Chapitre 71 - Lucile

25 4 0
                                    

Le 13 décembre 2022, Montpellier

     C'est son anniversaire, aujourd'hui. Il fête ses vingt-huit ans. Pour l'occasion, j'ai contacté ses parents, qui doivent repartir juste avant les fêtes, et j'ai organisé une petite soirée surprise pour lui. Pour qu'ils puissent parler, tous les trois, quitte à m'effacer et les laisser seuls.
     — Sakura, arrête de manger tous les muffins ! grondé-je, bien que voir ma fille sourire jusqu'aux oreilles, de la chantilly plein la bouche, me fait fondre.
     — Est-ce que je peux aller faire un dessin pour lui, alors ?
     J'acquiesce et la fais descendre du plan de travail sur lequel elle était assise, puis me dépêche de terminer la décoration des petits gâteaux que j'ai passé l'après-midi à préparer. J'ai donné mon adresse à monsieur et madame Gallagher pour éviter de demander la clé de son appartement à Tadhg, j'ai passé la journée à courir partout pour décorer, faire les courses manquantes et récupérer Sakura à l'école à l'heure, et j'ai même oublié de répondre à Tadhg, qui m'a envoyé un message ce midi pour me demander ce que j'avais en tête comme cadeau. Surprise ! Tes parents viennent dîner chez moi, et tu ne pourras pas te défiler, cette fois !
     Mouais. Pas sûre qu'il soit ravi, mais soit : ils doivent parler, et il m'a promis de ne plus rien cacher de ce qu'il ressentait.

>Tadhg, reçu à 18h23 : Je sors du CHU, j'arrive dans cinq minutes. T'as intérêt à m'attendre, pas trop habillée, dans ton lit, parce que je compte bien te prendre toi comme cadeau d'anniversaire...

>Moi, envoyé à 18h24 : Sakura est là, je te signale, gros malin ! Et j'ai une surprise un peu moins... Cool ? Mais promis, quand ma petite bavarde sera endormie, tu pourras m'enlever tous mes vêtements et m'offrir la même chose que samedi matin...

     Il ne répond pas, mais débarque à ma porte pile cinq minutes plus tard. Je l'embrasse rapidement puis le laisse entrer, Sakura accourt pour lui faire un câlin et lui souhaiter un bon anniversaire, avant de retourner dans sa chambre et d'en fermer la porte.
     — Ne me dis pas que mes parents vont débarquer ici, Lucile... remarque-t-il lorsqu'il voit les cinq couverts dressés dans la salle à manger.
     Je lui offre une petite moue désolée avant de retourner derrière les fourneaux, sentant ses mains se poser sur mon ventre à peine ai-je commencé à laver la salade.
     — Si c'est ça, ta surprise, tu n'auras pas la même chose que samedi matin.
     Je soupire et me retourne face à lui, caresse son torse par-dessus la chemise qu'il porte et baisse le regard en répondant d'une petite voix :
     — C'est ton anniversaire, ils seront là, et tu n'as pas intérêt à faire la tête toute la soirée. Si tu ressens le besoin de leur parler ce soir, Sakura et moi irons dans la chambre, et vous aurez tout le loisir de discuter et de mettre les choses à plat.
     Il s'apprête à répliquer quelque chose, mais je pose un doigt sur sa bouche et reprends :
     — Je t'aime, Tadhg. Je t'aime, et j'ai envie que tu renoues avec eux. Ils n'ont pas été les meilleurs parents du monde, mais eux comme toi méritez de pouvoir reprendre à zéro.
     Il se déride un peu, resserre ma taille entre ses doigts et m'embrasse le front.
     — J'aurai le droit de les mettre à la porte, s'ils commencent à me comparer avec Ciaran alors que j'essaie d'arranger les choses ?
     Je hoche la tête, aperçois Sakura derrière son épaule qui marche d'un pas rapide vers nous et me détache de lui rapidement. Même si elle sait que son kiné et sa maman sont amoureux, on évite autant que possible les marques d'affection en sa présence.
     — Maman elle a dit que ce soir, ton papa et ta maman, ils vont venir manger avec nous. Est-ce que je dois leur faire un dessin, aussi ? demande-t-elle en lui tendant celui qu'elle vient de terminer.
     Tadhg la hisse sur sa hanche, lui embrasse rapidement la joue et regarde la feuille qu'il tient dans ses mains.
     — Pas si tu n'en a pas envie, petite fée. Alors, voyons tes talents d'artiste...
     Elle rigole dans ses bras avant de lui expliquer son dessin : un cœur, trèèèès gros comme le sien, et deux personnages à l'intérieur.
     — C'est maman et toi, explique Sakura. Parce que j'aime maman fort fort fort, et toi aussi, je t'aime fort fort fort.
     Mes yeux s'embuent alors que je me retourne pour cacher mes émotions, commençant à laver les carottes, cette fois.
     — Moi aussi, je t'aime fort fort fort, ma puce, avoue Tadhg derrière mon dos.
     Je balaie une larme rebelle de ma joue, manquant de me couper lorsque je commence à tailler les légumes. Qu'importe si ça ne fait que trois mois et demi : tous les trois, nous formons une vraie famille.
     — Est-ce que ça veut dire que tu seras bientôt mon papa ?
     Cette fois, ce sont trois perles salées qui roulent sur ma pommette. Un reniflement, discret, alors que je me retourne pour les regarder. Le sourire de Sakura. Le bonheur sur le visage de Tadhg. Mon cœur qui rate un battement.
     — Ce n'est pas à moi de le décider, tu sais, lui explique-t-il en dégageant sa frange qui lui tombe dans les yeux.
     — Oh, d'accord. C'est pas grave, je t'aime quand même fort fort fort.
     Sa dernière phrase a le mérite de détendre l'atmosphère et de nous faire rire, Tadhg et moi, alors qu'il repose ma fille par terre et me fait un clin d'œil. J'attends qu'elle reparte dans le salon, s'installe sur le canapé et se plonge dans un dessin-animé pour reprendre la place que j'occupais dans les bras de mon homme – bordel, mon homme.
     — Si tu veux devenir son papa, on peut s'arranger, tu sais... osé-je dans un souffle. Pas maintenant, c'est trop tôt. Mais disons... L'année prochaine, si tu survis à nous deux encore douze mois.
     Il fronce les sourcils, l'air de ne pas comprendre, puis ses yeux s'illuminent et ne me quittent plus.
     — Tu veux dire adopter ta fille ? Légalement ? Qu'elle porte mon nom ?
     Je hausse les épaules, un sourire timide aux lèvres, le laisse m'embrasser et éclaire :
     — Adopter ma fille, légalement, et qu'elle porte ton nom en plus du mien. Seulement si ça fonctionne entre nous, et si elle l'accepte aussi.
     Parce qu'elle te connaît depuis des années, que tu es son papa depuis longtemps dans son cœur, qu'elle ne demande que ça, et que je ne me vois pas passer une seule journée de plus sans toi à mes côtés, c'est ce que je garde pour moi. Encore un peu, juste quelques temps.
     — Je crois que c'est le plus beau cadeau d'anniversaire de ma vie, mo ghrá. Et j'ai hâte d'être à l'année prochaine, de signer ces papiers, et de t'épouser dans la foulée.
     Je pouffe nerveusement tandis qu'il me serre dans ses bras, si fort que ma respiration se coupe, puis qu'il dépose un baiser dans mon cou.
     — Tu parles de mariage au bout de trois mois et demi de relation, toi ? plaisanté-je alors que dans ma tête, le « oui » est déjà imprimé.
     — Si j'adopte Sakura, il est hors de question que tu ne portes pas mon nom de famille aussi, joli cœur. Madame Legrand-Gallagher, ça ferait trop classe en plus...
     Madame Legrand-Gallagher...
     — On se donne rendez-vous dans un an, alors, monsieur Gallagher...

Et les mistrals gagnants...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant