Chapitre 76 - Tadhg

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Le 17 décembre 2022, Montpellier

     — Maman, je peux pas plutôt faire un gâteau avec Tadhg ?
     Légèrement surpris, je me tourne vers Sakura et Lucile, qui étaient jusque là en pleine préparation de pizzas pour le dîner de ce soir. Celui qui amorce la rencontre entre mes amis et ma famille.
     Ma famille. Lucile et Sakura.
     — Donc je vais devoir me débrouiller et préparer dix pizzas toute seule ? ronchonne Lucile avec un sourire aux lèvres.
     Sa fille acquiesce vivement, descend de la chaise sur laquelle je l'avais installée pour qu'elle soit à la hauteur du plan de travail et me rejoint en quelques pas. Je la soulève du sol pour l'asseoir sur le plan de travail, fais un petit détour pour déposer un baiser sur la joue de Lucile avant d'aller fouiller dans le frigo, et repasse à côté d'elle en lui glissant :
     — Je t'aide à terminer dès que le gâteau est au four, joli cœur.
     — T'as plutôt intérêt, koibito, prévient-elle sans se départir de son sourire.
     En fond sonore, la playlist qu'elle a lancée se mêle à nos conversations. Sakura balance ses pieds d'avant en arrière, tapant dans les meubles à chaque fois, et m'offre un sourire adorable lorsqu'elle me voit revenir avec une boîte d'œufs et un sachet de farine.
     — Alors, mademoiselle... Un gâteau au chocolat ? demandé-je en lui tapotant le bout du nez.
     — Est-ce qu'on peut aussi mettre des oisettes dedans ?
     Je fronce les sourcils une seconde, pas certain de comprendre ce qu'elle veut dire, jusqu'à ce que Lucile éclaire ma lanterne :
     — Des noisettes, chérie.
     — Rooh, c'est pa-reil ! se défend la mini-puce en roulant des yeux.
     Je retiens mon rire face à son petit caractère qui s'affirme de plus en plus, termine de sortir tous les ingrédients dont nous allons avoir besoin et les place à côté d'elle avant de sortir un tablier que je n'utilise jamais – le cliché des hommes vivant seuls et qui ne prennent pas la peine de cuisiner.



     Je viens de passer le meilleur moment de mon existence. Qui aurait cru que préparer un gâteau avec une petite fille qui n'est pas la mienne, tandis que sa maman nous observe en souriant, serait si plaisant ?
     — Maman, Tadhg il m'a mis du chocolat sur la joue ! rapporte Sakura, toujours installée sur le plan de travail, une petite moue boudeuse sur le visage.
     Lucile, qui pétrissait jusqu'ici la pâte à pizza, lâche tout et vient poser ses mains pleines de farine sur mon tee-shirt, la bouche grande ouverte et les yeux plissés.
     — Tu oses gâcher du chocolat sans me laisser le goûter ? s'indigne-t-elle, pince-sans-rire.
     — Oh, tu en veux aussi ?
     Je me dépêche de plonger mon doigt dans le bol de chocolat fondu avant d'en étaler une couche sur le nez de Lucile, le rire de Sakura s'élevant dans la pièce.
     Puis la petite fée décide elle aussi de prendre part à nos chamailleries, me peignant le front avec le reste du beurre fondu.
     — Dis-donc, mademoiselle, je croyais qu'on était alliés ! m'offusqué-je en lui pinçant légèrement les côtes, faisant redoubler ses éclats de rire.
     Lucile en profite pour remettre de la farine sur ses mains, qu'elle vient coller sur mes joues. Son sourire, à cet instant précis, est le plus merveilleux du monde.
     — Sakura, tu m'aides à montrer à Tadhg de quoi les filles Legrand sont capables ? demande-t-elle alors que ses mains s'emparent de mes poignets, qu'elle bloque derrière mon dos.
     — On peut jouer avec la nourriture, maintenant ? s'extasie sa fille.
     Lucile acquiesce, laissant tout le loisir à la puce de racler les bords du bol pour m'étaler le chocolat sur le visage. Je me laisse faire une seconde, puis profite d'un moment de relâchement sur mes poignets pour me défaire de la poigne de Lucile et plonger mes mains dans le paquet de farine. Devinant ce que je m'apprête à faire, elle recule de quelques pas en levant les mains devant elle.
     — Tadhg... Tu vas nous faire prendre du retard...
     — Oooh, tu crois ?
     Je fais signe à Sakura de ne pas bouger, m'avance vers Lucile à mesure qu'elle recule, puis elle tourne les talons et s'élance en direction du salon, son rire, tout comme celui de sa fille, résonnant dans la pièce.
     Je la rattrape en deux secondes, passant mes bras autour de sa taille pour la ramener contre mon torse, et la soulève du sol avant de tourner sur moi-même.
     — Lâche-moi ! s'exclame-elle alors que je resserre ma prise sur son ventre.
     Je l'ignore, enfouis mon visage dans son cou et étale le chocolat sur sa peau, ses cheveux testant un nouveau shampoing au passage.
     — Jamais ! Tu as déclaré la guerre, je compte la gagner... préviens-je avant de la ramener dans la cuisine, puis de la déposer sur le sol devant sa fille. Ma puce, tu veux bien dire à maman que le chocolat est excellent pour les cellules de la peau ?
     — Le chocolat est écrélent pour les cellules de la peau ! répète Sakura en tirant la langue à sa mère.
     — Et moi, je connais une petite fée qui ne va pas avoir le droit de manger du gâteau...
     — Haaan ! C'est pas juste !
     Je retiens mon rire en libérant Lucile, qui ne perd pas une seconde avant d'emprisonner Sakura dans ses bras et de la dévorer de bisous.
     — Maman, tu m'étouffes ! se plaint la fillette tandis que je sors un torchon propre pour commencer à ranger notre bazar.
     Lucile la soulève du plan de travail et dégage les cheveux de son visage, puis m'offre un sourire en coin :
     — Nous, on va aller se doucher et se changer ! Tu finis ?
     Je hoche la tête, lui lance un clin d'œil enjôleur et les regarde entrer dans ma salle de bains, une seule idée trottant dans ma tête : elles ont l'air chez elles, ici. À la maison.



     Trois heures plus tard, la cuisine est lavée de tout le chocolat et de toute la farine que nous avons gaspillés, tout le monde est douché, et la table est mise pour accueillir mes amis.
     Lucile ne cesse de vérifier si les pizzas que nous avons préparées correspondent à ce que chacun a demandé – histoire que tout le monde y trouve son bonheur –, et n'arrête pas de me demander si elle doit sortir l'apéro maintenant ou après, si elle a réussi à enlever tout le chocolat de ses cheveux, si...
     Bref.
     — Ils vont t'adorer, joli cœur, la rassuré-je en déposant un baiser sur ses lèvres. Je suis sûr que vous allez bien vous entendre. Et Julie et Sabrina ont hâte de faire rentrer un nouveau membre dans leur secte !
     Elle pouffe nerveusement et va aider Sakura à enfiler son collant, la demoiselle ayant décidé au dernier moment de changer de tenue.
     — Tadhg, c'est vrai que je vais dormir dans ton lit ce soir ? Maman elle a dit qu'on rentrait pas à la maison.
     J'arque un sourcil en terminant de ranger la vaisselle, me retourne et prends appuie sur le plan de travail.
     — Oui, ma puce. Maman dormira avec toi, d'accord ?
     Sakura acquiesce avant de s'installer dans le salon, une boîte de crayons de couleur vidée sur le tapis.
     Ça, c'est ce que je veux tous les jours. Sakura, Lucile, et moi.
     Pour l'éternité.

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant