alors qu'elle me donne une pichenette sur le bras. Hier soir, elle a osé me demander une photo sous la taille, si bien que je me suis mis à bander avant de lui envoyer. C'est donc mon érection légèrement cachée par mon boxer qu'elle a pu regarder sur son écran, et à voir sa petite mine à la fois coupable et satisfaite, je sais qu'elle en a profité.
     — Ça, je te le dirai quand on sera juste tous les deux, obsédé, pouffe-t-elle tout en s'asseyant sur sa chaise habituelle. Sakura, chérie, tu veux montrer à Tadhg le dessin que tu as fait ce matin ?
     Changement de sujet. Elle est gênée, ce qui ne la rend pas moins adorable. Fuck, je tombe encore plus amoureux chaque jour.
     La petite puce farfouille dans le sac à main de sa mère pour en extirper une feuille soigneusement pliée en deux, qu'elle me tend.
     — C'est pour l'anniversaire de papy ! Regarde, j'ai dessiné papy, mamie, ça c'est tata, là c'est tonton, après y'a maman et toi, et là, c'est moi. Comme ça, il y a toute la famille !
     Toute la famille. Moi y compris. Ma gorge se serre, mes yeux s'humidifient légèrement, et je reste une longue seconde à ravaler ce trop-plein de bonheur avant de la féliciter.
     — Il est très beau, petite fée. Ça va lui faire très plaisir.
     — Maman elle a dit que tu venais avec nous après, c'est vrai ? demande-t-elle en prenant place sur le ballon de gymnastique où elle fait ses exercices de respiration.
     J'hoche la tête en guise de réponse, m'installe derrière elle et attends qu'elle se calme avant de commencer un drainage bronchique.
     — D'ailleurs, on part juste après ta séance, mademoiselle, mentionne Lucile. Tadhg a installé un super siège auto dans sa voiture rien que pour toi !
     La voiture de Lucile est au garage depuis la semaine dernière, suite à un accrochage avec un débile qui ne sait pas reculer en regardant ses rétros. Les réparations vont lui coûter un bras, d'autant plus que son enfoiré de patron a décidé de la licencier sans aucune raison, si bien que j'ai insisté pour payer une partie des frais. Après une demi-heure de chantage, j'ai obtenu gain de cause, mais le garagiste n'a pas l'air pressé de s'en occuper.

**

     Je jette un œil dans le rétroviseur et constate que Sakura s'est endormie. La séance l'a épuisée, et les cinquante minutes de route que nous venons de faire ont fini par la faire tomber dans les bras de Morphée.
     J'en profite pour prendre la main de Lucile, faisant reposer mon poignet sur sa cuisse. La radio en fond sonore laisse entendre la nouvelle chanson de Louane, Secret, qu'elle chantonne doucement en regardant par la vitre.
     — Alors, hier soir ? demandé-je, coupant court à ses rêveries.
     Elle tourne lentement son visage vers moi et m'offre un sourire timide, avant d'avouer :
     — J'ai réussi. Vraiment réussi. Donc on va pouvoir passer à la vitesse supérieure, toi et moi.
     Je soulève nos doigts entrelacés pour embrasser la paume de sa main, qu'elle pose sur ma joue une seconde. Ne bande pas maintenant, abruti, sa fille est derrière !
     — Passer à la vitesse supérieure ? la taquiné-je en arquant un sourcil. C'est-à-dire, joli cœur ?
     Je l'aperçois lever les yeux au ciel avant de reporter mon attention sur la route. Une fine pluie s'abat depuis que nous sommes partis, et j'ai déjà réduit légèrement ma vitesse en prévision des remontées de gasoil et d'essence.
     — Disons... Un câlin un peu moins habillé ? éclaircie-t-elle en chuchotant. Je crois que je sais ce que j'aime, maintenant.
     — Ah oui ?
     Elle acquiesce, joue avec mes doigts posés sur son genou et baisse la tête.
     — Je t'aime toi. Et j'aime ton corps, apparemment...
     Je retiens mon rire en lui répondant :
     — Pourtant, la meilleure partie est restée cachée...
     Elle pouffe, relâche ma main et remonte ses cheveux en chignon difforme sur le haut de son crâne.
     — Ça, c'est à moi d'en juger, monsieur Gallagher ! note-t-elle au moment où un petit bâillement se fait entendre à l'arrière.
     — On est encore loin ? J'ai faim, annonce Sakura en se réveillant, mettant un point final à notre discussion.
     — Encore quinze minutes, chérie.
     La petite ronchonne jusqu'à ce que je me gare dans l'allée de la maison des parents de Lucile. J'ai l'impression de m'incruster, pourtant dès lors que ma jolie petite-amie me prend la main pour rejoindre ses parents qui attendent sur le perron, tous mes doutes s'évaporent.
     — Bienvenu chez les Legrand ! m'accueille Vanessa.
     Je lui tends une main, mais elle me prend de court en m'enlaçant brièvement.
     — Pas de formalité, Tadhg : tu rends ma fille heureuse, tu fais partie de la famille ! Aller, entrez vite avant d'être trempés !
     Sakura est déjà perchée sur le dos de son grand-père, que je salue d'un signe de tête. Je suis Lucile jusque dans la pièce à vivre, qui réunit le coin salon, salle à manger et cuisine. Mathilde et son mari sont déjà là, tout comme Grégory et son petit-ami. Le frère et la sœur m'offrent un large sourire, jusqu'à ce que l'aînée réduise la distance entre nous et croise les bras devant elle :
     — Tu lui brises le cœur, je te brise les couilles. Compris ?
     — Mathilde, ne commence pas ! la prévient Lucile. J'ai vingt-cinq ans, je suis assez grande pour prendre soin de moi.
     Sa sœur plisse les yeux avant de tourner les talons tandis que Sakura se met à courir après le chat dans toute la pièce. La télévision est allumée sur la chaîne de radio, si bien que la musique résonne dans le salon au milieu du brouhaha de ses habitants. La demeure des Legrand est vivante, joyeuse, pleine de rire ; tout le contraire de ce que j'ai toujours connu.
     Après avoir aidé sa mère à déballer l'apéritif, Lucile me rejoint et se loge contre mon torse avant de lever la tête pour me regarder :
     — Si tu n'es pas devenu aussi fou que ma famille d'ici trois heures maximum, tu auras tout mon respect, m'avertit-elle avant de m'embrasser brièvement.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant