Le 28 mai 2023, Gignac
Aujourd'hui, mon meilleur pote se marie. Bon sang, si on m'avait dit il y a quatre ans, lorsque je l'ai rencontré, que Camille se ferait mettre la corde au cou et attendrait un enfant avec la fille qui l'avait rendu fou ce jour-là, je ne l'aurais jamais cru...
Pourtant, j'en prends conscience lorsque je finis de nouer ma cravate et rejoins Lucile et Sakura dans le salon. La mère a revêtu une robe longue bleu pastel, des escarpins qui lui font gagner quelques centimètres et a remonté ses cheveux en chignon flou, tandis que la fille est habillée d'une petite robe jaune pastel avec un petit gilet de la même couleur, mais un peu plus foncé.
— Wow, mesdemoiselles ! Vous êtes magnifiques !
Lucile fait tourner Sakura sur elle-même, j'applaudis avant de les prendre dans mes bras. Un baiser sur la joue de Sakura, un sur le front de Lucile, une photo souvenir, et nous voilà partis pour une ville en périphérie de Montpellier afin de célébrer l'union de Camille et Julie.Les lieux sont déjà bien remplis lorsque nous arrivons à destination. Devant la mairie, les invités se pressent, Marc – désigné comme témoin – les guide à leur place à l'intérieur, puis nous remarque et nous rejoint à grands pas.
— Les Legrand-Gallagher ! Vous devriez être là depuis une bonne vingtaine de minutes, je peux savoir pourquoi tant de retard ?
Un échange de regard entre Lucile et moi, les souvenirs de notre réveil orgasmique, et une légère teinte rouge sur les joues de celle qui a tout initié.
— Le réveil n'a pas sonné, mens-je en sachant très bien que Marc n'est pas dupe.
— Mouais, je me contenterai de ça. Deuxième rangée, place près de l'allée. Et mademoiselle Sakura sera chargée de lancer les pétales de fleurs à la fin de la cérémonie, nous apprend-il.
La petite puce se met à sautiller sur place, salue timidement Elliot, le fils d'Olivier et Sabrina, tout en gardant sa main dans celle de sa mère.
La mairie n'a pas été beaucoup décorée pour l'occasion : seules quelques fleurs sont accrochées derrière les sièges, et un pauvre tapis qui devait jadis être blanc a été déroulé de l'entrée de la salle jusqu'au fond, là où les mariés sont attendus. Je salue quelques connaissances, présente Lucile à plusieurs d'entre elles, me fait pincer le bras lorsque je présente Sakura comme étant « sa fille » et elle me reprend à chaque fois.
— Notre fille, Tadhg, se marre-t-elle lorsque je me trompe une énième fois.
— J'ai encore du mal à y croire, avoué-je enfin tandis que nous nous asseyons pour de bon, cette fois. Notre fille, ça sonne bien, pourtant...
Elle pose sa tête contre mon épaule, à peine quelques secondes, mais suffisantes pour que je ressente ce qu'elle en pense. Oui, ça sonne bien.— Au nom de la loi, je vous déclare unis par le mariage ! Vous pouvez embrasser la mariée.
La salle se lève et applaudit tandis que Marc, en parfait témoin, vient kidnapper les enfants pour les amener dehors. Sakura est la plus jolie d'entre eux, avec ses petites tresses collées sur son crâne. Ma fille.
Julie se tourne légèrement de face pour nous faire rire, son ventre arrondi l'empêchant – selon ses dires – de pouvoir embrasser correctement son mari. Camille lui sourit tendrement en posant sa main sur le devant de sa robe tout en lui offrant un baiser digne des films à l'eau de rose, et les invités quittent la mairie pour attendre les jeunes mariés à l'extérieur.
— Il va falloir qu'on en parle, toi et moi... chuchoté-je dans l'oreille de Lucile en faisant mine de lui embrasser la tempe.
Elle garde son sourire en se tournant vers moi, et demande :
— Parler de quoi, monsieur Gallagher ?
— De toi, qui deviens madame Legrand-Gallagher...
Je lui pince discrètement la fesse, elle me frappe la main et se concentre sur la petite puce en face de nous, avec son panier rempli de pétales de fleurs entre les mains.
— J'attends une demande officielle, annonce-t-elle finalement. Et peut-être que je te dirai oui...
J'ai juste à la regarder dans les yeux pour être certain qu'elle dira oui. Oui à nous deux, oui à une vraie famille tous les trois, oui à l'éternité avec moi.
Oui, à la vie qui continue même si elle risque de s'arrêter dans quelques temps.— Tadhg ! Merde alors, si on m'avait dit quand je t'ai annoncé mes fiançailles que tu viendrais à mon mariage accompagné de ta femme et ta fille, j'aurais fait une crise cardiaque à force de rire ! s'exclame Camille lorsque nous arrivons à la salle des fêtes louée pour l'occasion.
— Moi aussi, mon pote, avoué-je en jetant un œil derrière son épaule, pour regarder Lucile qui parle avec Julie et Sabrina.
Une accolade amicale, quelques paroles supplémentaires, et la piste de danse se dégage pour laisser à chacun l'occasion de s'installer à table.
Les enfants sont réunis tous ensemble, et Lucile ne cesse de regarder sa fille avec les yeux qui pétillent.
— Ça va être l'heure de sa séance d'aérosol, annonce-t-elle en voyant que je la fixe. Je n'ai pas envie d'aller l'enlever de là-bas, elle a l'air si... Normale.
Je prends le sac posé à ses pieds, me lève et embrasse ses cheveux, avant de lui annoncer que je me charge de tout ça. Pour une fois, elle a le droit de souffler, de me laisser faire, et de passer une soirée sans penser à ses obligations de maman.
— Merci, koibito, dit-elle en se tordant le cou pour me regarder.
— Tu me remercieras mieux que ça, joli cœur.
Elle rougit – comme toujours – tandis que je lui lance un clin d'œil en partant vers la table des enfants. Sakura me repère, se lève de sa chaise dans la seconde et encercle ma taille de ses bras.
— On pourra danser, après ?
— Oui, ma puce. Mais avant, on va aller ramollir la poudre de fée et tousser un peu, tu viens ?
Elle acquiesce sans protester, direction les toilettes. Il n'est que dix-huit heures trente, sa dernière séance était il y a trois heures, juste avant que l'on parte, pourtant ses bronches sont déjà bien prises. J'en profite pour lui faire faire quelques exercices de respiration et vérifier les sécrétions qu'elle tousse.
Épaisses. Alors que ça devrait être le contraire, maintenant qu'elle a fini. Alors que c'était encore le cas la semaine dernière.
Le miracle n'arrivera pas. Sauf en cas de greffe.
Autrement, les médecins avaient raison : la vie de Sakura sera bien plus courte que prévu.
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Et les mistrals gagnants...
RomanceLucile, vingt-quatre ans, élève seule Sakura, sa fille de quatre ans. Son "joli cerisier", comme elle aime tant l'appeler. Fort, robuste, qui peut traverser toutes les tempêtes. Seulement, parfois, les tempêtes sont trop puissantes pour un si jeune...